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L'art en Europe au XVIII (18)e siècle : Hégémonie de l'art français. - Prépondérance de Paris. Le style Louis XV

Publié le 17/01/2022

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Quelles sont les limites chronologiques dans lesquelles il convient d'enclore l'art du XVIIIe siècle ou, pour employer l'expression italienne, du Settecento? Si simple que paraisse au premier abord cette question préalable, elle est beaucoup plus complexe qu'elle n'en a l'air. Les naïfs sans malice répondront que le XVIIIe siècle est la période comprise entre 1700 et 1800. Cette limitation est inattaquable d'un point de vue strictement arithmétique; mais il est clair qu'elle est dénuée de toute valeur historique. Les changements de siècle passent généralement inaperçus, exception faite pour l'an 1000, et il est très certain qu'aucun des hommes qui se réveillèrent au matin du 1er janvier 1701 ou 1801 n'eut le sentiment d'entrer dans une ère nouvelle.

Les professeurs d'histoire qui attrubuaient jadis une importance excessilJe aux événements politiques et spécialement aux dates d'avènement des souverains, adoptèrent un système de périodisation qui leur semblait plus raisonnable : ils enseignèrent dans leurs manuels que le XVIIIe siècle commençait à la mort de Louis XIV en 1715 pour finir à la Révolution de 1789. C'était raccourcir sensiblement la durée d'un siècle qui, au lieu d'embrasser une période de cent ans, comme le souligne le mot anglais century, se trouvait réduit à 74 ans.

« 13200 L'ART AU XVIII• SIECLE fois l'architecte Patte nous apporte, dans son magnifique ouvrage sur les Monuments à la gloire de Louis XV, un témoignage ex­ trêmement précieux.

« La plupart des souverains se sont em­ « pressés d'attirer dans leurs états des ar­ « chitectes de notre nation.

Parcourez la « Russie, la Prusse, le Danemark, l'Espagne, « le Portugal et l'Italie; vous trouverez « partout des architectes français qui oc­ « cupent les premières places.

Nos sculp­ « teurs sout également répandus partout : « M.

Saly à Copenhague, M.

Larchevêque à « Stockholm, M.

Gillet à Pétersbourg.

« MM.

Le Lorrain, Tocqué, Lagrenée, pein­ « tres de notre Académie, ont été sucees­ .

Et il conclut ce dénombrement bien in­ complet par ce cri de victoire : « Paris est à l'Europe ce qu'était la Grèce, lorsque les arts y triomphaient : il fournit des artistes à tout le reste du monde :~;.

Qu'aurait-il dit s'il avait écrit vingt ans plus tard? En 1765 Falconet n'avait pas encore été appelé à Petersbourg pour exé­ cuter la statue équestre de Pierre le Grand, Houdon n'avait pas traversé l'Atlantique pour moule.r sur le vif les traits du Général Washington.

C'est la Révolution qui a pa­ ralysé momentanément l'expansion jus­ qu'alors irrésistible de l'art français.

Ce qui montre bien que la France prend conscience de sa supériorité sur l'Italie, qui lui servait de modèle depuis la Renaissance, c'est que, pour la première fois, le main­ tien d'une Académie de France à Rome prête à discussion.

On en vient à se demander si elle n'a pas perdu sa raison d'être.

Les cin­ tres cessent d'être utiles quand les arches d'un pont sont solidement fermées par une clef de voûte.

Un bâtiment achevé n'a plus besoin d'échafaudages.

« Peut-être, écrit Patte, si l'on considère la perfection actuelle de nos arts, ne de­ vrait-il point y avoir d'autre Ecole que la française pour former le goût de nos jeunes artistes...

La France est à présent assez riche de son propre fonds pour pouvoir se passer de tous les secours étrangers.

Elle a créé assez de chefs-d'œuvre pour nous dispenser de rendre à l'Italie un hommage devenu superflu.

Montrons que le temps est enfin arrivé où notre nation doit à son tour servir de modèle aux autres :1>.

Une pareille déclaration pourrait être taxée de forfanterie et de jactance si cet état d'esprit n'était partagé par tous les di- Page 2 recteurs de l'Académie de France à Rome et leurs pensionnaires.

C'est un fait que les Français du xvm' siècle n'acceptent plus 1e dogme - ou le préjugé - de la primauté artistique de l'Italie.

Les jeunes artistes français pensionnés à Rome par le roi ne se considèrent et ne se comportent plus comme des élèves dociles, mais comme des égaux, au besoin comme des concurrents.

L' Acadé­ mie fondée par Colbert n'est plus à propre­ ment parler une école de perfectionnement; elle devient une sorte d'ambassade artisti­ que et un foyer d'expansion de l'art fran­ çais.

Les Italiens eux-mêmes rendent hommage aux artistes français auxquels ils ont passé le flambeau.

La pastelliste vénitienne llo­ salba Carriera, reçue en 1720 à l'Académie Royale de Peinture de Paris, lui envoie comme morceau de réception un tableau représentant une Muse de la suite d'Apol­ lon qui lui offre une couronne de laurier, «la jugeant la seule digne de la porter et de présider à toutes les autres:~;.

En 1777, c'est un Italien, le marquis Ca­ raccioli, ambassadeur de Naples à Versail­ les, qui donnera à son livre, intitulé Paris, le modèle deJs nations étrangèrl!s, le sous· titre de L'Europe française.

Paris supplante Versailles Le second fait sur lequel on ne saurait trop insister, c'est que Paris prend la place non seulement de Rome, mais de Versailles.

Jusqu'à la mort de Louis XIV, la résidence du Roi et de la Cour avait gardé intact son prestige.

Elle conservera ses privilèges jus­ qu'en 1789, mais l'année 1715 marque son déclin.

En s'installant en plein Paris, au Palais­ Royal, le Régent Philippe d'Orléans ac­ complit une véritable révolution dont les conséquences n'allaient pas tarder à appa­ raître.

Quand nous disons que l'art parisien suc­ cède à l'art versaillais, il ne s'agit pas d'un simple déplacement ou changement de lieu : c'est un changement de milieu.

Entre Versailles et Paris, la distance est minime, mais l'atmospère est différente; on y respire un autre air, plus léger et plus tonique.

L'art de Cour se transforme en art de société.

Les artistes ne travaillent plus uni- 10, 1953. »

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