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La philosophie du XXe siècle: UN RATIONALISME SUR LA DÉFENSIVE

UN RATIONALISME SUR LA DÉFENSIVE

Distinguer sous le nom de rationalisme un courant philoso­phique parmi d’autres, voilà de quoi être surpris. La philo­sophie pourrait-elle donc se désolidariser de la Raison ?
A fortiori, si l’on est en France, où depuis les Lumières elle trouve sous ce label une touche nationale qui fait sa réputation dans le monde, sous couleur, n’est-ce pas ? de bon sens, juste mesure, clarté et distinction. Pourtant, c’est en France plus qu’ailleurs peut-être, que le rationalisme va constituer pour la pensée un terrain d’épreuves. Le temps n ’est plus, au début du XXe siècle, où la Raison dominatrice et sûre d’elle-même pouvait imposer à tous sa vision et sa gestion de l’ensemble du réel.
Décriée de toutes parts, elle est battue en brèche par les pré­ tentions ravivées de la religion, les prestiges de l’affect, l’exalta­ tion de l’émotion et des instincts, les démagogies polymorphes.
Sans parler de la nouvelle idole, le tout-puissant inconscient. Il n ’est pas jusqu’à la science et la technique, ses plus fidèles garants, qui ne semblent lui faire faux bond. Les Sciences révè­lent dans l’Univers une énigme démesurée et confondante.
Enfin, l’organisation des sociétés industrielles, et plus précisé­ ment du travail, fait paraître de l’idéal de rationalisation une parodie monstrueuse, où l’humain ne se retrouve plus.
Quant aux sciences de l’homme, en plein essor sur la lancée du credo positiviste, elles ouvraient sur une relativisation générale des normes et des valeurs, minant souterrainement les ambitions
de l’esprit occidental, qui en attendait une connaissance ultime de lui-même et du monde.
À l’extrême, qui aurait pu prédire au début du siècle que la raison allait se trouver associée à la mise en œuvre, l’efficacité et l’administration des massacres de masse ? Qui, à l’inverse, pou­ vait pressentir assez fortement que l’imminence des désastres à venir était suspendue à l’abandon des plus strictes disciplines de la raison ?
Dans cette perspective de crise, succédant aux menées conquérantes de la Critique, il n’est plus question pour le ratio­nalisme de se présenter comme pourvoyeur de systèmes. Il se fait souple, humble, objecteur, se met au goût du jour ; il se fait rare aussi, se constituant un réduit d’où il tente de soutenir, dans le déchaînement des événements et des pensées, une fonction de remontrance. Ainsi, le personnage qui incarne peut-être le mieux cette constance têtue de la Raison, face aux glissements et aux dérives du temps, reste à peine un philosophe, au sens où l’on attend de lui une doctrine, un système, une vision du monde.


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