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Place de L'artiste dans la société

Publié le 07/04/2014

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GRAND LYON VISION CULTURE Quelle peut être la place de l'artiste dans une société « du savoir » ? 2ème rencontre, 26 juin 2009 L a démarche GRAND LYON VISION CULTURE vise à accompagner la Communauté urbaine de Lyon dans sa réflexion culturelle, à savoir : - construire et partager une approche commune de la culture ; alors que celle-ci est de plus en plus présente dans tous les compartiments de la vie sociale ; - enrichir les projets actuels et futurs du Grand Lyon, notamment en matière d'événements d'agglomération ; - imaginer des modes de relation innovants du Grand Lyon avec les artistes dans le cadre de différentes politiques : urbanisme, participation citoyenne, développement économique, etc. Dans quelle mesure les artistes peuvent-ils contribuer à une société de la connaissance et à la vitalité de la vie urbaine ? Comment les repérer et les solliciter ? Comment les associer à des dispositifs de politiques publiques ? SOMMAIRE L'expert invité : Antoine Conjard, directeur de l'hexagone Scène nationale de Meylan à l'initiative des Rencontres-i Biennale Arts-Sciences. ? Partie 1 : Comment le XIXe siècle engendra une nouvelle figure de l'artiste La place de l'artiste dans le champ social n'est pas figée p. 6 La figure de l'artiste réinventée p. 8 Une représentation qui perdure au-delà du XIXe siècle p.10 Partie 2 - Peut-on parler de raisonnement artistique ? Comment travaille un artiste aujourd'hui ? p.14 L'artiste précurseur du mixage et du commentaire des connaissances p.16 Une figure multi facettes : touchant à l'art, aux sciences et aux idées p.18 Partie 3 - Comment solliciter les artistes dans une société de la connaissance ? Capitalisme cognitif et enseignement artistique p.22 Peut-on améliorer les relations art et science ? p.24 Pourquoi collectivités publiques et entreprises devraient-elles s'intéresser davantage aux artistes ? p.26 Pistes pour la discussion p.30 2 - Quelle peut être la place de l'artiste dans une société «du savoir» ? Quelle peut être la place de l'artiste dans une société « du savoir » ? Alors que nous vivons encore sur une représentation de l'artiste héritée du XIXe siècle, les modalités concrètes de son travail ont changé, phénomène qui impacte aussi son identité. L'artiste n'est plus cet être éthéré que lui assigne la vision Romantique, mais un individu en prise avec les réalités du monde, et qui traite de celles-ci dans ses oeuvres. Il pose des questions à son environnement, élabore des problématiques et des hypothèses, repère, construit et utilise des outils pour y répondre et propose le résultat de ses réflexions via des oeuvres. Avec son langage spécifique, avec des objectifs qu'il se donne, l'artiste produit des questions et des émotions, des alertes et des sensations. Il revisite le savoir établi, et une partie de son travail peut être assimilée à une production de connaissances. N'est-il pas alors envisageable de rapprocher l'artiste de l'intellectuel, dont l'activité est de s'interroger sur le monde ? L'artiste n'est-il pas aussi proche du chercheur par certaines de ses modalités de travail ? Ne faut-il pas alors recenser les points communs entre chercheurs, intellectuels et artistes ? Envisager l'artiste comme un producteur d'idées et de savoirs, pourrait s'avérer une perspective porteuse, à un moment où les sociétés occidentales cherchent un nouveau souffle pour leur développement, en s'orientant vers la production de connaissances. En effet, ce passage -d'une société agricole, à une société industrielle puis de services- à une quatrième ère économique, fondant ses bases sur « l'intelligence », demande de repérer tous les champs de production de connaissances. Et de ce point de vue, l'on peut faire l'hypothèse aujourd'hui que le champ artistique est sous-exploité. Quels sont alors les moyens à déployer pour associer davantage l'artiste et