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XXV Je dis analogue ou bizarre, parce que tout a son résultat dans la Nature ; l'expérience la plus extravagante, ainsi que la plus raisonnée.

Publié le 29/06/2013

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XXV Je dis analogue ou bizarre, parce que tout a son résultat dans la Nature ; l'expérience la plus extravagante, ainsi que la plus raisonnée. La philosophie expérimentale, qui ne se propose rien, est toujours contente de ce qui lui vient ; la philosophie rationnelle est toujours instruite, lors même que ce qu'elle s'est proposé ne lui vient pas. XXVI La philosophie expérimentale est une étude innocente qui ne demande presque aucune préparation de l'âme. On n'en peut pas dire autant des autres parties de la philosophie. La plupart augmentent en nous la fureur des conjectures. La philosophie expérimentale la réprime à la longue. On s'ennuie tôt ou tard de deviner maladroitement. XXVII Le goût de l'observation peut être inspiré à tous les hommes ; il semble que celui de l'expérience ne doive être inspiré qu'aux hommes riches. L'observation ne demande qu'un usage habituel des sens ; l'expérience exige des dépenses continuelles. Il serait à souhaiter que les grands ajoutassent ce moyen de se ruiner à tant d'autres moins honorables qu'ils ont imaginés 71. Tout bien considéré, il vaudrait mieux qu'ils fussent appauvris par un chimiste 72 que dépouillés par des gens d'affaires, entêtés de la physique expérimentale qui les amuserait quelquefois, qu'agités par l'ombre du plaisir qu'ils poursuivent sans cesse et qui leur échappe toujours. Je dirais volontiers aux philosophes dont la fortune est bornée et qui se sentent portés à la physique expérimentale, ce que je conseillerais à mon ami, s'il était tenté de la jouissance d'une belle Courtisane : Laïdem habeto, dummodo te Las non habeat 73 . C'est un conseil que je donnerais encore à ceux qui ont l'esprit assez étendu pour imaginer des systèmes, et qui sont assez opulents pour les vérifier par l'expérience : Ayez un système, j'y consens ; mais ne vous en laissez pas dominer : Laidem habeto. XXVIII La physique expérimentale peut être comparée dans ses bons effets au conseil de ce père qui dit à ses enfants en mourant qu'il y avait un trésor caché dans son champ, mais qu'il ne savait point en quel endroit 74. Ses enfants se mirent à bêcher le champ ; ils ne trouvèrent pas le trésor qu'ils cherchaient ; mais ils firent dans la saison une récolte abondante à laquelle ils ne s'attendaient pas. XXIX L'année suivante, un des enfants dit à ses frères : J'ai soigneusement examiné le terrain que notre père nous a laissé, et je pense avoir découvert l'endroit du trésor. Écoutez, voici comment j'ai raisonné. Si le trésor est caché dans le champ, il doit y avoir dans son enceinte quelques signes qui marquent l'endroit ; or j'ai aperçu des traces singulières vers l'angle qui regarde l'orient ; le sol y paraît avoir été remué. Nous nous sommes assurés par notre travail de l'année passée que le trésor n'est point à la surface de la terre ; il faut donc qu'il soit caché dans ses entrailles : prenons incessamment la bêche, et creusons jusqu'à ce que nous soyons parvenus au souterrain de l'avarice. Tous les frères entraînés, moins par la force de la raison que par le désir de la richesse, se mirent à l'ouvrage. Ils avaient déjà creusé profondément sans rien trouver ; l'espérance commençait à les abandonner et le murmure à se faire entendre, lorsqu'un d'entre eux s'imagina reconnaître la présence d'une mine, à quelques particules brillantes. C'en était en effet une de plomb qu'on avait anciennement exploitée, qu'ils travaillèrent et qui leur produisit beaucoup. Telle est quelquefois la suite des expériences suggérées par les observations et les idées systématiques de la philosophie rationnelle. C'est ainsi que les chimistes 75 et les géomètres 76, en s'opiniâtrant à la solution de problèmes peut-être impossibles, sont parvenus à des découvertes plus importantes que cette solution 77. XXX La grande habitude de faire des expériences donne aux manouvriers d'opérations les plus grossiers un pressentiment qui a le caractère de l'inspiration. Il ne tiendrait qu'à eux de s'y tromper comme Socrate, et de l'appeler un démon familier 78 . Socrate avait une si prodigieuse habitude de considérer les hommes et de peser les circonstances, que dans les occasions les plus délicates, il s'exécutait secrètement, en lui, une combinaison prompte et juste, suivie d'un pronostic dont l'événement ne s'écartait guère. Il jugeait des hommes comme les gens de goût jugent des ouvrages d'esprit, par sentiment. Il en est de même en physique expérimentale, de l'instinct 79 de nos grands manouvriers Ils ont vu si souvent et de si près la nature dans ses opérations, qu'ils devinent avec assez de précision le cours qu'elle pourra suivre dans les cas où il leur prend envie de la provoquer par les essais les plus bizarres. Ainsi le service le plus important qu'ils aient à rendre à ceux qu'ils initient à la philosophie expérimentale, c'est bien moins de les instruire du procédé et du résultat, que de faire passer en eux cet esprit de divination par lequel on subodore 81, pour ainsi dire, des procédés inconnus, des expériences nouvelles, des résultats ignorés. XXXI Comment cet esprit se communique-t-il ? Il faudrait que celui qui en est possédé, descendît en lui-même pour reconnaître distinctement ce que c'est, substituer au démon familier des notions intelligibles et claires, et

« ceux qui ont l'esprit assez étendu pour imaginer des systèmes, et qui sont assez opulents pour les vérifier par l'expérience : Ayez un système, j'y consens ; mais ne vous en laissez pas dominer : Laidem habeto.

XXVIII La physique expérimentale peut être comparée dans ses bons effets au conseil de ce père qui dit à ses enfants en mourant qu'il y avait un trésor caché dans son champ, mais qu'il ne savait point en quel endroit 74 .

Ses enfants se mirent à bêcher le champ ; ils ne trouvè- rent pas le trésor qu'ils cherchaient ; mais ils firent dans la saison une récolte abondante à laquelle ils ne s'attendaient pas.

XXIX L'année suivante, un des enfants dit à ses frères : J'ai soigneusement examiné le terrain que notre père nous a laissé, et je pense avoir découvert l'endroit du trésor.

Écoutez, voici comment j'ai raisonné.

Si le trésor est caché dans le champ, il doit y avoir dans son enceinte quelques signes qui marquent l'endroit ; or j'ai aperçu des traces singulières vers l'angle qui regarde l'orient ; le sol y paraît avoir été remué.

Nous nous sommes assurés par notre travail de l'année passée que le trésor n'est point à la surface de la terre ; il faut donc qu'il soit caché dans ses entrailles : prenons incessamment la bêche, et creusons jusqu'à ce que nous soyons par- venus au souterrain de l'avarice.

Tous les frères entraînés, moins par la force de la raison que par le désir de la richesse, se mirent à l'ouvrage.

Ils avaient déjà creusé profondément sans rien trouver ; l'espé- rance commençait à les abandonner et le murmure à se faire entendre, lorsqu'un d'entre eux s'imagina recon- naître la présence d'une mine, à quelques particules brillantes.

C'en était en effet une de plomb qu'on avait anciennement exploitée, qu'ils travaillèrent et qui leur produisit beaucoup.

Telle est quelquefois la suite des. »

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