Ingres
Publié le 17/01/2022
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Ingres, l'un des plus importants disciples de l'art officiel français, débute sa carrière dans l'atelier du peintre classique David. Il passe de nombreuses années en Italie, où il découvre son idéal de beauté en étudiant les maîtres de la Renaissance, en particulier Raphaël. Avec Napoléon pour mécène, l'effondrement de l'Empire affectera considérablement son style de vie. À son retour en France, Ingres est acclamé au Salon de Paris et se trouve en compétition avec le peintre romantique Delacroix. Quoique très sensible aux critiques qu'il soulève, Ingres est ravi d'apparaître comme le plus fervent défenseur du classicisme.
«
mais non pas jusqu'à être incompréhensif, soulignait fort justement en lui, comme un trait essentiel,
« l'amour de la femme» poussé jusqu'à l'obsession, jusqu'à une sensualité qu'il percevait « dans
un jour presque effrayant ».
A l'intérieur même du classicisme, Ingres alimentait des aspirations qui le débordaient
singulièrement.
Il allait même le trahir: le romantisme naissant trouvait.
en lui un adepte; de
r8r5 à r8rg, Ingres succombait au goût «troubadour» et cultivait l'anecdote historique, avec
une passion toute neuve de la couleur locale et du costume: ce sont le Duc d'Albe à Sainte-Gudule,
L'Arétin che;:: le Tintoret, la Mort du Vinci, des épisodes de la vic de Henri IV, Paolo et Francesca
da Rimini ...
Il trahit même l'Olympe et, à Jupiter et Thétis de 18 r 1, il fait succéder l'année suivante
le Songe d'Ossian, un hommage au pseudo rival nordique d'Homère; pire, un clair de lune! Son
Olympe lui-même devient suspect.
Ingres n'hésite pas à l'occasion à étirer et à gonfler le cou
de sa Thétis, contre tout
canon officiel, à ajouter quelques vertèbres à l'Odalisque pour obtenir
un eftet plus exquis de la forme, à enfreindre l'anatomie, cette loi sacra-sainte des davidiens,
qu'il ne craindra pas de qualifier plus tard, devant ses élèves, «cette science affreuse, cette
horrible chose, à laquelle
je ne peux pas penser sans dégoût! >>
A Paris, dans le parti classique, on s'émeut de ces fugues; le sculpteur Préault, dont les
mots étaient mordants,
ricane: « Ingres? un Chinois égaré dans Athènes».
Ingres ne vient pas
de
si loin, mais il ne dédaigne pourtant pas l'Orient et les turqueries; il étudie à l'occasion, le
crayon en main, les miniatures de la Perse ~t de l'Inde; il aime pénétrer dans la tiédeur des
harems,
y surprendre les odalisques alanguies ou les nudités grouillantes du Bain turc auquel
il travailla sa vie durant; son œil s'amuse aux polytonies exotiques des coussins, des étoffes,
au contournement des narghilés; il jette volontiers un schall en cachemire sur les grasses
épaules de
ses modèles fémjnins.
Le moyen âge! L'Orient! Quand, en 1824, il enverra au Salon son Vœu de Louis XIII,
les romantiques pourront-ils faire autre chose qu'applaudir bruyamment, que pressentir dans
l'artiste resté en Italie depuis près de vingt ans le
chef dont ils pourraient se réclamer? Théophile
Gautier qui, dans le romantisme littéraire, occupe une position qui n'est pas sans analogie
avec Ingres par son goût pré-parnassien du Beau, n'écrit-il pas: « Ingres, quoiqu'il puisse
sembler classique à l'observateur superficiel, ne l'est nullement.
Il remonte directement aux
sources primitives, à
la nature, à l'antiquité grecque, à l'art du XVIe siècle.
Nul n'est plus
fidèle
que lui à la couleur locale.
Quel que soit le sujet qu'il traite, Ingres apporte une exactitude
rigoureuse,
une fidélité extrême de couleur et de forme et n'accorde rien au poncif académique.
En ce sens, il est romantique.
»
Appelé par le succès, Ingres rentre à Paris, pour y recevoir la Légion d'honneur et entrer
à l'Institut; le roi lui commande l'Apothéose d' Homere, plafond qu'il exécute pour le Louvre en
1827, puis le Martyre de saint Symphorien, qu'il travaille avec acharnement, dont il veut faire le
chef-d'œuvre de sa vie.
Hélas!
au Salon de 1834, c'est un insuccès brutal, patent.
Ses audaces,
ses innovations affolent depuis plusieurs années les académiques, mais les romantiques, déçus,
s'éloignent.
L'admirateur de Raphaël, l'apologiste d'Homère n'est décidément pas leur homme.
Il y a méprise.
Devant l'échec, la ligne d'action d'Ingres se précise; aigri, il repart pour l'Italie,
dès la fin de cette même
année 1839, nommé directeur de l'Ecole de Rome.
Une cour de jeunes
va bien
l'entourer: ce ne seront pas les romantiques, mais les jeunes « romains » sortis du giron
de l'Ecole.
Lui-même, les audaces de la jeunesse dissipées, il se sent fait pour prendre la tête
d'un classicisme revisé, régénéré, placé sous l'égide de Raphaël.
Avant tout il est bourgeois, il est le peintre de la bourgeoisie: il porte en lui et il satisfera
re à quoi elle aspire: le culte de la réalité, mais exhaussée vers une vision « idéale» par une
discipline stricte et l'observation de règles éprouvées, fidèles à la tradition, et puis aussi le piment
d'une secrète sensualité.
La solidité du réel, l'élévation des principes, l'ordre et une volupté
quelque peu clandestine, c'est le
programme même de la société du XIXe siècle.
Allons-nous trouver ici la clef
de sa nature? Comme tant d'hommes illustres du XI Xc
siècle (je pense à Stendhal, à Mérimée ...
), Ingres continue, pendant l'apogée de la bourgeoisie,
son essor
du XVIIIe siècle.
Il lui faut bien s'insérer dans les cadres classiques et rigoureux qu'elle
a adoptés depuis la Révolution, depuis qu'elle détient le pouvoir, mais il est bien plus proche.
»
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