Eugène Delacroix
Publié le 17/04/2012
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Eugène Delacroix (1798-1863) Eugène Delacroix est le chef de file du mouvement romantique en peinture et ses oeuvres témoignent d'une grande maîtrise de la couleur. Sa pratique a été enrichie par un long séjour au Maroc, qui lui a fourni de nouveaux sujets. Il y effectua un travail très novateur sur la restitution de la lumière. Il fut l'un des premiers grands artistes à peindre l'Orient. Il a entretenu une correspondance assidue avec Charles Baudelaire, qui avait su renouveler profondément le genre de la critique d'art. Baudelaire avait vu dans l'oeuvre de Delacroix « un bain de sang hanté de mauvais anges «.

«
Toujours avide de se dépasser, d'être plus universel, il semble vouloir fondre dans le brasier
de sa création
les possibilités souvent opposées de l'art.
La genèse de ses œuvres nous le montre:
il exécute un premier croquis « qui est en quelque sorte l'œuf ou l'embryon de l'idée ...
Il con
tient tout, si l'on veut, mais il faut dégager ce tout, qui n'est autre chose que la réunion de chaque
partie.
Ce qui fait précisément de ce croquis l'expression par excellence de l'idée, c'est non pas
la suppression des détails, mais leur complète subordination aux grands traits qui doivent saisir
avant tout >>.
Ces grands traits déterminés, Delacroix reprend et pousse son dessin pour ajouter
à la liberté d'invention, qui a régné jusqu'ici, le détail emprunté au réel et qui donnera la vrai
semblance à la création de l'imagination, cette «reine des facultés»; car «il faut une apparente
réalité.
C'est le réalisme littéral qui est stupide».
Il tire donc du réel « quelques détails carac
téristiques », qui donneront « une sorte de consécration à la partie imaginée ».
Mais, une fois que la création est authentifiée par ce recours à la nature, il importe de
retrouver
et de mettre en évidence l'unité de conception et d'aspect qui, pour lui, est la marque
même de l'œuvre d'art; il faut !>ubordonner maintenant les précisions nouvelles dont l'œuvre
s'est enrichie
à «ces grands traits qui doivent saisir avant tout >> car, même «si chaque détail
offre une perfection
que j'appellerai inimitable, en revanche, la réunion de ces détails présente
rarement
un effet équivalent à celui qui résulte, dans l'ouvrage du grand artiste, dtt sentiment
de l'ensemble et de la composition ...
La plus grande difficulté consiste donc à retourner dans le
tableau à cet effacement des détails, lesquels
pourtant sont la composition, la trame même du
tableau >>.
Alors commence le travail nécessaire des « sacrifices >> et de la soumission réfléchie et
volontaire des parties
« à la convenance générale » qui, pour lui, est le cœur même de la créa
tion artistique.
Après le jet initial de la sensibilité, après l'intervention de l'observation et du
rendu, qui sont venus nourrir ce qui n'était encore qu'un élan presque confus, il appartient
à l'intelligence, toute baignée des intuitions sensibles, de coordonner et d'aboutir.
Dans cette
tâche, elle s'appuiera sur des procédés techniques, tel
que le calque, qui permettra de reproduire
le dessin
primitif en le modifiant, en l'élaborant à mesure qu'on le copie.
Ainsi «ses intentions
sont plus prononcées et
les choses inutiles éloignées ».
Peu à peu, en poussant son œuvre, Dela
croix se rapproche «de l'idéal qu'il porte en lui ...
Ce travail d'idéalisation, précise-t-il, se fait
même presque à mon insu chez moi;
quand je recalque une composition sortie de mon cerveau,
cette seconde édition est toujours corrigée et plus rapprochée
de l'idéal nécessaire ».
Gardant
le bénéfice des détails qui, ajoutés à son premier jet, lui donnaient l'accent de véracité indispen
sable, il les place cependant au rang de subordination que réclame l'unité de l'ensemble, car
il lui faut avant tout dégager l'intention générale que formulait l'inspiration première.
A
la lumière de cette élaboration, s'éclaire le sens même de l'art de Delacroix.
Ce n'est
point,
au premier chef, ce que le poète anglais appelait « une chose de beauté>> , si l'on entend
avant tout par là d'harmonieuses combinaisons de lignes et de couleurs; pas davantage « une
chose de vérité
», mais essentiellement « une chose de poésie )).
Dans cette solitude, dans cette
rareté, dans cette vibration de son âme, nous avons déjà reconnu celles
du poète.
Qu'importe que certains lui reprochent l'insuffisance de la vérité littérale, que d'autres,
imbus
«d'art pur», l'accusent d'être littéraire, parce qu'il est humain: il est poète, un des
plus grands poètes de l'histoire de la peinture, et
c'est cela qu'il veut être, qu'il a besoin d'être,
par une vocation irrésistible.
Il le sait bien, ce qu'il cherche, c'est « cette qualité suprême dont
les écoles ne parlent pas ...
la poésie de la forme et celle de la couleur ».
Effaçons-nous devant
sa parole,
car ce peintre est un écrivain magistral dont le profond et ardent Journal occupe
une place essentielle dans la littérature
du XIXe siècle; il le dit mieux que quiconque: '< Qui
dit un art, dit une poésie.
Il n'y a pas d'art sans un but poétique ...
Il y a une impression qui
résulte de tel arrangement
de couleurs, de lumières et d'ombres ...
C'est ce qu'on appellerait
la musique du tableau ...
Cette émotion s'adresse à la partie la plus intime de l'âme.
Elle remue.
»
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