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Arturo Benedetti Michelangeli : la virtuosité d'un ascète

Publié le 06/12/2018

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ût-ce du bout des doigts (si l’on peut dire), Michelangeli consentit à la carrière. Il avait hypnotisé Berlin à ses débuts, en 1942 ; il galvanisa Londres. S’ensuivirent des séances d’enregistrement à Abbey Road pour la maison de disques HMV, à peu près le plus substantiel héritage officiel d’un pianiste qui faisait profession (expressément, à haute voix) de détester ses disques. Une chaconne de Bach (dans un arrangement de Busoni) lui permettait encore de s’exprimer à contre-instrument ; mais les Variations Paganini gravées la veille, le 26 octobre 1948, l’obligeaient à s’avouer : un technicien d’une maîtrise sportive, imperturbable, un prestidigitateur paganinien, un maître absolu de la fantaisie sonore, contrôlée. Aveu sans lendemain : de sa vie, Michelangeli n’enregistrera plus d’œuvre ostensiblement virtuose ; à peine s’il en jouera ; quand il fera ses inoubliables Ravel (Gaspard de la nuit) ou Debussy (Préludes), c’est une virtuosité de musicien qu’il polira à l’extrême, l’exaspérant presque, et éclipsant derrière, dans F auto-effacement de l’ascète, tout paraître personnel. En vérité, le détachement émotionnel de Debussy, la personnalité pianistique éclatante de Chopin et de Schumann furent les « paraîtras » derrière lesquels Michelangeli a pu se sentir le plus à l’aise pour ce qui était son souci sacrificiel 

LA RECHERCHE DE L'EXCELLENCE

 

Musicien transcendant comme il l'êtait, Michelangeli se savait et se voulait pianiste avant tout - un artisan. Il ne se déplaçait pas sans au moins un piano à lui - et plus souvent deux - et un accordeur ; il démontait inlassablement, maniaquement, son instrument le jour même d’un concert, à la recherche d’une utopique perfection, cette même égalité hypnotique du mécanisme des touches que lui-même, à force d’ascèse, savait obtenir de ses doigts. Après quoi, comme Glenn Gould (c’est la seule ressemblance), il maudissait ces pianos comme s’ils avaient été des rencontres d’un soir, oubliant qu’ils étaient les siens !

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