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XXXI - La chasse à courre   Le piqueur qui avait détourné le sanglier et qui avait affirmé au roi que l'animal n'avait pas quitté l'enceinte e s'était pas trompé.

Publié le 04/11/2013

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XXXI - La chasse à courre   Le piqueur qui avait détourné le sanglier et qui avait affirmé au roi que l'animal n'avait pas quitté l'enceinte e s'était pas trompé. À peine le limier fut-il mis sur la trace, qu'il s'enfonça dans le taillis et que d'un massif 'épines il fit sortir le sanglier qui, ainsi que le piqueur l'avait reconnu à ses voies, était un solitaire, c'est-à-dire ne bête de la plus forte taille. L'animal piqua droit devant lui et traversa la route à cinquante pas du roi, suivi seulement du limier qui 'avait détourné. On découpla aussitôt un premier relais, et une vingtaine de chiens s'enfoncèrent à sa poursuite. La chasse était la passion de Charles. À peine l'animal eut-il traversé la route qu'il s'élança derrière lui, onnant la vue, suivi du duc d'Alençon et de Henri, à qui un signe de Marguerite avait indiqué qu'il ne devait oint quitter Charles. Tous les autres chasseurs suivirent le roi. Les forêts royales étaient loin, à l'époque où se passe l'histoire que nous racontons, d'être, comme elles le sont aujourd'hui, de grands parcs coupés par des allées carrossables. Alors, l'exploitation était à peu près nulle. Les rois n'avaient pas encore eu l'idée de se faire commerçants et de diviser leurs bois en coupes, en taillis et en utaies. Les arbres, semés non point par de savants forestiers, mais par la main de Dieu, qui jetait la graine au aprice du vent, n'étaient pas disposés en quinconces, mais poussaient à leur loisir et comme ils font encore ujourd'hui dans une forêt vierge de l'Amérique. Bref, une forêt, à cette époque, était un repaire où il y avait à oison du sanglier, du cerf, du loup et des voleurs ; et une douzaine de sentiers seulement, partant d'un point, toilaient celle de Bondy, qu'une route circulaire enveloppait comme le cercle de la roue enveloppe les jantes. En poussant la comparaison plus loin, le moyeu ne représenterait pas mal l'unique carrefour situé au centre u bois, et où les chasseurs égarés se ralliaient pour s'élancer de là vers le point où la chasse perdue reparaissait. Au bout d'un quart d'heure, il arriva ce qui arrivait toujours en pareil cas : c'est que des obstacles presque nsurmontables s'étant opposés à la course des chasseurs, les voix des chiens s'étaient éteintes dans le lointain, t le roi lui-même était revenu au carrefour, jurant et sacrant, comme c'était son habitude. - Eh bien ! d'Alençon, eh bien ! Henriot, dit-il, vous voilà, mordieu, calmes et tranquilles comme des eligieuses qui suivent leur abbesse. Voyez-vous, ça ne s'appelle point chasser, cela. Vous, d'Alençon, vous avez 'air de sortir d'une boîte, et vous êtes tellement parfumé que si vous passez entre la bête et mes chiens, vous êtes apable de leur faire perdre la voie. Et vous, Henriot, où est votre épieu, où est votre arquebuse ? voyons. - Sire, dit Henri, à quoi bon une arquebuse ? Je sais que Votre Majesté aime à tirer l'animal quand il tient ux chiens. Quant à un épieu, je manie assez maladroitement cette arme, qui n'est point d'usage dans nos ontagnes, où nous chassons l'ours avec le simple poignard. - Par la mordieu, Henri, quand vous serez retourné dans vos Pyrénées, il faudra que vous m'envoyiez une leine charretée d'ours, car ce doit être une belle chasse que celle qui se fait ainsi corps à corps avec un animal ui peut nous étouffer. Écoutez donc, je crois que j'entends les chiens. Non, je me trompais. Le roi prit son cor et sonna une fanfare. Plusieurs fanfares lui répondirent. Tout à coup un piqueur parut qui it entendre un autre air. - La vue ! la vue ! cria le roi. Et il s'élança au galop, suivi de tous les chasseurs qui s'étaient ralliés à lui. Le iqueur ne s'était pas trompé. À mesure que le roi s'avançait, on commençait d'entendre les aboiements de la eute, composée alors de plus de soixante chiens, car on avait successivement lâché tous les relais placés dans es endroits que le sanglier avait déjà parcourus. Le roi le vit passer pour la seconde fois, et, profitant d'une aute futaie, se jeta sous bois après lui, donnant du cor de toutes ses forces. Les princes le suivirent quelque emps. Mais le roi avait un cheval si vigoureux, emporté par son ardeur il passait par des chemins tellement scarpés, par des taillis si épais, que d'abord les femmes, puis le duc de Guise et ses gentilshommes, puis les deux princes, furent forcés de l'abandonner. Tavannes tint encore quelque temps ; mais enfin il y renonça à son tour. Tout le monde, excepté Charles et quelques piqueurs qui, excités par une récompense promise, ne voulaient pas quitter le roi, se retrouva donc dans les environs du carrefour. Les deux princes étaient l'un près de l'autre dans une longue allée. À cent pas d'eux, le duc de Guise et ses gentilshommes avaient fait halte. Au carrefour se tenaient les femmes. - Ne semblerait-il pas, en vérité, dit le duc d'Alençon à Henri en lui montrant du coin de l'oeil le duc de Guise, que cet homme, avec son escorte bardée de fer, est le véritable roi ? Pauvres princes que nous sommes, il ne nous honore pas même d'un regard. - Pourquoi nous traiterait-il mieux que ne nous traitent nos propres parents ? répondit Henri. Eh ! mon frère ! ne sommes-nous pas, vous et moi, des prisonniers