Le mélange des registres et des tons dans Une partie de Campagne (Maupassant et Renoir)
Publié le 05/12/2019
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D'un côté, une vision négative des environs de la ville, construite sur des notations sensorielles qui agressent violemment personnages et lecteur. Les sensations visuelles, notamment, soulignant l'aridité, la saleté, la pauvreté, le sordide : « poussière )), « sale )), « défoncés )), « abandonnés )), « murs sans toit )), « stérile )), «dépotoirs )), «fumée noire des usines ». Le jeu analogique renforce la violence descriptive : « On eût dit qu'une lèpre l'avait ravagée, qui rongeait jusqu'aux maisons >> (comparaison), « des squelettes de bâtiments >> (métaphore). Les sensations olfactives, aussi, sont étonnamment présentes : « puante », « putrides », « parfum de pétrole et de schiste », « autre
Cependant. si la laideur et la vulgarité de la petite bourgeoisie constituent la cible préférée de Maupassant, son regard satirique n'éparg ne pas tout à fait la jeune et belle Henriette. L'ironie - légère, il est vrai- du narrateur tourne en dérision l'attendrissement sentimental de la jeune fille au chant du rossignol. Romantisme naïf qui la fera succomber à la tentation ... Le lyrisme ambiant est ainsi mis à distance par la perspicacité ironique du narrateur.
• Renoir
Les oppositions, dans le film de Renoir, se distribuent d'unefaçon sensiblement différente.
Dufour et Anatole restent dans le camp des « laids », mais leur laideur est plus grotesque que répugnante. L'aspect comique de leur duo (cf. le plan* fronta l des deux hommes au bord de l'eau, claire allusion à Laurel et Hardy) en atténue largement la grossièreté.
Henriette et les canotiers demeurent liés à la beauté. Seule Mme Dufour change de camp. Et cela, par la magie de l'incarnation... et le parti pris du cinéaste. L'exubérance excessive des formes et leur avachissement cèdent la place à une joyeuse plénitude, à de fermes rebondissements. Le visage souriant et lumineux complète le portrait d'une femme qui, de répugnante, devient attirante. Cette métamorphose adoucit largement la férocité de la nouvelle et offre une vision beaucoup plus aimable de la maturité féminine. La satire sociale présente chez Maupassant s'efface chez Renoir devant les impératifs de l'optimisme esthétique.
«
odeur
moins agréable encore >> (figur e euphémis tique ...
).
Des sensations tactiles, enf1n, ap paraissent dans les ter
mes « poussièr e », " miasmes )) , "f umée "· Ce festiva l de
sensations repoussa ntes ex plique le sentiment de soulage
ment (« Enfin >>) qui acco mpagne le sur gissemen t d'un pay
sage plus clémen t
De l'a utr e côté, donc, une nature que définissent la
lum ière et la pu reté («éclat ait de lum ière)), « une buée s'en
éle vait, pompée par le soleil )), « a1r plus pur ))) ; l'effet qui
en résulte est celui d'un bien-être profo nd: « ravissement )),
« qu iétude douce )), « rafraîchis sement bienfaisa nt».
C' est ce tte natur e lumm euse qui servira désor mais de
décor à la fic tion*, sans pour autant effacer tota lement le
malaise initia l.
Présente dans l'imaginair e du lect eur , elle
demeur e cependa nt impl icite dans une grande partie du
récit, centré alor s sur les pers onnag es.
Évoq uée fugace
ment par de brèves allusions, la natur e s'imp ose à no uvea u
lor s de la cont emp lation des yoles, mais davantage comme
évoc ation imaginair e que comme décor « réel » (« ...
les
belles soirées douc es ou les clair es mati nées d'été ...
»).
Elle s'ép anoui t enfin lors de la promenade sur l'eau.
En somme, l'opposition entre laideur et beauté, chez
Maup assant, est prétexte à une déno nciation de la dégrada
tion que subis sent les envir ons immédia ts de la cap itale, et
à l'exa ltation lyrique d'une nature qui l'enc hantait lui -même.
• Renoir
Le film de Renoir traite diffé remmen t la représe ntation
de l'espace.
En premier lieu parce qu'il fait l'économie du
trajet, éliminant du coup la noir ceur de la premi ère vision et
l'a sp ect dénonc iateur du discours.
De toute évidence, là
n'e st pas son prop os.
En second lieu parce que, en vertu
de la nature non asser tive de l'im age filmique (voir le cha
pi tre sur la descrip tion, p.
115 ), la natur e est toujour s pré
sente à l'é cran.
Toutes les situa tions se dév eloppent donc
exp licitement au sein d'une nature en fête (soleil, chaleur ,
exubér ance végétale, fraî cheur apaisa nte de l'eau ...
), là où,
dans la nouv elle, sa présence demeurait bien souvent
impl icite.
D'où cette impression de rayo nnement et de
lumi nosité baignan t également toute la fiction .
Aucune
repr ésent ation d'un espace négativ ement connoté -pas
121.
»
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