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Afrique subsaharienne et cinéma

Publié le 24/11/2018

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L'émergence d'un cinéma africain est ainsi inséparable de l'indépendance. L'esthétique cinématographique locale en sera durablement marquée, et ce sont des films très politiques qui marquent les années 1960. Cette tendance par ailleurs durable se rencontre aussi dans la littérature, avec le mouvement de la négritude qui, à partir de la fin des années 1930, a marqué l'émergence d'une littérature noire. L'Afrique des artistes a beaucoup à dire, elle a longtemps attendu avant de pouvoir parler d'elle-même. Le cinéma est envisagé comme un moyen de diffuser ce discours, de le rendre audible à une population aussi large que possible. L'œuvre d'un Sembé Ousmane est emblématique de ce mouvement : ce romancier sénégalais passe derrière la caméra pour atteindre le public populaire, et après un premier court-

Le remarquable Touki Bouki (1973), du Sénégalais Djibril Diop Mambety, atteste également l'émergence d'une nouvelle façon de filmer, au rythme plus vif, aux dialogues fiévreux, aux personnages nombreux, parmi lesquels très peu sont interprétés par des acteurs professionnels. Les contraintes locales amènent ainsi les réalisateurs africains à explorer des voies ouvertes par les plus novateurs des Européens, comme les Italiens Federico Fellini et surtout Pier Paolo Pasolini, qui font eux aussi tourner des amateurs.

 

Il y a sans doute dans tout cela une part de bricolage, mais elle est revendiquée par des artistes se réclamant de l'anthropologue Claude Lévi-Strauss et de sa réhabilitation du bricoleur face à l'industriel dans La Pensée sauvage (1962). À l'heure où les cinéastes européens et américains s'interrogent sur les moyens de résister à l'industrialisation de leur art, les créations africaines commencent à attirer l'attention.

La fraîcheur de leur style, leur liberté presque complète vis-à-vis du monde économique et des contraintes de la production à l'occidentale en font un emblème du

 

cinéma d'auteur : quelle différence, par exemple, entre les créations échevelées d'un Med Hondo

 

(Soleil 0, 1970) et les productions hollywoodiennes où les réalisateurs ont rarement le droit de superviser le montage de leurs films !

 

Il ne faudrait pas, cependant, s'exagérer la liberté dont jouissent les artistes africains. Quand un pays voit apparaître des réalisateurs, c'est toujours parce que l'État a décidé de soutenir la production locale - ce qui

est le cas du Sénégal et du Mali.

On imagine bien que, dans ces conditions, les réalisateurs n'ont guère d'autre choix que de ménager le pouvoir. Cependant, c'est avec le soutien de l'État qu'un cinéaste comme Cheikh Oumar Sissoko peut

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« faire entendre sa révolte : Finzon (1989) s'élève courageusement contre le sort réservé aux femmes par la coutume , et à la faveur d'un changement de régime, Cuimba (1995) revient sur les dérives despotiques des États africains .

Sans le soutien de l'État , les producteurs n 'ont tout simplement pas les moyens de faire leur métier.

~inconstance de la volonté politique explique ainsi l'évolution chaotique de la production dans des pays comme le Cameroun et le Niger, où Jean-Pierre Dikongue (Muno Moto, 1976) et Moustafa Diop (Le Médecin de Cafiré , 1983) ne peuvent mener la carrière que leur talent leur promettait.

LE FESTIVAL o'0UACADOUGOU A cet égard , il faut saluer le travail de longue haleine des autorités de Haute­ Volta (qui devient en 1984le Burkina).

Surmontant les difficultés politiques et économiques, elles ont assuré au festival d 'Ouagadougou (créé en 1969) une pérennité maintenue jusqu'à aujourd'hui.

Devenu une véritable vitrine du cinéma africain, ce festival a permis aux productions locales de trouver des débouchés, favorisant par contrecoup les œuvres francophones, plus faciles à diffuser sur l'ensemb le du continent et dans l'ancienne métropole.

Le Burkina devient ainsi un des hauts lieux du cinéma africain, et la mais d'autres réalisateurs moins connus méritent d'être mentionnés : Pierre Yameogo (Tout va bien , 1991 , Tourbillon , 1998) ou Driss Touré LES RÉAUSATRICES En Afrique comme ailleurs, les réalisatrices ne sont pas légion.