à la cour de France, des otages de notre parti ? Le duc François tressaillit à ces mots, et regarda Henri comme pour provoquer une plus large explication ; mais Henri s'était plus avancé qu'il n'avait coutume de le faire, et il garda le silence. - Que voulez-vous dire, Henri ? demanda le duc François, visiblement contrarié que son beau-frère, en ne continuant pas, le laissât entamer ces éclaircissements. - Je dis, mon frère, reprit Henri, que ces hommes si bien armés, qui semblent avoir reçu pour tâche de ne point nous perdre de vue, ont tout l'aspect de gardes qui prétendraient empêcher deux personnes de s'échapper. - S'échapper, pourquoi ? comment ? demanda d'Alençon en jouant admirablement la surprise et la naïveté. - Vous avez là un magnifique genêt, François, dit Henri poursuivant sa pensée tout en ayant l'air de changer de conversation ; je suis sûr qu'il ferait sept lieues en une heure, et vingt lieues d'ici à midi. Il fait beau ; cela invite, sur ma parole, à baisser la main. Voyez donc le joli chemin de traverse. Est ce qu'il ne vous tente pas, François ? Quant à moi, l'éperon me brûle. François ne répondit rien. Seulement il rougit et pâlit successivement ; puis il tendit l'oreille comme s'il écoutait la chasse. - La nouvelle de Pologne fait son effet, dit Henri, et mon cher beau-frère a son plan. Il voudrait bien que je me sauvasse, mais je ne me sauverai pas seul. Il achevait à peine cette réflexion, quand plusieurs nouveaux convertis, revenus à la cour depuis deux ou trois mois, arrivèrent au petit galop et saluèrent les deux princes avec un sourire des plus engageants. Le duc d'Alençon, provoqué par les ouvertures de Henri, n'avait qu'un mot à dire, qu'un geste à faire, et il était évident que trente ou quarante cavaliers, réunis en ce moment autour d'eux comme pour faire opposition à la troupe de M. de Guise, favoriseraient la fuite ; mais il détourna la tête, et portant son cor à sa bouche, il sonna le ralliement. Cependant les nouveaux venus, comme s'ils eussent cru que l'hésitation du duc d'Alençon venait du voisinage et de la présence des Guisards, s'étaient peu à peu glissés entre eux et les deux princes, et s'étaient échelonnés avec une habileté stratégique qui annonçait l'habitude des dispositions militaires. En effet, pour arriver au duc d'Alençon et au roi de Navarre, il eût fallu leur passer sur le corps, tandis qu'à perte de vue s'étendait devant les deux beaux frères une route parfaitement libre. Tout à coup, entre les arbres, à dix pas du roi de Navarre, apparut un autre gentilhomme que les deux princes n'avaient pas encore vu. Henri cherchait à deviner qui il était, quand ce gentilhomme, soulevant son chapeau, se fit reconnaître à Henri pour le vicomte de Turenne, un des chefs du parti protestant que l'on croyait en Poitou. Le vicomte hasarda même un signe qui voulait clairement dire : - Venez-vous ? Mais Henri, après avoir bien consulté le visage impassible et l'oeil terne du duc d'Alençon, tourna deux ou trois fois la tête sur son épaule comme si quelque chose le gênait dans le col de son pourpoint. C'était une réponse négative. Le vicomte la comprit, piqua des deux et disparut dans le fourré. Au même instant on entendit la meute se rapprocher, puis, à l'extrémité de l'allée où l'on se trouvait, on vit passer le sanglier, puis au même instant les chiens, puis, pareil au chasseur infernal, Charles IX sans chapeau, le cor à la bouche, sonnant à se briser les poumons ; trois ou quatre piqueurs le suivaient. Tavannes avait disparu. - Le roi ! s'écria le duc d'Alençon. Et il s'élança sur la trace. Henri, rassuré par la présence de ses bons amis, leur fit signe de ne pas s'éloigner et s'avança vers les dames. - Eh bien ? dit Marguerite en faisant quelques pas au-devant de lui. - Eh bien, madame, dit Henri, nous chassons le sanglier. - Voilà tout ? - Oui, le vent a tourné depuis hier matin ; mais je crois vous avoir prédit que cela serait ainsi. - Ces changements de vent sont mauvais pour la chasse, n'est-ce pas, monsieur ? demanda Marguerite. - Oui, dit Henri, cela bouleverse quelquefois toutes les dispositions arrêtées, et c'est un plan à refaire. En ce moment les aboiements de la meute commencèrent à se faire entendre, se rapprochant rapidement, et une sorte de vapeur tumultueuse avertit les chasseurs de se tenir sur leurs gardes. Chacun leva la tête et tendit l'oreille. Presque aussitôt le sanglier déboucha, et au lieu de se rejeter dans le bois, il suivit la route venant droit sur le carrefour où se trouvaient les dames, les gentilshommes qui leur faisaient la cour, et les chasseurs qui avaient perdu la chasse. Derrière lui, et lui soufflant au poil, venaient trente ou quarante chiens des plus robustes ; puis, derrière les chiens, à vingt pas à peine, le roi Charles sans toquet, sans manteau, avec ses habits tout déchirés par les épines, le visage et les mains en sang. Un ou deux piqueurs restaient seuls avec lui. Le roi ne quittait son cor que pour exciter ses chiens, ne cessait d'exciter ses chiens que pour reprendre son cor. Le monde tout entier avait disparu à ses yeux. Si son cheval eût manqué, il eût crié comme Richard III : Ma couronne pour un cheval ! Mais le cheval paraissait aussi ardent que le maître, ses pieds ne touchaient pas la terre et ses naseaux soufflaient le feu. Le sanglier, les chiens, le roi passèrent comme une vision. - Hallali, hallali ! cria le roi en passant. Et il ramena son cor à ses lèvres sanglantes. À quelques pas de lui

