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Difficile liberté d'Emmanuel Lévinas

Publié le 27/02/2008

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"Est-il sûr que l'intolérance religieuse ne reflète que la barbarie des siècles obscurs ? Le lien entre la foi et le glaive ne définit-il pas la vérité religieuse comme telle ? Distincte des évidences rationnelles, où intolérance et tolérance perdent toute signification, appartient-elle pour autant aux opinions où la tolérance est aisée ? [...] Réflexions de grande portée. Elles dénoncent un vieux préjugé, d'autant plus grave que c'est un préjugé de philosophes. En découvrant la dignité du savoir rationnel, ils reléguèrent parmi les opinions les autres savoirs. Ils méconnurent le privilège de la foi. L'opinion se sait variable et multiple ; elle prévoit déjà le profit qu'elle peut tirer de la confrontation des opinions. La certitude religieuse soustrait la conscience aux variations de l'histoire. Comme la vérité universelle du philosophe, celle du croyant ne tolère aucune limitation. Mais elle ne se retourne pas seulement contre les propos qui la contredisent, mais contre les hommes qui lui tournent le dos. Son ardeur se ranime à la flamme des bûches. La vérité religieuse la plus douce est déjà croisade." "Difficile liberté" (1976) d'Emmanuel Lévinas

Levinas est un philosophe du XXème siècle, connu pour ses analyses sur la relation que chaque homme entretient avec autrui. Avec Levinas, Autrui devient véritablement constitutif de l’être humain. On a souvent classé Levinas en tant que penseur « religieux « et il est vrai que Levinas n’a eu de cesse d’interroger la tradition philosophique à la lumière d’un questionnement enraciné dans le religieux. Le titre de son ouvrage « totalité et infini «, avec sa référence à l’infini, preuve de l’existence de Dieu chez Descartes, en est une preuve. Dans cet ouvrage, il tente de montrer l’échec de la philosophie à vouloir appréhender la totalité. La philosophie ne peut rendre compte de tout. De ce fait, il ménage une transcendance qui ne peut être appréhendée et cette transcendance même peut être liée à une certaine idée de la divinité. Pourtant, il faut s’interroger sur le domaine même du religieux. Qu’entend-on par ce terme ? Levinas a été éduqué dans une éducation juive traditionnelle et a été introduit au talmud. Il a d’ailleurs composé de nombreux livres portant sur la question juive et sur le des lectures talmudiques. Pourtant, même si ses analyses ménagent l’espace d’une transcendance, il ne faut pas identifier Levinas à un dogmatique religieux. Levinas a clairement montré qu’il est possible d’aborder les textes religieux canoniques dans une perspective philosophique au sens le plus strict du terme. Il étudie d’ailleurs dans ce texte les caractéristiques même du sentiment religieux. Si la religion n’est- pas du domaine de la science, où se situe-t-elle pas le système de connaissance ? Est-il qu’une opinion comme les autres ? L’attitude religieuse est-elle par essence même intolérante ?

« croyance.

Le terme fides qui signifie « confiance » ou « croyance », ne possède à la base aucune connotation religieuse.

La foi est une sorte de confiance accordée à une chose dont on ne peut avoir de preuve.

Avoir la foi,c'est ainsi croire en la possibilité ou au pouvoir de quelque chose.

La foi religieuse ainsi est la confiance que l'onplace en l'existence de Dieu.

La foi ne se réduit pas à la croyance, mais a-t-elle à voir avec l'opinion ? Celle-ci vientdu latin opinari , qui signifie « émettre une opinion ».

Elle désigne dans le sens courant un avis, jugement porté sur un sujet qui ne relève pas de la connaissance rationnelle vérifiable, et dépend donc du système de valeur enfonction duquel on se prononce.- Dans un sens philosophique, l'opinion se présente comme un jugement sans fondement rigoureux, souvent dénoncédans la mesure où il se donne de façon abusive les apparences d'un savoir.

L'opinion est donc perçue trèsnégativement par la philosophie et la science.

L'interrogation sur la nature de la vérité et les moyens pour l'atteindrea conduit nombre de philosophes à distinguer entre les différents types de connaissance possibles, ceux quiconduisent à la vérité et ceux qui en éloignent.

Cette démarche a conduit donc comme l'explique Levinas a valoriséle « savoir rationnel ».

Mais du même coup, toutes les connaissances ou idées qui ne pouvaient prétendre à cettecertitude rationnelle se sont vues rejetées dans le domaine de l'opinion.

Les philosophes n'ont donc pas cherché àdistinguer ce qu'ils excluaient de leur domaine rationnel et ont donc rangé la foi dans l'opinion, sans essayervéritablement de comprendre si elle était de même nature que les opinions courantes.

C'est ce que Levinas appelle« le préjugé » des philosophes.

Pour l'auteur, la foi a un statut particulier.

C'est pour cela qu'il parle de « privilège dela foi ».

Mais pour quoi et en quoi ?- Pour le comprendre, Levinas continue son texte par une analyse de l'attitude propre à l'opinion.

Selon lui, l'opinionse sait simple opinion.

