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L’EUROJAZZ dans les années 1980: Histoire

Publié le 30/11/2018

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histoire

Répandu dans le monde entier — à la seule exception de la Chine et de la Corée du Nord ! — le jazz est devenu, à la fin des années quatre-vingt, une forme d’art quasi universelle : il représente en même temps un langage commun de plus en plus élaboré et une sorte d’auberge espagnole où chacun peut apporter non seulement son talent individuel, mais aussi sa propre culture musicale, régionale, ethnique et nationale.

 

Il est parfaitement abusif de remettre en question — comme le font certains critiques et musiciens au début de la décennie — la suprématie du peuple afro-américain dans un art qui reste avant tout sa seconde langue et la forme «savante» de sa culture musicale; en témoigne l’apparition d’une nouvelle génération de «surdoués» dont les frères Marsalis sont les porte-parole les plus connus : Branford le saxophoniste (né en 1960) et Wynton le trompettiste (né en 1961) ont grandi à La Nouvelle-Orléans et incarnent la quintessence d’un héritage qu’ils ont magnifiquement réactualisé depuis leur passage dans le célèbre groupe des Jazz Messengers. Paradoxalement, ils semblent plus nostalgiques des décennies antérieures que bien des musiciens des générations précédentes: si Miles Davis, Omette Coleman, Ar-chie Shepp, Wayne Shorter et Herbie Hancock, pour ne citer qu’eux, restent des références majeures pour les jazzmen du monde entier, c’est qu’ils continuent de privilégier l’innovation formelle et technologique sans pourtant s’éloigner des sources originelles du blues et du gospel...

 

Une dérive transatlantique

 

Le fait est cependant que le jazz n’a plus guère d’audience dans les nouvelles générations du public noir américain, massivement attiré par le funk, le rap et les avatars plus ou moins aseptisés de la soûl music. Aux Etats-Unis, la musique instrumentale a depuis longtemps disparu des «charts» (les listes des meilleures ventes de disques) et elle se fait bien rare sur les antennes de radio et de télévision. La suppression par l’administration Reagan de la plupart des subventions culturelles a rendu encore plus précaire la situation des jazzmen les moins «commerciaux», ne leur laissant souvent le choix qu’entre la marginalité et l’exil. Et si les têtes d’affiche internationales sont encore américaines, la patrie d’Armstrong pèse moins lourd sur la «scène» du jazz. Il ne s’y passe plus grand-chose en dehors de quelques centres vitaux : New York bien sûr, mais aussi Los Angeles et Boston où la célèbre Berklee School of Music est une sorte de Berkeley du jazz...

C’est d’abord le Japon qui est devenu le plus gros «consommateur» (de concerts et de disques) mais aussi (et de loin) le plus gros producteur de jazz enregistré, depuis l’avènement du disque compact. Avec ses magazines luxueux, scs clubs futuristes et archicombles, son public déchaîné et ses festivals grandioses, la scène nipponne est pour les jazzmen un véritable Eldorado, même si elle n’offre encore qu’une poignée de musiciens locaux vraiment originaux. Mais après tout le jazz japonais n’a guère plus de quarante ans.
L’Europe, au contraire, bénéficie d’une tradition qui remonte presque aux origines du jazz : les générations s’y côtoient plus qu’elles ne se succèdent, du juvénile vétéran Stéphane Grappelli, octogénaire depuis 1988, aux enfants prodiges devenus déjà grands (et célèbres aux Etats-Unis) comme le pianiste Michel Petrucciani, ou le guitariste Bireli Lagrène — qui renouvelle le style manouche hérité de Django Reinhardt —, en passant par ceux des promotions intermédiaires qui ont acquis une audience mondiale, comme le Belge Toots Thielemans, les Français Martial Solal, Eddy Louiss, Alain Jean-Marie, René Urtrcger et Barney Wilen, le Suisse Daniel Humair, l’Allemand Joachim Kühn...
histoire

« L'EUROJAZZ QUI MONTE.

Le Polonais Tomasz Stanko illustre bien fessor jazzistÜJUf des pays de l'Est.

Ci-contre: le trompett�tte, au Mans, en 1988.

©Mepl!isro L'EUROJAZZ QUI MONTE.

Michel Petruccitmi impose sa musique en Europe et aux États-Unis.

Ci-contre: le pianiste françai.t, à Paris, en /985.

© Claude Cassian L'EUROJAZZ QUI MONTE.

Diditr Lockwood, virtuost du violon électriqut.

à Nimts, en 1987.

© É;ric Bourrer lourd sur la «Scène>> du jazz.

Il ne s'y passe plus grand-chose en dehors de quelques centres vitaux: New York bien sOr, mais aussi Los Angeles et Boston où la célèbre Berklee School of Music est une sorte de Berkeley du jazz ...

C'est d'abord le Japon qui est devenu le plus gros «COnsom­ mateur» (de concerts et de disques) mais aussi (et de loin) le plus gros producteur de jazz enregistré, depuis l'avènement du disque compact.

Avec ses magazines luxueux, ses clubs futuristes et archicombles, son public déchaîné et ses festivals grandioses, la scène nipponne est pour les jazzmen un véritable Eldorado, même si elle n'offre encore qu'une poignée de musiciens locaux vraimem originaux.