« frère ! nesommes-nous pas,vous etmoi, desprisonniers àla cour deFrance, desotages denotre parti ? Le duc François tressaillit àces mots, etregarda Henricomme pourprovoquer uneplus large explication ; mais Henri s’était plusavancé qu’iln’avait coutume delefaire, etilgarda lesilence. – Que voulez-vous dire,Henri ? demanda leduc François, visiblement contrariéquesonbeau-frère, enne continuant pas,lelaissât entamer ceséclaircissements. – Je dis, mon frère, reprit Henri, queceshommes sibien armés, quisemblent avoirreçupour tâche dene point nousperdre devue, onttout l’aspect degardes quiprétendraient empêcherdeuxpersonnes des’échapper. – S’échapper, pourquoi ?comment ? demandad’Alençon enjouant admirablement lasurprise etlanaïveté. – Vous avezlàun magnifique genêt,François, ditHenri poursuivant sapensée toutenayant l’airdechanger de conversation ; jesuis sûrqu’il ferait septlieues enune heure, etvingt lieues d’iciàmidi.

Ilfait beau ; cela invite, surmaparole, àbaisser lamain.

Voyez donclejoli chemin detraverse.

Estcequ’il nevous tente pas, François ? Quantàmoi, l’éperon mebrûle. François nerépondit rien.Seulement ilrougit etpâlit successivement ; puisiltendit l’oreille commes’il écoutait lachasse. – La nouvelle dePologne faitson effet, ditHenri, etmon cherbeau-frère ason plan.

