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Les arts de l'espace

Publié le 06/04/2011

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   La naissance des arts de l'espace, ou arts plastiques est aussi liée à une durée créatrice chez l'artiste; mais celle-ci s'exprime en des objets tout à fait détachés de leurs auteurs et qui prennent place dans l'univers commun. Il y a plus : tandis qu'une chorégraphie, un morceau de musique ou même une pièce de vers ne se séparent pas de l'exécution, c'est-à-dire de leur prise en charge par un acteur en une durée psychologique chaque fois renouvelée, un monument ou une peinture, une fois achevés, modifient par eux-mêmes, par leur simple présence, la qualité de l'espace où ils baignent. Un monument confisque en quelque sorte à son profit et subordonne, selon des valeurs nouvelles, les propriétés de l'étendue banale. Le temple ne modifie pas seulement le paysage : il le fait autre, nous voulons dire d'une autre nature en l'introduisant tout entier dans le monde des formes. Différemment, le tableau peint appelle à lui et retient les valeurs spatiales en supprimant la réalité de l'étendue environnante, en limitant le domaine de l'objet en quelque sorte au cadre du tableau, selon les postulats et les conventions de la peinture.   

« Aussi est-ce la représentation des corps (humains ou animaux) qui semble sinon le thème essentiel de la sculpture,du moins l'exercice caractéristique de cette recherche du mobile dans l'immobile, de l'expression dans l'équilibreformel, l'occasion privilégiée de la détermination des valeurs spatiales par la figure et le groupement des figures. La peinture.

Parce que, nous l'avons vu, la peinture ramène à elle l'espace et peut, par conséquent, varier sespostulats1 et ses tentatives (de toute façon conventionnels), elle apparaît comme un art bien différent de lasculpture, à la fois moins sévère et plus abstrait.

Moins sévère en ce qu'elle fait de la couleur sa matière, et utilisela représentation des objets les plus divers; plus abstrait en ce qu'elle nous propose tout un univers sur un seulplan, et permet une spéculation plus poussée en ce qui concerne les éléments composant son espace. Mais, tout d'abord, la peinture doit vaincre un préjugé et une difficulté contre lesquels communément viennent buterle public et le néophyte.

Le préjugé, qu'on peut appeler préjugé du réalisme, au sens large et anesthétique du mot,surgit du fait que la peinture utilise la représentation des objets usuels : aussi est-ce uniquement à l'exactitude decette représentation que s'arrête le jugement d'un public mal informé.

La difficulté, qui concerne cette fois lepeintre, vient de ce que c'est par les couleurs que la peinture tente la représentation de la forme et de la lumièredans l'espace esthétique.

Or, très souvent des rapports colorés maladroits, comme la fusion trop prononcée descouleurs, suppriment l'un des deux éléments (formel ou lumineux) sinon les deux.

Rappelons encore, en liaison avecle préjugé et la difficulté signalés, que la perspective classique (voir p.

50) n'est pas non plus un critère absolu enmatière de représentation picturale. Au delà de ces remarques élémentaires, il faut admettre la liberté — périlleuse — du peintre et, par conséquent, lamultiplicité des solutions que la peinture propose à ce problème : composer en un tableau l'espace esthétique (enfait le plus éloigné du réel), celui que, en un sens et dans une expression valable, Jean Paulhan a nommé l'espace ducœur. Il s'agit, en effet, grâce à des rapports de tons qui déterminent des formes, lesquelles se composent entre elles ets'imposent selon une certaine matière (ou façon de traiter les couleurs en les unifiant par dispersion ouaccumulation) non de représenter une scène ou une anecdote, mais de composer un espace, d'ouvrir la réalité surdes valeurs esthétiques.

A ces valeurs nous sommes spontanément sensibles, car nous sommes capables desympathiser avec elles.

C'est cette résonance même de la peinture au plus profond de nous et dans tant dedirections différentes qui en fait un art si répandu et si difficile.

C'est pourquoi aussi sont si rares les tableaux dontl'espace tient, en quelque sorte d'un seul morceau, et qui sont tout à fait satisfaisants.

Alain esquisse une indicationde ce genre, lorsqu'il note : Un homme qui colore ses pensées n'a pas pour unique fin d'exprimer le vrai, mais plutôt d'éveiller l'attention.

C'estpeut-être par cette puissance naturelle de la couleur comme signe que la peinture est le plus secret de tous lesarts.. »

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