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Femmes en pièces: une difficile liberté

Publié le 04/12/2018

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DE TROUBLANTES INCARNATIONS

 

C’est au Studio-Théâtre de Vitry, puis au Théâtre de la Bastille, qu’Alain Ollivier a présenté une version sobre et tranchante de l’œuvre insolite de Villiers de ITsle-Adam. Il y incarnait un Félix, trop prosaïque pour comprendre Élisabeth, mais sans cruauté, avec une humanité charnelle, précieuse. Face à lui, la magnétique Agnès Sourdillon donnait à la jeune femme une intensité énigmatique tout à fait prenante.

 

On a découvert à l’Odéon-Théâtre de l’Europe le remarquable spectacle réglé par la Britannique Deborah Wamer. La nouvelle traduction de Teije Sinding de Maison de poupée, comme l’éclatante distribution réunie - Maurice Bénichou, Dominique Blanc, Christine Gagnieux, Andrzej Seweryn, André Wilms -, ont contribué à soutenir la vision de Wamer, tout aussi soucieuse du destin de Torvald que de celui de sa femme. Dominique Blanc, en une époustouflante Nora, mobile, changeante, vibrante, d’une vérité et d’une sensibilité bouleversantes, restera inoubliable.

Créée en mai 1870 au Vaudeville, la Révolte, que Villiers de l’Isle-Adam a écrite en 1869, ne tint l’affiche que cinq jours. Écrit en Italie, publié à Copenhague en 1879, Maison de poupée d’Henrik Ibsen fut représenté pour la première fois à Stockholm en janvier 1880 ; ce drame connut un grand retentissement et fut repris dans de nombreux pays européens dans les années qui suivirent, non sans susciter de vives polémiques.

 

À dix ans d’intervalle, les deux écrivains choisissaient de traiter un thème qui, à l’époque, fit scandale. Le personnage de Élisabeth comme celui de Nora, en effet, représentant deux figures exceptionnelles, deux caractères ardents et audacieux qui, face à la médiocrité de leurs vies conjugales, préfèrent renoncer à ce qui leur est le plus précieux - leurs responsabilités de mères - pour briser les liens qui les entravent. Un idéal les guide. Elles ont conscience qu’il existe, au-dessus des lois rigides et hypocrites de la société, une vérité plus haute que les conventions, plus exigeante même que l’amour qu’elles

Deux chefs-d’œuvre de l'art dramatique de la fin du xixe siècle ont été à l'affiche à Paris, en 1997 : la Révolte, brève pièce de Villiers de l'Isle-Adam, et Maison de poupée, long drame d’Ibsen, qui ont souvent été rapprochés car ils semblent traiter un thème commun. Le personnage d'Elisabeth, dans la pièce de l'écrivain français, comme celui de Nora dans celle du Norvégien, sont des femmes d’idéal qui, blessées par des liens conjugaux décevants, choisissent de quitter leurs foyers, leurs enfants. L’une reviendra, définitivement vaincue. L’autre, non.

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