Mais après tout le jazz japonais n'a guère plus de quarante ans.

J.:Europe.

au contraire, bénéficie d'une tradition qui re­ monte presque aux origines du jazz: les générations s'y côtoient plus qu'elles ne se succèdent, du juvénile vétéran Stéphane Grappelli, octogénaire depuis l988, aux enfants prodiges devenus déjà grands (et célèbres aux Etats-Unis) comme le pianiste Michel Petrucciani, ou le guitariste Bireli Lagrène -qui renouvelle le style manouche hérité de Django Reinhardt -,en passant par ceux des promotions intermé­ diaires qui ont acquis une audience mondiale, comme le Belge Toots Thielemans, les Français Martial Sola!, Eddy Louiss, Alain Jean­ Marie, René Urtreger et Barney Wilen, le Suisse Daniel Humair, l'Allemand Joachim Kühn ...

Au fil des décennies le jazz européen a su tresser un son original en attribuant aux cordes un rôle privilégié.

Les violonistes, surtout français (Jean-Luc Ponty, Didier Lockwood, Dominique Pi­ farely, Pierre Blanchard, Hervé Cavelier) et polonais (Michal Urba­ niak), continuent d'intéresser l'Amérique par leur singularité.

Le Nancéien Jean-Charles Capon est l'un des rares improvisateurs au violoncelle.

Les contrebassistes virtuoses sont légion, du Danois Niels-Henning Orsted Pedersen au Hongrois Aladar Pege, en passant par les Français Henri Texier, Patrice Caratini, Jean-François Jenny­ Clark et Michel Benita.

Quant à la guitare, elle est d'autant plus florissante qu'elle est devenue un instrument charnière entre le jazz et Je rock pour des musiciens aux styles très diversifiés qui agrémentent d'effets électroniques les subtilités rythmiques et harmoniques héri­ tées du be-bop, quand ils n'adoptent pas la guitare-synthétiseur, in­ vention révolutionnaire des années quatre-vingt.

Tel est le cas notam­ ment du Norvégien Terje Rypdal, du Britannique John McLaughlin, du Belge Philip Catherine, de l'Autrichien Harry Pep!, des Français Marc Ducret, Claude Barthélemy (directeur depuis 1989 de l'Or­ chestre national de jazz), Christian Escoudé et Gérard Marais (qui a créé un très original big band de guitares et participe au Swing System, le jazz-band à cordes du contrebassiste Didier Levallet).

MooE ÉPHÉMÈRE ou PHÉNOMÈNE SOCIAL La nouvelle vogue des big bands a été le premier symptôme de ce «boum» du jazz européen.

Les deux big bands les plus célèbres sont multinationaux et dirigés par deux pianistes suisses: Mathias RUegg pour le Vienna Art Orchestra et George Grüntz pour le Concert Jazz Band.

La plupart s'enracinent dans une forte tradition locale, tels ceux du Néerlandais Willem Breuker, du Britannique Mike Westb rook, de l'Allemand Alex von Schlippenbach, des Fran­ çais Jean-Lou Longnon, Luc LeMasne et Laurent Cugny.

Mais avant tout, la floraison des grands orchestres répond à un besoin vital: celui d'offrir une structure d'accueil à la fois ludique et pédagogique aux milliers de musiciens de jazz qui espèrent quitter le statut d'amateur pour une vie professionnelle.

Car si les années quatre-vingt ne laisse­ ront sans doute pas le souvenir d'une période très créative dans l'his­ toire du jazz, elles marquent d'ores et déjà une transition décisive: le jazz est entré dans les mœurs, il s'est démocratisé et provincialisé, et surtout son enseignement s'est institutionnalisé.

Partout en Europe s'ouvrent des écoles de jazz (dont le CIM de Paris reste la plus impor­ tante), tandis que les conservatoires se voient contraints bon gré mal gré d'ouvrir des classes d'improvisation (plus d'une trentaine en France) ...

Des deux côtés de l'Atlantique, le temps des autodidactes semble bien révolu.

Cette reconnaissance du jazz en tant que pratique culturelle - officialisée en 1986 par la création de l'Orchestre national de jazz sous la tutelle du ministère de la Culture -se double d'un incontes­ table renouvellement du public.

J.:essor des festivals en est le signe le plus spectaculaire: on en dénombre plus de cinquante en France, une trentaine en Italie, plus de deux cents dans toute l'Europe (en tête viennent le gigantesque Northsea Jazz Festival de La Haye et la dé­ bonnaire Grande Parade de Nice).

Ce retour en grâce du jazz auprès du grand public a été fortement accentué par le succès de films tels que Amour de minuit de Bertrand Tavernier (1986) et Bird de Clint East­ wood (1988), et vite relayé par la mode (Yves Saint-Laurent) et la publicité.

C'est le be-bop des années quarante-cinquante qui trouve ainsi sa renaissance et inspire beaucoup de jeunes musiciens.

Pour­ tant, même si cet engouement un peu superficiel va plus à la légende du jazz qu'à sa réalité actuelle, il amplifie ce phénomène diffus mais irréversible que représente l'«eurojazz» ...

Ce barbarisme n'implique aucun rejet ombrageux du jazz américain, même si certains musiciens européens l'ont parfois ex­ primé en termes un peu excessifs, comme pour sc débarrasser d'un. »

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