ses capacités spécifiques au fonctionnement et à la permanence de la société ? ? Pierre-Alain FOUR Quel est l'enjeu de cette séance ? L'objectif de cette séance est de mettre à jour une figure de l'artiste éloignée des représentations héritées du Romantisme. En effet, si l'artiste occupe toujours une place spécifique dans nos sociétés, il est très largement en prise avec la société contemporaine. Auteur utilisant un langage spécifique -le langage de sa discipline artistique-, il aborde toutes sortes de questions, cherchant notamment à renouveler notre regard sur l'actualité comme sur les connaissances disponibles. C'est pourquoi il semble nécessaire de repenser sa place, son rôle et sa reconnaissance dans une civilisation qui veut fonder son développement sur le « partage des savoirs ». NB : Cette « mise de fonds » est le résultat d'un travail de synthèse d'ouvrages de sciences sociales (sociologie de l'art et politiques publiques essentiellement) et d'observation du monde de l'art (entretiens, fréquentation des artistes, etc.). Elle est illustrée de quelques exemples, mais les artistes cités ne sont pas emblématiques ; de très nombreux autres noms auraient pu être choisis. Elle ne prétend pas non plus saisir « tous » les artistes, mais pointer l'évolution des modes de travail d'une partie d'entre eux, considérés comme « contemporains ». Il faut donc bien lire ce document comme une préparation au débat, qui énonce un certain nombre de faits, mais aussi d'hypothèses à vérifier. Quelle peut être la place de l'artiste dans une société «du savoir» ? - 3 PARTIE 1 Comment le XIXe siècle engendra une nouvelle figure de l'artiste 4 - Quelle peut être la place de l'artiste dans une société «du savoir» ? Au cours des siècles, la place de l'artiste dans la société a beaucoup évolué : jusqu'au XVIIIe, il est un auxiliaire du pouvoir temporel ou religieux, puis au XIXe, il s'affirme comme une alternative à une société rationaliste, qui refoule les affects individuels. Mais la posture de l'artiste héritée du XIXe et du Romantisme, n'est plus d'actualité. Au début du XXe, s'impose une nouvelle figure, qui érige l'artiste en analyste du social, doublant la figure de l'intellectuel, qui émerge simultanément. La naissance de Vénus (1863), Alexandre Cabanel Retable d'Isenheim (ca 1512-1516), Matthias Grunewald Napoléon 1er (1805), François Gérard Autoportrait (1889), Vincent van Gogh Voyageur contemplant une mer de nuages (1818), Caspar David Friedrich Le peintre abstrait Mark Rothko dans son atelier Untitled (ca 1965) , Mark Rothko Pendant le XIXe siècle, l'artiste accentue les traits constitutifs de son identité qui ne lui sont pas contestés. Ainsi, sa personnalité, sa capacité à donner une vision personnelle du monde, ses affects sont mis en avant. Un processus qui s'incarne en particulier dans le mouvement Romantique. Cette esthétique nouvelle s'inscrit en opposition aux valeurs alors montantes de la science, de la mécanisation et du rationalisme. Il est d'ailleurs possible de « lire » le Romantisme comme le revers des valeurs dominantes du XIXe siècle. De fait, la figure de l'artiste cristallise peu à peu l'opposition aux idéaux de la société du XIXe : il est « contre » la bourgeoisie, la bienséance, le culte de l'argent et de la rente... Le Romantisme est l'expression d'une contestation des valeurs du XIXe, l'autre mouvement majeur de contestation étant incarné par les idéologies socialistes dérivées du marxisme. Par métonymie, l'artiste devient alors l'individu qui incarne ce rejet -rejet individualiste-, tandis que celui qui s'exprime dans la montée des idéologies marxistes se distingue par son caractère collectif ? Quelle peut être la place de l'artiste dans une société «du savoir» ? - 5 Depuis le XVe siècle, l'artiste évolue en symbiose avec les pouvoirs temporels et spirituels : il participe notamment à établir une représentation du pouvoir et à figurer les croyances religieuses. Il va cependant devoir s'envisager différemment au moment où émergent