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Paolo Véronèse

Publié le 28/02/2010

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Cette inquiétude très justifiée que l'Inquisition manifesta envers certaines oeuvres de Paolo Véronèse peu conformes aux récits évangéliques, il semble que d'autres tribunaux, profanes ceux-ci, auraient pu à leur tour la ressentir si le sens de l'éternel ­ ou seulement de la fidélité à soi-même ­ leur avait été aussi imparti. Le premier de ces tribunaux aurait été la République de Venise elle-même, dont Véronèse célébra cependant la gloire dans le palais ducal, mais dont il trahit l'esprit traditionnel et profond ; un autre serait formé par les fondateurs et les gardiens de l'idéal réaliste du classicisme et l'accuserait, au nom de la vérité et du respect dû à la raison. et au bon sens, de bouleverser les règles de l'honnêteté visuelle et de l'entendement normal. Sous la naïveté, sans doute ironique, des réponses de Véronèse au Saint-Office, transparaît une sorte de proclamation révolutionnaire dont nous ne comprenons qu'aujourd'hui la portée et qui parut alors digne seulement de sourires indulgents. "Nous autres peintres, disait-il, nous prenons de ces licences que prennent les poètes et les fous. Je fais des peintures avec toutes les considérations qui sont propres à mon esprit et selon qu'il les entend". Ne pourraient-elles, ces paroles, être sorties tout fraîchement de la bouche d'un nos jeunes peintres, figuratifs ou non, de 1947 ? Et celle-ci encore : "J'ai fait cela, représenté des bouffons, des Allemands ivres, des nains et autres niaiseries, comme dit le Tribunal, dans la Cène du couvent des Saints-Jean-et-Paul en supposant que ces gens sont en dehors du lieu où se passe la Cène." Mais Véronèse n'a pas dit là toute sa pensée ; le sujet n'est à la vérité pour Véronèse qu'un prétexte, et peu lui importe la scène représentée, son sens et son drame. Prétexte de composition colorée, prétexte de jeux de formes, prétexte de construction dont il prend les éléments n'importe où, en ne se préoccupant aucunement de leurs rapports normaux, mais qu'il dispose, avant de se conformer à une relative vraisemblance, selon les nécessités du tableau en soi. Il n'existe pour Véronèse qu'une seule réalité après celle de son esprit, c'est la réalité de l'espace et de sa lumière. Les peintures de Véronèse ne racontent pas d'histoires, ce sont des décorations dans l'espace, des créations d'espace.

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