COMMENT L'ÉROTISME A CONQUIS L'ÉCRAN

COMMENT L'ÉROTISME A CONQUIS L'ÉCRAN

Quelle ne fut pas la surprise des spectateurs s'aventurant, en 1896, dans une salle obscure où l'on projetait un film intitulé LE BAISER ! Sur l'écran, les lèvres de John C. Rice rejoi¬gnaient en gros plan celles de May Irwin : prodige inouï du cinématographe naissant, aussitôt voué à la célébration du plaisir. Immédiatement, un journaliste du « Chicago Tribune « réclamait l'intervention de la police contre cette obscénité.

Tandis que le commerce clandestin du film polisson battait son plein, la Belle Époque vit le succès, dans les salles de quartier (aux U.S.A., les « nickelodeons «), des bandes d'aventures exotiques ou antiques, prétextes à déshabillages. La censure apparaît en 1907 à Chicago, en 1908 à New York, en 1909 en Angleterre et en France. On commence à amputer les films, à mutiler les images : sur la pellicule, le corps ondulant de la dan¬seuse Fatima est maculé de barres transver¬sales.

Pourtant, l'industrie du cinéma a besoin de l'érotisme, ce qu'elle prouve en instaurant le « star system «, véritable culte du désir. L'ère de la vamp commence en 1915, alors que la Cour Suprême prive le cinéma de la garantie constitutionnelle de la liberté d'expression. Toute l'astuce des cinéastes consiste désor¬mais à biaiser, à jouer sur la suggestion, les ombres et les transparences : Theda Bara en Cléopâtre, Betty Blythe en reine de Saba, feront tourner bien des têtes.