Le Penseur d'Auguste Rodin

« modelé, la manière dont la surface de la sculpture est travaillée, est chargé d'émotivité.

C'est cette surface quisculpte l'espace, c'est elle aussi qui capte ou réfléchit la lumière.

Rodin y accorde un soin maniaque.Lorsque P.

Gsell vint recueillir ses propos sur l'art, A.

Rodin lui fit voir une petite Vénus antique en marbre.

Il luimontra la statuette d'abord à la lumière du jour, et ensuite, il prit une lampe et éclaira son ventre avec une lumièrerasante.

«Voilà ce que m'a appris la sculpture grecque», dit-il.C'est là que réside tout l'art: mille coups de ciseaux ont pourvu la surface des sculptures de petites facettes qui,chacune, réfléchissent la lumière et donnent aux oeuvres un modelé très doux, d'une grande luminosité.«Songez comment dut travailler celui qui voulait se rendre maître de toutes les surfaces, puisqu'aucune chose n'estsemblable à l'autre.

Celui pour qui il ne s'agissait pas de connaître le corps en général, le visage, la main (tout celad'ailleurs n'existe pas); mais tous les corps, tous les visages, toutes les mains.

Quelle tâche se dresse là! Etcombien simple et grave est-elle: sans séduction ni promesse, comme sans phrase.

» Rilke L'auteur Auguste Rodin naît à Paris le 12 novembre 1840.

Son père, coursier à la préfecture de police, se désole : Augusteveut dessiner.

Heureusement, Marie, sa soeur se dévoue et lui paie ses études de dessinateur à l'école de H.

Lecoq.Lorsqu'il découvre la terre glaise, c'est la révélation : il sait qu'il veut être sculpteur.

Son premier portrait sera celuide son père.

Adolescent, il court les rues de Paris et dessine tout ce qu'il voit : églises, arbres, animaux, avec pourtoute nourriture, un quignon de pain.Refusé à trois reprises à l'Ecole des Beaux-Arts et affligé par la mort de sa soeur, il entre dans les ordres.

Il n'yreste qu'un an.

La sculpture l'appelle.

Il travaille d'abord comme sculpteur-décorateur, tout en suivant des cours àl'atelier du sculpteur-animalier, E.

Barye.

C'est alors qu'il rencontre celle qui sera sa compagne de toujours, RoseBeuret.

Ensuite il est engagé par les ateliers Carrier-Belleuse, qui au moment de la Commune s'établissent àBruxelles.

Rodin y vient aussi et y sculpte plusieurs figures pour la Bourse de Bruxelles.Bientôt il s'associe avec un artiste hollandais et tous deux livrent des sculptures à la Belgique et la France.

Ilvoyage aussi, pour la première fois de sa vie : il découvre Amsterdam où grandit son admiration pour Rembrandt etun peu plus tard, c'est l'Italie où se renforce sa dévotion pour Michel-Ange.A son retour de Rome, il décide enfui de travailler pour lui seul et de rentrer à Paris.

Là, jusqu'à la fin de sa vie en1917, il changera continuellement d'ateliers, les accumulant parfois : avenue de l'Université, place d'Italie, rue desGrands Augustins,...Sa lutte avec les instances officielles commence aussi : refus du salon en 1864, puis en 1878, avec L'Age d'Airain.La presse l'accuse d'avoir moulé son modèle.

En 1889, exposé, Le Penseur reste incompris.

Le Baiser, exposé ausalon de Chicago, provoque un scandale.

De même, lorsque les villes de Nancy, de Calais et de Paris lui commandentles monuments de Claude Lorraine, des Bourgeois de Calais, de Victor Hugo, et de Balzac, Rodin se voit obligé demodifier ses oeuvres.Dès 1880, il travaille à la Porte de l'Enfer, une oeuvre qui le passionne et lui prend beaucoup de temps et d'énergie.C'est l'époque aussi de sa liaison amoureuse et orageuse avec Camille Claudel, la soeur de l'écrivain, sculpteur elleaussi.

Une liaison de 11 ans, qui se termine en drame.Au début du siècle, enfin, la France commence à reconnaître le grand sculpteur : il est décoré de la croix de laLégion d'Honneur ; un palais entier lui est consacré à l'exposition universelle qui vit naître la Tour Eiffel.

Par ailleurs,le poète allemand, R.M.

Rilke, vient le trouver.

Rodin l'engage comme secrétaire.

Son atelier bourdonne.

Il y enseigneà de jeunes artistes : A.

Bourdelle, A.

Maillol, ...

Des dames célèbres se pressent pour le rencontrer, dont lacomtesse de Choiseul, et aussi des danseurs, Isadora Duncan, Hanako, Nijinsky...

Les commandes de portraitsaffluent, Mahler, Clémenceau,...En 1916, un an avant sa mort, Rodin lègue toute son oeuvre avec le droit de la reproduire à la ville de Paris.Il meurt à Meudon le 17 novembre 1917. A coups de hache...

En 1889 Rodin expose Le Penseur au salon à Paris.

Comme toujours, la presse et les magnatsdes Beaux-Arts s'emparent de son oeuvre.

Ils la qualifient de gorille, de monstre...

Les journaux impriment :«Regardez ces horribles mains, ce ne sont pas celles d'un homme moral, c'est un répugnant travestissement del'homme.

»Quelque temps plus tard, le modèle en plâtre du Penseur est érigé sur la place du Panthéon.

La nuit suivante,l'oeuvre est détruite à coups de hache...80 ans plus tard, le Penseur est une des sculptures les plus célèbres au monde.

On le voit partout, dans lescimetières, sur la couverture des livres, en forme de serre-livres aussi, ou en machine électronique...

pensante.... »