Jean-Patrick Manchette

les vertus du style « objectif ». Ce dernier, non seulement évite les effusions psychologiques inutiles, mais semble le meilleur moyen pour démythifier les rapports sociaux. Sans interdire, pour autant, précise immédiatement l’auteur, la « complexité langagière ».

Dans sa découverte du mouvement situa-

tionniste, Manchette n’a pas trouvé une étiquette militante de plus : il en a tiré une véritable éthique, qu’il applique au roman policier, longtemps considéré comme un sommet de la littérature bourgeoise et du conformisme social, pour résumer l'opinion d'un Paul Nizan. Or, justement, pour un Manchette, le genre policier, « dernier dans l'industrie des

styles romanesques », témoin privilégié des contradictions

sociales, est un champ de choix à investir, à « infiltrer » au sens militant ou militaire. Corollaire de ces

Le roman policier, un roman d'« intervention sociale »

positions, Manchette refuse le simple réalisme, même bien documenté, et, tout autant, le polar « de gauche », auquel on pourra toujours opposer un polar « de droite » - pièges, déplore-t-il, où sont tombés la majorité des représentants du « néopolar », et ce pour quoi il refusera véhémentement toute paternité. Il s’agit, pour lui, de construire un roman « policier à

200 % », qui, finalement, dans sa volonté

extrême de subversion, s'autodétruise. Sa

dernière chronique pour Polar, consacrée à Dada (n° 15, mai 1995), est, à cet égard, tout à fait éclairante.

Le romancier, traducteur, scénariste et critique français Jean-Patrick Manchette est mort à Paris le 3 juin 1995. Au fil d'une œuvre publiée dans la « Série noire » de Gallimard depuis 1971, il s'est, en dix ans et avec dix romans, imposé comme le père du « néopolar », ou, plus exactement,

comme le plus fidèle héritier, en France, de la tradition du roman noir américain. Ses travaux de scénariste - de l’Agression (1974), de Gérard Pirès, à Garde à vue (1981), de Claude Miller -et l'adaptation de ses œuvres à l'écran ont également contribué au renouvellement du genre,

ou, du moins, à sa nouvelle vogue au cinéma.