GEORGES SÉFÉRIS
Publié le 20/04/2012
Extrait du document
Il tient, il possède, il a des racines : mais il se détourne, va plus loin, cherche au-delà. Le Grec, l'Athénien a passé presque toute sa vie hors des lieux d'où lui vient sa lumière intérieure - dans l'exil, volontaire ou subi, de la carrière diplomatique et des guerres. Lui, qui est fait pour vivre dans la maison natale, il a connu les demeures où ne lui appartenait que l'araignée du soir. Il existe, il a reçu ce don d'une insertion exacte, d'une définition ferme : mais il regarde l'autre, s'expose à ses métamorphoses. Puis, il revient. Du soleil à l'ombre, de la communication à la solitude, de l'exil au retour, de l'errance aux racines : tel est le cercle constamment parcouru....
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D'autres poésies, dissimulant leur itinéraire, présentent l'objet auquel elles aboutissent, ou auquel
elles se tiennent : essence ou surface.
Mais, lui, le promeneur, le travailleur, le témoin de l'histoire,
on ne le voit
jamais qu'avec ses deux bras, ses deux jambes : d'une main, saisissant cette monnaie
des heures et des lieux, et la faisant glisser dans l'autre où elle devient une seule goutte d'or.
Il tient, il possède, il a des racines : mais il se détourne, va plus loin, cherche au-delà.
Le
Grec, l'Athénien a passé presque toute sa vie hors des lieux d'où lui vient sa lumière intérieure
- dans l'exil, volontaire ou subi, de la carrière diplomatique et des guerres.
Lui, qui est fait
pour vivre dans la maison natale, il a connu les demeures où ne lui appartenait que l'araignée du
soir.
Il existe, il a reçu ce don d'une insertion exacte, d'une définition ferme : mais il regarde
l'autre, s'expose à ses métamorphoses.
Puis, il revient.
Du soleil à l'ombre, de la communication
à la solitude, de l'exil au retour, de l'errance aux racines : tel est le cercle constamment parcouru.
La dernière fois que je le vis, avant le Prix Nobel (rg6g), c'était dans cette petite maison
d'un quartier populaire d'Athènes - blanche aux volets bleus - dont il n'avait cessé de rêver
comme du port de son odyssée, maison gorgée des souvenirs de son errance, pleine de ces objets
par hasard rencontrés et qui soudain font signe : coquillages, galets des plages aimées, coloquintes
aux cols trébuchants, meubles d'acajou patinés par le reflet des soirées de Londres - et je me
disais qu'il n'était parti que pour revenir, pour construire cette maison, pour offrir ce temple
d'immobilité aux agitations de la vie.
Ce qu'il a cherché en s'éloignant de l'origine, c'est sa vérification et sa gloire en tout temps,
en tout lieu.
Sans doute, on peut parfois surprendre ici l'accent moderne de l'aventure (comme
un écho de Larbaud dans les poèmes des années go).
Mais ce n'est pas à la fascination de l'inconnu,
à la curiosité du voyage qu'a cédé Séféris : s'il part, ce n'est pas parce qu'il a les mains vides!
Le départ, ici, a pour seul nom l'exil.
Et il est une façon d'éprouver par l'absence la plénitude
des choses connues, une façon de posséder ce que l'on quitte.
Dans cette œuvre si profondément grecque, nourrie des épopées homériques et des tragiques,
on suit partout le filigrane du mythe platonicien de la réminiscence.
Il faut se disperser dans le
monde, suivre le cours
du temps pour s'assurer qu'il y a partout la source.
Le ton de l'espérance
est indiscernable de celui de
la nostalgie : fidèle est la curiosité; le désir est mémoire.
Cette poésie
connaît et rappelle « la tristesse de notre temps », qui est celui d'une mauvaise histoire; et sa
gravité semble
la mélancolie d'un témoin qui en a trop vu.
Écoutons-la de plus près.
Non, ici, aucune
condamnation pessimiste du temps, nulle « involution » vers l'âge d'or ou le vert paradis de
l'enfance.
Ce que nous prenions pour une tristesse justificatrice de l'évasion, c'était le son grave,
profond, avec lequel résonne, sous le choc
du temps, du pire temps, la certitude de l'origine, la
sécurité de Ia source.
Le temps est la route sur laquelle à tout moment se rencontre ce qui précède
Je temps; ii est ce qui révèle ce qui est déjà là.
La profondeur d'une mémoire sans origine miroite
dans Ia narration présente et dans J'attente comme dans Ia mélancolie.
Ce vide sous la légère feuille
d'or du masque, sous le nom sans visage d'Asiné, ce n'est pas celui des temps révolus, de Ia mort:
c'est celui d'une présence sans lieu et sans date, dont Je chant du poème fait la rumeur de toutes
les dates
et de tous les lieux.
L'un des plus beaux poèmes, Mémoire, évoque le poète enterrant le roseau offert par un
vieux berger pour ne pas insulter les dieux en un temps de détresse.
En attendant le jour de Ia
résurrection, il regagne sa maison vide.
Mais Ia maison vide est celle
où chante le poème, qui
est déjà le jour de la résurrection..
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