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Laurence Sterne

Publié le 12/01/2012

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Fils d'un officier subalterne de l'armée anglaise, Laurence Sterne naquit à Clonmel et passa son enfance à voyager d'une garnison à l'autre, sur les routes d'Irlande. Issu d'une famille modeste, il reçut une bourse pour étudier au Jesus College de Cambridge, puis entra dans les ordres et devint pasteur anglican à Sutton-on-the-Forest, près d'York. Il se maria en 1741, mais son couple se dégrada rapidement et il prit l'habitude de se consoler des disputes fréquentes, par des nuits de beuverie. Après avoir publié plusieurs sermons, il écrivit en 1759 A Political Romance, satire à la manière de Swift, qui visait à défendre son doyen dans une querelle ecclésiastique. Irrités, les responsables de l'église firent brûler son ouvrage et mirent un terme à ses espoirs d'avancement. Sterne se lança dans l'écriture de La vie et les opinions de Tristam Shandy, roman qui connut un succès immédiat lors de sa parution en 1759. L'année suivante, il se rendit à Londres, précédé par l'immense popularité de son livre, et découvrit qu'il était devenu une célébrité. Surnommé “ Parson Yorick ”, du titre de ses recueils de Sermons parus en 1760, il s'installa dans sa nouvelle cure de Coxwold, où il compléta la série des Tristam. En 1767, il s'éprit d'Élisabeth Draper, qui finit par rejoindre son mari à Bombay, laissant Sterne anéanti et épuisé. Cet automne-là, il acheva son Voyage sentimental, second et ultime roman, qui fut publié en 1768, un mois avant sa mort, des suites d'une tuberculose.      

 

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« LES LUMIÈRES BRITANNIQUES Sterne « Je dessinerai le portrait de mon oncle Toby d'après son DADA » J'ai en moi une forte propension à com­ mencer ce chapitre très absurdement et veux m'en passer la fantaisie.- Je pars donc ainsi.

Si la vitre de Momus avait été adaptée à la poitrine humaine, conformément à la correction proposée par ce critique espiègle,-- premiè­ rement, il en serait certainement résulté cette ridicule conséquence, que les plus sages et les plus graves d'entre nous tous, de façon ou d'autre, auraient eu à payer chaque jour de leur vie l'impôt des fenêtres.

Et, secondement, que si ladite vitre avait été mise là, on n'aurait plus eu besoin, pour décrire le caractère d'un homme, que de prendre une chaise, et d'aller doucement, comme on irait près d'une ruche de verre, et de regarder dedans, --de voir l'âme toute nue;--- d'observer tous ses mouvements,- ses machinations;- de suivre tous ces vers-coquins depuis l'instant où ils sont engendrés jusqu'à celui où ils com­ mencent à ramper; ---de l'épier libre dans ses écarts, dans ses gambades, dans ses caprices, et après avoir fait un peu attention à son allure plus grave, conséquence naturelle de pareils écarts, etc.

-- de prendre alors sa plume et son encre et de n'écrire rien que ce qu'on aurait vu et pu jurer:--- Mais c'est là un avantage que ne peut avoir le biographe dans cette pla­ nète-ci.

[ ...

] Mais, comme j'ai dit plus haut, ce n'est pas le cas des habitants de la terre; -nos esprits ne brillent pas à travers le corps, ils sont enveloppés d'une couverture opaque de chair et de sang non cristallisés; de façon que si nous voulons pénétrer jusqu'à leurs caractè­ res spécifiques, nous devons nous y prendre autrement.

Nombreuses, en vérité, sont les routes que l'esprit humain a été obligé de suivre pour faire la chose avec exactitude.

Les uns, par exemple, dessinent tous leurs caractères avec des instruments à vent.- Vir­ gile emploie cette méthode dans l'affaire de Didon et d'Énée,- mais elle est aussi trompeuse que le souffle de la renommée; -et, de plus, elle annonce un génie étroit.

Je n'ignore pas que les Italiens se piquent d'une exactitude mathématique dans la description d'une espèce particulière de caractère qu'on trouve chez eux, à l'aide du forte ou du piano d'un certain ins­ trument à vent qu'ils emploient, - et qu'ils disent infaillible.- Je n'ose pas prononcer ici le nom de cet instrument; - - il suffit que nous l'ayons parmi nous,- mais nous ne pensons pas à nous en servir pour dessiner;--- ceci est énigmatique, et l'est à dessein, du moins ad populum :-- -; c'est pourquoi je vous prie, madame, quand vous en serez ici, de lire aussi vite que vous pourrez, et de ne pas vous arrêter pour faire des recherches.

[ ...

] li en est d'autres, quatrièmement, qui dédaignent chacun de ces expédients, -non par aucune fertilité personnelle d'invention, mais à cause des diverses manières de faire qu'ils ont emprun­ tées aux honorables talents que les frères pan­ tographiques du pinceau ont montrés à prendre des copies.

- Ce sont, sachez-le, vos grands historiens.

[ ...

] D'autres, pour corriger la chose, feront de vous un dessin à la chambre obscure;--- c'est le plus perfide de tous,--- attendu que là vous êtes sûr d'être représenté dans une de vos plus ridicules attitudes.

Pour éviter toutes ces erreurs en vous donnant le portrait de mon oncle Toby, je suis déterminé à ne le dessiner à l'aide d'aucun moyen méca­ nique quelconque; -- mon crayon non plus ne sera guidé par aucun instrument à vent dans lequel on ait jamais soufflé, soit en deçà, soit au-delà des Alpes; [ ...

] ; --- mais, en un mot, je dessinerai le portrait de mon oncle Toby d'après son DADA.

VIE ET OPINIONS DE T/1/STRAM SHANOY (1761-1768}, VOLUME 1, CHAPITRE XXIII, TRAD.

L DE WAILLY ET G.

CHARPENTIER,1882 (PONCTUATION MODIFl~E}.

le Point Hors-série n• 26 Les textes fondamentaux 53. »

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