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PONTORMO

Publié le 25/06/2012

Extrait du document

On assiste ainsi chez Pontormo à l'apparition tantôt embarrassée et tantôt victorieuse des motifs inédits qui feront les délices des « maniéristes « de la génération suivante. La Visitation de Carmignano, peinte vers 1530, amplifie démesurément le volume des figures par un raccourci perspectif au second plan, digne du Parmesan, destiné à détacher le groupe central; c'est une sorte de bloc léger, où les visages de face des servantes alternent avec les profils, et où règne une gamme tendre et suave qui accompagne de vert olive et de gris les rouges et jaunes hardiment décolorés du manteau de sainte Elisabeth. Mais déjà, dans cet admirable ouvrage, on sent poindre ...

« construire un atelier pourvu d'ur:te trappe dont il rentre l'échelle, et surtout, il est hanté par la crainte de ne pas donner à ses œuvres une sorte de beauté irrésistible.

Ces tourments psycholo­ giques expliquent sans doute la qualité extraordinaire du portraitiste, l'accent pénétrant qu'avec l'aide d'un décor sobre, d'un modelé mince, de couleurs peu chargées, il sait donner au person­ nage.

Son point de départ avait été la manière douce d'Andrea qui retenait surtout de Léonard et de Raphaël la nécessité de rechercher la pyramide des formes et l'enveloppe caressante des ombres.

Après Poggio a Cajano et la Chartreuse, Pontormo en est complètement libéré et c'est l'admirable Déposition de croix de Sainte-Félicité, de 1526 environ : au lieu d'épouser les «formes qui pèsent », la composition sinueuse s'étage et monte; des tonalités légères blondes, mauves, roses, vertes, relient les chairs et les draperies translucides en un ensemble si clair et si fondu que « on distingue à peine les clairs des demi-lumières et celles-ci des ombres ».

L'intensité de la gamme froide est l'apport proprement florentin; elle vient sans doute de la peinture de Michel-Ange et, avec moins de grâce et de délicatesse, on la retrouve chez le Rosso.

Mais Pont&mo est allé jusqu'au bout dans cette nouveauté, laissant aux Lombards et aux disciples attardés d'Andrea del Sarto, le « clair-obscur » facile, ignorant obstinément jusqu'au dernier jour les séductions de la couleur .vénitienne.

On peut voir là une sorte de retour instinctif au « 'rrecento », où la ligne, découpant légè­ rement les figures sur les fonds lumineux, les libérait dans un espace sans pesanteur, peut-être même une inclination « gothique >>; Vasari parle d'une trahison de la manière moderne pout la « manière allemande ».

Et ce qui semble autoriser ce jugement un peu abrupt, c'est la fasci­ nation exercée sur Pontormo par les estampes de Dürer.

Sur la fresque du Christ devant Pilate à la Chartreuse, les bustes des reîtres vus à contre-jour - qui ne sont plus aujourd'hui que des taches blanches -les silhouettes de droite, le geste même de Pilate, tout cela vient de Nüremberg et s'affirme de façon si frappante qu'on en oublie parfois l'élégance toute florentine du petit page, découpé sur le ciel, qui apporte l'eau en haut des marches.

Cet intérêt pour Dürer ch~z l'un des plus mélodieux parmi les dessinateurs toscans n'est pas dû seulement à l'acuité du trait, mais aussi à l'intensité psychologique, à l'énergie des caractères :l'exemple de Dürer aide Pontormo à se défendre contre l'autorité des types idéaux.

Et cette préoccupation explique aussi l'allonge­ ment des visages, l'air irrévocablement obsédé et nostalgique, et jusqu'à ce léger strabisme, qui font parfois si curieusement ressembler ses figures à celles d'un Modigliani.

On assiste ainsi chez Pontormo à l'apparition tantôt embarrassée et tantôt victorieuse des motifs inédits qui feront les délices des « maniéristes » de la génération suivante.

La Visitation de Carmignano, peinte vers 1530, amplifie démesurément le volume des figures par un raccourci perspectif au second plan, digne du Parmesan, destiné à détacher le groupe central; c'est une sorte de bloc léger, où les visages de face des servantes alternent avec les profils, et où règne une gamme tendre et suave qui accompagne de vert olive et de gris les rouges et jaunes hardiment décolorés du manteau de sainte Elisabeth.

Mais déjà, dans cet admirable ouvrage, on sent poindre l'artifice, le «roulé »des draperies est excessif et un peu faux.

Pontormo avait conscience de toutes ces impasses; avec cette ardeur et cette sombre inquiétude qui lui valurent la réputation d'un demi-fou, il se jeta pendant ses dernières années dans une autre voie, où l'engageait la flatteuse amitié de Michel-Ange, qui lui fit confier plusieurs fois le soin de « rédiger » pour lui des cartons, comme le Noli me tangere et Vénus et Cupidon.

Fasciné par la puissance expressive du corps nu, apte à se rouler en boucles et en spires émouvantes, par le canon de la Nuit à la tête minuscule et aux cuisses musclées, Pontormo en fait l'élément exclusif d'un nouveau langage artistique au chœur de Saint-Laurent; mais à en juger par les dessins qui subsistent, ces inventions étaient plus lyriques que monumentales, et Pontormo se consuma à la tâche, impuissant à régler l'un sur l'autre l'émotion et le décor.

La figure de Pontormo se détache ainsi d'elle-même dans la décadence de l'école florentine, attachante par sa détresse et ses scrupules mêmes, et par un frémissement dans l'invention qui ne se retrouvera plus.

PONTORMO. »

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