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Bitches Brew 1970 Miles Davis (1926)

Publié le 30/06/2015

Extrait du document

Jungle ou savane?

 

Dans ce contexte de sarabande souterraine, Miles runs the voo-doo down est exemplaire. Une basse surpuissante (celle de Dave Holland jouant en contrepoint avec la Fender électrique d'Har-vey Brooks) installe une mise en sons de magie noire. Contre­temps de batteries, clochettes frôlées, peaux humidifiées, gri-gris brandis droit devant... Est-on en pleine savane africaine, dans une favella haïtienne ou dans la jungle amazonienne ? La trompette de Miles ruisselle d'un chapelet de notes si véloces qu'on n'iden­tifie pas le paysage. La guitare casse le rythme, ou du moins le tente, mais lasse, elle fracasse des accords saturés sur ce maels-trôm de percussions autoritaires. Chick Corea accourt à son aide, son piano électrique ranime un moment l'infortunée guitare. Les voilà qui reprennent espoir, assiégés par le rythme. Miles se tait. Replié dans un coin, la trompette sur un genou, il a fait signe à la clarinette de Maupin qui elle aussi part à l'attaque. Mais trahie par le double jeu de Wayne Shorter, elle s'épuise en volutes déses­pérées. Il fait si chaud que les notes se liquéfient, coulées irrégu­lières qui évitent la bouillie du free de justesse. Les musiciens inquiets, au bord de l'électrocution, ralentissent la cadence. Miles se lève lentement, tourne vers la terre les notes qui viennent d'en sourdre. Lui, il sait comment parler aux puissances énergétiques, ses poumons les aspirent à grandes goulées pour mieux les exor­ciser l'instant suivant. Quand le silence revient, la terre, incré­dule, panse ses meurtrissures. Rien ne sera plus comme avant...

« Bitches Brew 1 281 Jungle ou savane? Dans ce contexte de sarabande souterraine, Miles runs the voo­ doo down est exemplaire.

Une basse surpuissante (celle de Dave Holland jouant en contrepoint avec la Fender électrique d'Har­ vey Brooks) installe une mise en sons de magie noire.

Contre­ temps de batteries, clochettes frôlées, peaux humidifiées, gri-gris brandis droit devant.

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Est-on en pleine savane africaine, dans une favella haïtienne ou dans la jungle amazonienne? La trompette de Miles ruisselle d'un chapelet de notes si véloces qu'on n'iden­ tifie pas le paysage.

La guitare casse le rythme, ou du moins le tente, mais lasse, elle fracasse des accords saturés sur ce maels­ trom de percussions autoritaires.

Chick Corea accourt à son aide, son piano électrique ranime un moment l'infortunée guitare.

Les voilà qui reprennent espoir, assiégés par le rythme.

Miles se tait.

Replié dans un coin, la trompette sur un genou, il a fait signe à la clarinette de Maupin qui elle aussi part à l'attaque.

Mais trahie par le double jeu de Wayne Shorter, elle s'épuise en volutes déses­ pérées.

ll fait si chaud que les notes se liquéfient, coulées irrégu­ lières qui évitent la bouillie du free de justesse.

Les musiciens inquiets, au bord de l'électrocution, ralentissent la cadence.

Miles se lève lentement, tourne vers la terre les notes qui viennent d'en sourdre.

Lui, il sait comment parler aux puissances énergétiques, ses poumons les aspirent à grandes goulées pour mieux les exor­ ciser l'instant suivant.

Quand le silence revient, la terre, incré­ dule, panse ses meurtrissures.

Rien ne sera plus comme avant ...

Un mythe Homme public, Miles a toujours défrayé la chronique.

ll n'a aucun égard vis-à-vis des médias, dissimule derrière une agressivité per­ manente une sensibilité d'écorché.

Ses excentricités en garde-robe et sa consommation avouée de drogue et d'alcool, autant que sa vie sexuelle pour le moins tumultueuse, le placent en porte-à-faux par rapport aux puristes d'un jazz d'Epinal.

Miles est un carac­ tère, un curieux avide de provocations et d'expérience.

Son atti­ tude en scène, dos au public ou en oblique, assis à fumer sa cigarette ou à discuter avec le régisseur, sa manière de jouer de la trompette, arc-bouté sur l'instrument, le pavillon dirigé vers le sol, ne contribuèrent pas pour rien à la création d'un véritable mythe davisien.. »

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