La musique de Brahms à Mahler

« d'amours fiévreuses: il avait horreur du m_ariage, autant que de l'opéra , se plaisait-il à dire.

A Vien­ ne, il occupe de 1872 à 1875 le poste de directeur de la Singakademie (Académie de chant).

Boute-en-train inlassable, Brahms acquiert une réputation de bon vivant amateur de bonne chère , de cigares et de café -la barbe et l'em­ bonpoint qu'il se laissa pousser aux approches de la cinquantaine accentuant le côté bon «gros ours » de sa physionomie.

Ses tourments intimes , il les gardait pour lui et les exorcisait par sa mu­ sique.

Cette réputation reposait sur une santé de fer et une résistance peu commune: chaque matin il plongeait dans les eaux glacées d'un lac viennois.

Une santé qu'il garda jusqu 'au 3 avril de l'année 1897 , où il succomba à un cancer du foie et rejoignit au cimetière de Vienne ses confrères en génie, Mozart, Beethoven et Schubert.

Malgré l'influence de Schumann et de son ro­ mantisme ardent, Brahms resta fidèle à la tradi­ tion classique de Haydn, Mozart et Beethoven; d'ailleurs l'intérêt de Brahms pour ses prédéces­ seurs remontait à Bach mais aussi aux polypho­ nistes de la Renaissance et aux origines du lied allemand.

Cela n'empêcha pas l'ombre de Bee­ thoven d'avoir quelques effets inhibants pour lui, qui le poussèrent à détruire nombre de ses parti­ tions qu'il jugeait indignes de publication.

Et il n'aborda la symphonie que tard dans sa carrière, à la quarantaine , lorsqu 'il en eut étudié jusque dans les moindres détails les problèmes tech­ niques et formels.

Peu soucieuses d'innovations formelles , les quatre symphonies de Brahms sont à cet égard dignes des symphonies de Beethoven.

Au demeurant , Brahms a abordé tous les genres de la musique instrumentale , mais en em­ pruntant que des moules classiques: sonate , sym­ phonie , quintette, concerto.

Son dévouement à l'idéal de la forme classique et sa confiance dans une musique portant en elle-même tous les germes de sa propre expression , dénuée de toute signification littéraire ou descriptive , lui valurent une position inconfortable: on fit de lui le symbo­ le du parti conservateur des antiwagnériens et des tenants du classicisme.

Anton Bruckner remaniait ..._ systématiquement les partitions de ses symphonies , dans le but de répondre à ses exigences de perfection formelle mais aussi pour rendre sa musique acceptable aux oreilles de ses contemporains .

Mais la perfection formelle n'exclut pas la densité du sentiment artistique, fût-i l que lque peu bourgeois , ni l'exubérance la tendresse ou l'ar­ chitecture la mélancolie .

Et c 'est dans le domai­ ne contenu et réfléchi de la musique de chambre que Brahms donne le meilleur de lui-même: le philosophe allemand Friedrich Nietzsche (1844- 1900) la considérait comme l'expression de «la mélancolie de l'impuissance> >.

Ses pièces pour piano, ses trios , quatuors, quintettes et sextuors , ses lieder font preuve d 'une densité harmonique , d'un climat intimiste et crépusculaire qui en révê­ lent les ascendances romantiques, finalement pas si éloignées de Wagner.

L'œuvre de Brahms est dès lors à considérer comme l'autre versant d'une seule réalité expressive: la musique roman­ tique allemande du XIX'" siècle.

Anton Bruckner (1824-1896) Avec plus ou moins d'autonomie, la plupart des compositeurs de musique instrumentale de la se­ conde partie du XIX'" siècle s'engagèrent dans la voie tracée par Wagner , celle de l'élargissement à l'extrême des ressources mélodiques, ryth­ miques, harmoniques et instrumentales mises le plus souvent au service d'idées philosophiques .

Dans le domaine de la mus ique sympho­ nique, cette révolution wagnérienne trouve sa plus complète traduction dans une dimension nouvelle: le gigantisme , soit dans les structures mêmes , soit dans les moyens orchestraux, ou les deux ensemble, auquel sont soumises les formes musicales.

En particulier chez Anton Bruckner , contemporain de Wagner né onze ans après lui, mais qui ne se fit un nom qu'après la mort de celui-ci.

Maître d'école et organiste , il commence à composer sérieusement à l'âge où Mozart avait ~ A Le public fit a de Brahms l'héritier naturel de Beethoven (ci-dessus) : on surnomma même sa Première Symphonie "la Dixième de Beethoven » .

En 1862 , Brahms se fixa définitivement à Vienne.

À un ami , il écrivit les sentiments que lui inspirait son arrivée dans la capitale autrichienne : "La gaieté de la ville , la beauté de sa campagne , son public vif et sympathique: quel stimulant pour l'artiste que tout cela! ". »