Elle a conscience qu'elle ne peut prétendre à la vérité telles que les connaissancesrationnelles.

De fait, l'opinion se veut tolérante.

Cette idée est déjà énoncée dans la troisième question du début dutexte.

Levinas affirme en effet dans cette question que dans le domaine de l'opinion, « la tolérance est aisée ».

Eneffet, puisque l'opinion est prise dans le sens plus commun, avis que chacun émet selon son système de valeur.Chaque opinion reconnaît qu'autrui peut en avoir une différente.

C'est d'ailleurs le sens de la liberté d'opinion etd'expression accordée par nos lois et par la déclaration des droits de l'homme.

Dès lors, on peut dire qu'il y a unemultiplicité d'opinions mais on reconnaît aussi à chacun le droit de changer d'opinion.

C'est pour cela que Levinasparle d'opinion « variable ».De fait, si l'opinion est variable, le débat est possible.

Il est même souhaitable, car c'est bien par la dialogue et laconfrontation des idées que les opinions peuvent évoluer.

C'est le sens même des débats à notre époque, dedéfendre ses opinions mais aussi d'essayer ensemble d'aller vers plus de vérité.

Le débat permet de me mettre enrelation avec autrui.

Ses opinions contredisent les miennes.

Dès lors, elles cessent d'aller de soi et nous prenonsconsciences que notre opinion n'est pas la seule possible.

Le débat peut servir à faire entrer chacun dans uneréflexion sur ses propres opinions.

L'objectif n'est pas tant de convaincre l'autre que de mettre en doute nos propresavis et d'en voir les faiblesses.

Parce que l'opinion sait que celle d'autrui, qui est différente d'elle a une mêmevaleur, elle accepte le dialogue comme chose positive.

La foi se veut une et universelle- Il n'en va pas de même pour la croyance religieuse nous dit Levinas.

Il affirme ainsi que la croyance religieuse, lafoi se veut éternelle, comme une vérité incorruptible, ne pouvant subir aucune modification.

C'est en ce sens qu'ildit que la croyance religieuse ne subit aucune variation historique.

Entre les commandements de la Bible il y a desmilliers d'années et les enseignements religieux contemporains, les fondements de la chrétienté n'ont pasénormément évolué.

Par suite, la foi se pense comme une vérité, puisque ce qui définit les critères de la vérité sontl'éternité et l'indifférence à la corruption et à la génération.

C'est en tout cas dans ces termes que Platon définit lesvérités incarnées par les Idées Intelligibles.Ainsi, la foi se vit sur le mode de la vérité universelle des philosophes.

Or, la vérité si Levinas disait qu'elle étaitindifférente à la tolérance ou à l'intolérance, n'accepte pas les thèses qui la contredisent.

Puisqu'elle est vérité, elleest unique et rien ne peut la contredire.

Il ne peut y avoir plusieurs vérités en effet sur un même sujet sinon il n'yaurait plus de vérité du tout.La foi du religieux de fait, si elle se vit sur le mode de la vérité, se prend pour la seule explication possible du monde.Elle ne tolère pas de « limitation » puisque elle est l'unique vérité du croyant.- De fait, la foi est intolérante.

Elle n'est pas ouverte comme l'opinion sur les autres croyances et autres religions.Elle ne supporte pas les découvertes ou propos qui entrent en contradiction avec elle.

Nous connaissons dansl'histoire de nombreux exemples de cette intolérance religieuse.

Ainsi, certaines découvertes scientifiques ont étérejetées par l'église parce qu'elles rendaient incohérentes et impossibles certains rites ou certains propos religieux.Ainsi, la théorie de l'atomisme, notamment soutenue par Galilée, a été violemment rejetée par l'Eglise parce qu'ellemettait à mal la théorie de la transsubstantiation( le fait que le corps du Christ s'incarne dans le pain de l'Ostie).

Deplus, nous dit Levinas, elle ne se contente pas de ne pas supporter les propos qui lui sont contradictoires mais la foireligieuse n'accepte pas non plus que les gens ne croient pas en son propre Dieu.

C'est en ce sens que Levinas parlede ceux « qui lui tournent le dos ».

Cette idée trouve son illustration dans les nombreuses croisades qui sontd'ailleurs encore d'actualité.- La foi reconnaît Dieu comme seul créateur du monde et comme toute-puissante.

Mais en étant responsable dumonde entier, le croyant le pense comme universel et de fait, tout le monde doit reconnaître son pouvoir qui s'étendsur tous.

Dès lors, le croyant essaie de convertir tout le monde et pour cela que Levinas parle de « croisade ».

Lafoi aurait donc irrémédiablement, découlant de sa nature, des conséquences violentes et intolérantes.

Elle est doncliée à la flamme des bûchers, chargée de brûler les hérétiques qui oseraient croire en autre chose.- On peut cependant se demander à la lecture de ce texte si Levinas ne se méprend pas sur la nature de l'opinion etdonc de la différence de la foi.

Or, il faut bien croire que les opinions se prennent pour vraies.

Pascal en étudiant les. »

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