La Sénégalaise Safi Faye réalise en 1975 une remarquable Lettre paysanne.

Le succès international de la Sud-Africaine Jamie Uys récompense un cinéma de Blancs , même si Les dieux sont tombés sur la tête, notamment dans la suite donnée en 1989 , fait la part belle aux acteurs noirs .

Plus remarquable à cet égard apparaît l'œuvre de Flora Gomes (Guinée-Bissau), qui, en l'espace, d'une vingtaine d'années, a construit une œuvre remarquée, avec notamment le fameux Po di Sangui (1996), mais aussi Mortu Nega (1988 ) et Les Yeux bleus de Zonta (1992 ).

(Laada , 1990).

Cette génération encore en activité impose un véritable tournant dans l'histoire du cinéma africain , non seulement par la culture technique dont elle fait preuve, mais aussi par le renouvellement des thèmes.

C'est avec elle, en effet , que la politique et les questions liées au néo­ colonialisme cèdent définitivement la place à des histoires différentes , qui peuvent trouver leur inspiration dans le quotidien , le folklore ou les traditions religieuses (Da ni Kouyaté , L'Héritage du griot 1994).

Le cinéma de dénonciation imposait l'usage d 'une rhétorique politique d'inspiration marxiste, fortement marquée par la logique et l'émo tion, esthétiquement assez pauvre .

Raconter une histoire, montrer la vie et non plus démontrer une vérité politique :c'est dans cette nouvelle approche que se forge un langage cinématographique authentique et original.

L'HEURE DE LA MATURITÉ Les années 1980 et 1990 voient surgir des œuvres certes peu nombreuses , mais d'une grande puissance d'expressio n.

Il faut citer ici le Malien Soulemane Cissé , dont le travail sur la photographie vient soutenir une réflexion sur l'histoire, envisagée non plus sous l'angle politique de la décolonisation , mais comme une irruption de la modernité.

Des films à sujet historique (Yeelen , 1987) alternent avec des réflexions sur le contemporain (Finye , 1982) .

Burkina et Mali prennent ainsi le relais du Sénégal comme centres du cinéma africain.

Certains pays ne commencent que dans les années 1990 à produire des fictions :ainsi le Togo , le Tchad, la République démocratique du Congo .

D'autres , comme l 'Éthiopie, le Niger et le Cameroun , ont commencé plus tôt, mais leurs cinéastes peinent à faire produire leurs films : on n 'entend guère parler de Daniel Kamwa et de Jean-Pierre Dikongue après Pousse­ pousse et Muno Moto , tous deux sortis en 1976 .

Ils trouvent un successeur de Ogun , d 'après une pièce bien connue du théâtre yoruba : plusieurs metteurs en scène vont suivre son exemple, encouragés par un succès populaire dépassant les frontières d'un pays qui est déjà le plus peuplé d'Afrique.

~exercice semble pourtant avoir ses .

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.!, -:: ·• limites , et, avec Cry Freedom, qui a en 1981 un retentissement international, Balogun semble rejoindre la ligne plus ~~~ ~~~~~~~~ ~d politique de ses amis de la zone 1.: 1 francophone .

Au final , la zone anglophone donne quelques films remarquables , mais Les Ivoiriens , soutenus avec assez peu de constance par l'État , semblent à cet égard plus favorisé s, et ils donnent des œuvres qui font date, notamment Visages de femmes (1985), de Désiré Ecaré, et Au nom du Christ (1993), de Roger Gnoan Mbala .

LE CINÉMA ANGLOPHONE sa production est moins riche et surtout elle ne couvre guère qu'une ou deux décennies : dès les années 1990, en effet, les réalisateurs se tournent vers la vidéo, renonçant ainsi à une pratique plus ambitieuse du cinéma.

~histoire du cinéma africain , telle que LE CINÉMA LUSOPHONE nous l'avons relatée jusqu 'ici, est Il en va de même dans une zone et particu lièrement traumatisante .

En Angola et au Mozambique , le départ des Portu gais dans les années 1970 ne fait qu'ouvrir la voie à une longue période de troubles, peu propice à l'éclosion d 'une école cinémato­ graphique.