la philosophie des Lumières, le développement de la technique et la photographie. La place de l'artiste dans le champ social n'est pas figée Si les artistes ont toujours été en lien avec la société, leur place a souvent changé. Depuis la fin du MoyenÂge, l'artiste est l'allié du discours spirituel : il a notamment pour fonction dans la société de relayer, d'amplifier, d'exemplifier le discours religieux. S'il existe depuis l'invention de la peinture une peinture d'apparat, une peinture destinée à célébrer le pouvoir de puissantes familles -l'exemple des Médicis en Italie est caractéristique de ce phénomène au XVIe siècle-, ainsi qu'une peinture d'histoire et mythologique, une très grande partie des productions peintes et sculptées a trait à la religion. C'est particulièrement vrai du XIVe au XVIIe siècle, où les sujets religieux abondent. Le peintre et l'artiste, qui travaillent en atelier après avoir reçu des commandes et qu'ait été établi un contrat, peuvent être considérés comme des auxiliaires du pouvoir religieux. Plus largement, les arts sont clairement inféodés au pouvoir spirituel et au pouvoir temporel, qui y voient un moyen de mettre en image leur puissance. Un exemple de proximité pouvoir / religion / art avec les Médicis Le Pape Léon X (1518), par Raphaël Au XVe siècle, le pape Léon X, second fils de Laurent de Médicis, met en place des relations privilégiées avec les artistes de son temps et notamment les peintres et les sculpteurs. Il fait notamment travailler Raphaël, qui réalise un portrait très marquant de son commanditaire. Il constitue en parallèle une impressionnante collection de manuscrits. Avant lui, Laurent de Médicis s'était appuyé sur les arts pour incarner le pouvoir. Il a fréquenté et entretenu de nombreux artistes : Andrea del Verrocchio, Léonard de Vinci, Sandro Botticelli, Domenico Ghirlandaio, Filippino Lippi ou encore Michel-Ange. Tous ces artistes ont participé au renouveau italien et ont contribué à faire de Florence la capitale de la Première Renaissance. Michel-Ange était un familier de Laurent de Médicis. Laurent de Médicis fut aussi attentif à augmenter la bibliothèque familiale et à l'ouvrir au public. Il soutint également les humanistes comme Pic de la Mirandole, Marsile Ficin ou le poète Ange Politien. La classe dirigeante d'alors rassemble autour d'elle indifféremment artistes, intellectuels, savants, qui chacun à leur manière, chacun avec leur langage, contribuent à faire sortir l'Italie, puis l'Europe, du Moyen-Âge. 6 -Quelle peut être la place de l'artiste dans une société «du savoir» ? À partir du XVIIIe siècle, la vision du monde change. Non seulement les philosophes des Lumières sont parvenus à déplacer l'étude de Dieu sur ses créatures -le monde savant ne travaille plus sur l'exégèse des textes religieux mais sur l'homme, les animaux et la nature- mais, dans le prolongement de leur nouvelle approche du monde, ils ont vu se développer de manière fulgurante les connaissances scientifiques. Les très nombreuses innovations techniques et plus généralement le passage d'une société agraire à une société industrielle (au tournant du XIXe) rendent tangible le nouveau discours scientifique et philosophique. Cette combinatoire, exceptionnelle, permet que s'impose progressivement un nouveau système de valeurs, fondé sur la science et le progrès. Ainsi, le discours spirituel, la référence à Dieu, les croyances en l'au-delà passent progressivement (et à un rythme variable selon les catégories sociales) au second plan. Lorsque le regard sur le monde change, lorsque la vision du monde se transforme au profit d'une approche plus rationnelle, lorsque sont inventés des moyens mécaniques de reproduction du réel, la place des artistes dans le champ social se modifie. À partir du moment où la photographie fait son apparition, la place de la peinture est interrogée de manière virulente. Très tôt, les débats font rage pour savoir si la photographie est un art. Elle sera assez vite mise à l'écart du champ artistique (pour y revenir un siècle plus tard), mais elle contraint les artistes à repenser leur fonction. On assiste à une « crispation » réaliste, avec tout un pan de la peinture qui met en avant une minutieuse reproduction du réel, un mouvement qu'incarne l'Académisme. Parallèlement, d'autres expériences picturales valorisent l'approche personnelle de l'artiste et donc une vision Louis XIV (1701) , Hyacinthe Rigaud Le règne de Louis XIV est probablement celui de l'apogée de cette association symbiotique entre artistes, pouvoir et religion. subjective du réel. Ce processus ne s'est pas fait de manière linéaire, ni aussi explicite, mais le regard sociologique et le recul des années permettent de développer cette hypothèse pour expliquer l'émergence de formes contestant des canons établis ? Edouard Manet (1874), Félix Nadar - autoportrait à la palette (1879), Edouard Manet Quelle peut être la place de l'artiste dans une société «du savoir» ?- 7 Le rationalisme scientifique d'une part, et l'arrivée de la photographie d'autre part concurrencent les artistes dans leur capacité à représenter le réel. Certains d'entre eux vont, à partir de la fin du XVIIIe, réorienter leur métier en insistant sur leur subjectivité et leurs affects, notions qui ne leur sont pas contestées. Cette attitude s'incarne dans un mouvement -le Romantisme- qui parcourt tout le XIXe siècle. C'est aussi à ce moment-là que se forge une représentation de l'artiste en tant qu'être à part et tourmenté, qui relève plus du mythe que de la réalité. La figure de l'artiste réinventée Avec la montée en puissance de la mécanisation et des inventions techniques, les artistes doivent repenser leur place dans le champ social. Tout se passe en fait comme s'ils se réfugiaient sur les aspects de leur métier qui ne leur sont pas contestés, à savoir leur capacité à produire des images « plus vraies que nature ». La représentation du religieux avait en effet ouvert une brèche dans la figuration, puisque l'artiste interprètait le réel pour y insérer des éléments surnaturels issus de la religion. À partir du moment où le

« Partie 1 : Comment le XIXe siècle engendra une nouvelle fi gure de l’artiste La place de l’artiste dans le champ social n’est pas fi gée p.

6 La fi gure de l’artiste réinventée p.

8 Une représentation qui perdure au-delà du XIXe siècle p.10 Partie 2 – Peut-on parler de raisonnement artistique ? Comment travaille un artiste aujourd’hui ? p.14 L’artiste précurseur du mixage et du commentaire des connaissances p.16 Une fi gure multi facettes : touchant à l’art, aux sciences et aux idées p.18 Partie 3 – Comment solliciter les artistes dans une société de la connaissance ? Capitalisme cognitif et enseignement artistique p.22 Peut-on améliorer les relations art et science ? p.24 Pourquoi collectivités publiques et entreprises devraient-elles s’intéresser davantage aux artistes ? p.26 Pistes pour la discussion p.30 SOMMAIRE 2 - Quelle peut être la place de l’artiste dans une société «du savoir» ? L a démarche GRAND LYON VISION CULTURE vise à accompagner la Communauté urbaine de Lyon dans sa réfl exion culturelle, à savoir : - construire et partager une approche commune de la culture ; alors que celle-ci est de plus en plus présente dans tous les compartiments de la vie sociale ; - enrichir les projets actuels et futurs du Grand Lyon, notamment en matière d'événements d'agglomération ; - imaginer des modes de relation innovants du Grand Lyon avec les artistes dans le cadre de différentes politiques : urbanisme, participation citoyenne, développement économique, etc. Dans quelle mesure les artistes peuvent-ils contribuer à une société de la connaissance et à la vitalité de la vie urbaine ? Comment les repérer et les solliciter ? Comment les associer à des dispositifs de politiques publiques ? L'expert invité : Antoine Conjard, directeur de l’hexagone Scène nationale de Meylan à l’initiative des Rencontres-i Biennale Arts-Sciences. ●. »

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