Ilvoudrait bienqueje me sauvasse, maisjene me sauverai passeul. Il achevait àpeine cetteréflexion, quandplusieurs nouveaux convertis, revenusàla cour depuis deuxoutrois mois, arrivèrent aupetit galop etsaluèrent lesdeux princes avecunsourire desplus engageants. Le duc d’Alençon, provoquéparlesouvertures deHenri, n’avait qu’unmotàdire, qu’un gesteàfaire, etil était évident quetrente ouquarante cavaliers, réunisencemoment autourd’euxcomme pourfaireopposition à la troupe deM. de Guise, favoriseraient lafuite ; maisildétourna latête, etportant soncoràsa bouche, ilsonna le ralliement. Cependant lesnouveaux venus,comme s’ilseussent cruque l’hésitation duduc d’Alençon venaitduvoisinage et de laprésence desGuisards, s’étaientpeuàpeu glissés entreeuxetles deux princes, ets’étaient échelonnés avec unehabileté stratégique quiannonçait l’habitude desdispositions militaires.Eneffet, pourarriver auduc d’Alençon etau roi deNavarre, ileût fallu leurpasser surlecorps, tandis qu’àperte devue s’étendait devantles deux beaux frèresuneroute parfaitement libre. Tout àcoup, entrelesarbres, àdix pas duroi deNavarre, apparutunautre gentilhomme quelesdeux princes n’avaient pasencore vu.Henri cherchait àdeviner quiilétait, quand cegentilhomme, soulevantsonchapeau, se fit reconnaître àHenri pourlevicomte deTurenne, undes chefs duparti protestant quel’on croyait enPoitou. Le vicomte hasarda mêmeunsigne quivoulait clairement dire : – Venez-vous ? MaisHenri, aprèsavoirbienconsulté levisage impassible etl’œil terne duduc d’Alençon, tourna deuxoutrois foislatête surson épaule comme siquelque choselegênait danslecol deson pourpoint. C’était uneréponse négative.

Levicomte lacomprit, piquadesdeux etdisparut danslefourré.

Aumême instant on entendit lameute serapprocher, puis,àl’extrémité del’allée oùl’on setrouvait, onvit passer lesanglier, puis au même instant leschiens, puis,pareil auchasseur infernal,CharlesIXsans chapeau, lecor àla bouche, sonnant àse briser lespoumons ; troisouquatre piqueurs lesuivaient.

Tavannesavaitdisparu. – Le roi ! s’écria leduc d’Alençon.

Etils’élança surlatrace.

Henri, rassuré parlaprésence deses bons amis, leur fitsigne dene pas s’éloigner ets’avança verslesdames. – Eh bien ? ditMarguerite enfaisant quelques pasau-devant delui. – Eh bien, madame, ditHenri, nouschassons lesanglier. – Voilà tout ? – Oui, levent atourné depuishiermatin ; maisjecrois vousavoir prédit quecela serait ainsi. – Ces changements devent sontmauvais pourlachasse, n’est-ce pas,monsieur ? demandaMarguerite. – Oui, ditHenri, celabouleverse quelquefois touteslesdispositions arrêtées,etc’est unplan àrefaire. En cemoment lesaboiements delameute commencèrent àse faire entendre, serapprochant rapidement,et une sorte devapeur tumultueuse avertitleschasseurs desetenir surleurs gardes.

Chacun levalatête ettendit l’oreille.

Presque aussitôtlesanglier déboucha, etau lieu deserejeter danslebois, ilsuivit laroute venant droitsurle carrefour oùsetrouvaient lesdames, lesgentilshommes quileur faisaient lacour, etles chasseurs quiavaient perdu lachasse. Derrière lui,etlui soufflant aupoil, venaient trenteouquarante chiensdesplus robustes ; puis,derrière les chiens, àvingt pasàpeine, leroi Charles sanstoquet, sansmanteau, avecseshabits toutdéchirés parlesépines, le visage etles mains ensang. Un oudeux piqueurs restaientseulsaveclui.Leroi nequittait soncorque pour exciter seschiens, necessait d’exciter seschiens quepour reprendre soncor.

Lemonde toutentier avaitdisparu àses yeux.

Sison cheval eût manqué, ileût crié comme Richard III :Macouronne pouruncheval ! Mais lecheval paraissait aussiardent quelemaître, sespieds netouchaient paslaterre etses naseaux soufflaient lefeu. Le sanglier, leschiens, leroi passèrent commeunevision. – Hallali, hallali ! crialeroi enpassant.

Etilramena soncoràses lèvres sanglantes.

Àquelques pasdelui. »

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