Une forte politisation, qui n'est pas sans évoquer les années 1960, marque ainsi les films tournés pendant les luttes de libération (Sambizanga, de Sarah Maldoror , en 1972) ou dans leur sillage (Mueda , m é moire et massacre , tourné en 1979 par un Brésilien natif du Mozambique, Ruy Guerra) .

En Guinée-Bissau , on peut citer N'tturudu (1987), d'Umban U'kset, mais on retiendra surtout le travail de la réalisatrice Flora Gomes , qui depuis la fin des années 1980 a réalisé plusieurs films remarqués, dont Mortu Nega (1988 ) et Po di Songui (1996 ).

q surtout celle de la zone francophone.

lusophone marquée par une L'EXCEPTI O N suD-AFRICAINE C'est que les autres zones linguistiques décoloni sation beaucoup plus tardive Longtem ps marqué pa r l 'apartheid , sont tributaires d'une histoire 1-------------~ le cinéma sud-africain doit attendre différente.

La sphère anglophone , par UN SUCCÈS MONDIAL les année s 1980 pour sortir du ghetto exemple, a été marquée par une Sorti en i984, Lrs l&ux som IIHIIbés culturel d'une société paralysée par décolonisation moins nette, entre sur hl trtr est assurément le plus la haine .

La production locale , l'autonomie précoce du Ghana et la 00 RLMGJWl~~ ou~_ exclusivement réalisée par des Blancs , tardive prise de pouvoir des Noirs au est fortement marquée par l'idéologie Zimbabwe (1980) .

Un pays comme le raciste, et ce n 'est que depuis leur exil Kenya, par exemple, quoique riche, anglais que des réalis ateu rs noirs a peu investi dans la production, et parviennent à faire entendre une voix l'on ne peut guère citer que Wanjiru différente.

End of Dialogue (1967) et Kinyanjui, qui donne en 1994 La Last Crav e at Dimbaza (1974) sont Bataille de l'arbre sacré .

Au Zimbabwe des œuvres collectives et militantes aussi , il faut attendre les années 1990 qui, à défaut de style, trouvent dans pour voir apparaître des réalisateurs leur éner gie une qualité qui leur comme Michael Raeburn (lit 1990 ) et vaut de circuler dans les festivals Godwin Mawuru (1 Am the Future , universita ires.

Peu à peu, les mentalités 1994) .

évoluent à l'intérieur même du pays, Dans les faits , c'est essentiellemen t au et par-del à le succès planétaire des Ghana et au Nigeria que se concentre deux film s de Jamie Uys (Les dieux la production des pays anglophones.

sont tombés sur la tête 1 et// , 1984 Citons notamment le Ghanéen King et 1989}, on voit apparaître un cinéma Ampaw (Juju , 1986), et surto ut Kwah grand succès du cinéma africain; il est de Blancs un peu moins étroit d'esprit.

Ansah, qui a rencontré un grand succès aussi à sa manière une exception, Après l'arrivée au pouvoir du président dans les festivals occidentaux avec puisque c'est un film de Blancs, réalisé L'amour mijote dans la marmite par une femme, Jamie Uys, dans un africaine (198 1) et Heritage Africa pays presque dépourvu de tradition (1989 ).

Le thème identitaire est traité cinématographique.

Ce paradoxe cache chez lui avec un humour tout à fait une vérité : quelles que soient ses caractéristique de la sphère qualitès , ce film appartient davantage à anglophone , dont les œuvres sont une tradition anglo-saxonne marquée nettement moins politisées que celles par l'Influence des comédies de la francophonie .

Question hollywoodiennes qu'à la veine du d'époque, sans doute, mais aussi cinéma africain proprement dit.

La de références culturelles : l'influence suite, sortie en 1989 , est à cet égard des métropoles continue à se faire plus intéressante, en mettant l'accent sentir dans les écoles local es.

sur les aventures de deux enfants ~exemple du cinéma yoruba, qui a bush men, qui constituent le véritable fait les beaux jours de la production centre du film.

Au même moment le nigériane , offre pourtant l'exemple régime de l'apartheid disparaît et d'œuvres entièrement nourries d'une Nelson Mandela, après vingt-cinq ans tradition théâtrale ancestrale .

C'est en de prison, devient le premier prèsident 1975 qu'Oia Balogun donne Aja ni noir de l'Afrique du Sud.

Nelson Mandela (1989), des films en zoulou sont tournés , comme Foots (1998), de Ramadan Suleman .. »

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