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Zola La débâcle

Publié le 03/03/2011

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Pendant l'été de 1870, l'armée française est encerclée dans la cuvette de Sedan par les armées prussiennes qui sont installées sur le plateau d'Illy. Le 1er septembre, une division de chasseurs d'Afrique effectue une charge pour tenter de repousser l'ennemi. Cette tentative se solde par un échec et un massacre qui conduisent l'empereur Napoléon III à capituler.

Au moment où débute le texte, le premier escadron vient d'être anéanti («anéantissement fatal et prévu«), mais la charge n'est pas abandonnée pour autant. La charge fut reprise, le deuxième escadron s'avançait dans une furie grandissante, les hommes couchés sur l'encolure, tenant le sabre au genou, prêts à sabrer. Deux cents mètres encore furent franchis, au milieu de 5 l'assourdissante clameur de tempête. Mais, de nouveau, sous les balles, le centre se creusait, les hommes et les bêtes tombaient, arrêtaient la course de l'inextricable embarras de leurs cadavres. Et le deuxième escadron fut ainsi fauché à son tour, anéanti, laissant la place à ceux qui le suivaient. 10 Alors dans l'entêtement héroïque, lorsque la troisième charge se produisit, Prosper se trouva mêlé à des hussards et à des chasseurs de France. Les régiments se confondaient, ce n'était plus qu'une vague énorme qui se brisait et se reformait sans cesse, pour emporter tout ce qu'elle rencontrait. Il 15 n'avait plus notion de rien, il s'abandonnait à son cheval, ce brave Zéphir, qu'il aimait tant et qu'une blessure à l'oreille semblait affoler. Maintenant il était au centre, d'autres chevaux se cabraient, se renversaient autour de lui, des hommes étaient jetés à terre, comme par un coup de vent, 20 tandis que d'autres, tués raide, restaient en selle, chargeaient toujours, les paupières vides. Et cette fois, devant les deux cents mètres que l'on gagna à nouveau, les chaumes reparurent, couverts de morts et de mourants. Il y en avait dont la tête s'était enfoncée en terre. D'autres, tombés sur le 25 dos, regardaient le soleil avec des yeux de terreur, sortis des orbites. Puis, c'était un grand cheval noir, un cheval d'officier, le ventre ouvert, et qui tâchait vainement de se remettre debout, les deux pieds de devant pris dans ses entrailles. Sous le feu qui redoublait, les ailes tourbillon-30 nèrent une fois encore, se replièrent pour revenir, acharnées. Enfin, ce ne fut que le quatrième escadron, à la quatrième reprise, qui tomba dans les lignes prussiennes. Prosper, le sabre haut, tapa sur des casques, sur des uniformes sombres qu'il voyait dans un brouillard. Du sang coulait; il remarqua 35 que Zéphir avait la bouche sanglante, et il s'imagina que c'était d'avoir mordu dans les rangs ennemis. La clameur, autour de lui, devenait telle qu'il ne s'entendait plus crier, la gorge arrachée pourtant par le hurlement qui devait en sortir. Mais derrière la première ligne prussienne, il y en avait une 40 autre, et puis une autre, et puis une autre. L'héroïsme devenait inutile; ces masses profondes d'hommes étaient comme des herbes hautes, où chevaux et cavaliers disparaissaient. On avait beau en raser, il y en avait toujours. Le feu continuait avec une telle intensité, à bout portant, que 45 des uniformes s'enflammèrent. Tout sombra; un engloutissement parmi les baïonnettes au milieu des poitrines défoncées et des crânes fendus. Les régiments allaient y laisser les deux tiers de leur effectif. Il ne restait plus de cette charge fameuse que l'héroïque folie de l'avoir tentée. La débâcle, II, 5

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