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Apprécier cette pensée de La Bruyère : « Tout est dit et l'on vient trop tard depuis sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent. »

Publié le 17/01/2022

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C'est en 1688 que La Bruyère publie ses Caractères. Au frontispice de son ouvrage, il se réclame de Théophraste qu'il imite; et dès le premier chapitre, il nous avertit de ne chercher pas, dans son livre, le charme de la nouveauté : « Tout est dit et l'on vient trop tard depuis sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent. « ....

« d'Euripide que Racine reproduit la verite dans la peinture des passions et jusqu'a cette inferiorite morale d'une ame condamnee par l'abdication de la volonte a n'etre plus que le jouet des mouvements desordonnes.

Sur le tombeau de Moliere, La Fontaine peut ecrire : Ci-git Plante et Terence; et Boileau donne a ses arrets une forme empruntee d'Horace et de Juvenal. Cotin ne s'y trompe pas, quand it lui reproche de n'etre qu'un imitateur des anciens; mais Boileau s'en fait gloire et it flagelle les novateurs qui ...croiraient s'abaisser dans leurs vers monstrueux S'ils pensaient ce qu'un autre a pu penser comme eux. Enfin, lorsque La Fontaine publie ses Fables, c'est le nom d'Esope qu'il inscrit en tete du recueil; it cite les maitres dont it s'inspire, estimant que tout son merite est d'avoir su glaner sa gerbe dans ce champ si bien moissonne de l'apologue.

Donc, pour les contemporains de La Bruyere aussi, « tout est dit A, parce que, « depuis sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent 2, la nature humaine n'a pas cesse d'être identique a elle-meme, et qu'ainsi nous ne saurions etre que les heritiers et comme les echos des anciens.

Heureusement ils n'ont pas, de cette constatation, conclu a finutilite du travail litteraire.

S'ils ont cru que tout etait dit quant aux idees, - et ils en ont male, pour la plupart, oublie leur qualite de chretiens et de franeais, - ils se sont persuade qu'ils pouvaient etre originaux dans leur imitation, et ils y furent personnels plus sans doute qu'ils ne se le sont imagine.

Its ne se montrerent pas, en poesie, assez chretiens, ni assez franeais pour chercher franchement leurs aspirations dans la religion du Christ et dans nos annales nationales; toutefois ils ont connu, dans l'homme, des, tendances, des aspirations qu'ignora l'antiquite paIenne.

C'est comme travers leur ame moderne et chretienne que nous apparait fame antique : Corneille prete aux Romains une grandeur qu'ils n'ont jamais atteinte; chez Racine, Iphigenie est plus resignee qu'au theatre grec, Andromaque plus digne, Agamemnon plus majestueux, Phedre plus torturee de remords; La Fontaine renouvelle l'apologue, plus ample en son ceuvre que chez Esope, plus piquant dans sa grace naturelle que chez Phedre; Moliere, enfin, est plus parfait que ses devanciers.

Tout n'etait done pas dit.

L'originalite du xvlle siècle ne s'est pas moins accusee dans le style que dans les idees.

Les auteurs de la generation de Corneille avaient reproduit la force, la concision pleine des ecrivains romains; Racine avait connu, dans l'expression de la passion, le secret d'une souplesse, d'une grace ondoyante et vraie qu'Euripide lui eat enviees; et voila qu'au temps de La Bruyere la langue semblait se transformer.

A la periode savante, pre- sentant dans un harmonieux ensemble la pens& et les incidentes qui la soutiennent, succedent des formes vives, alertes, pittoresques.

La phrase se brise : de souple, elle se fait nerveuse; elle gagne en force brusque ce qu'elle perd en majeste, - « on emit regulierement depuis vingt ans 2, - et c'est dans La Bruyere lui-meme que le xvire siècle ira chercher la langue de la discussion et de la polemique. d'Euripide que Racine reproduit la vérité dans la peinture des passions et jusqu'à cette infériorité morale d'une âme condamnée par l'abdication de la volonté à n'être plus que le jouet des mouvements désordonnés. Sur le tombeau de Molière, La Fontaine peut écrire : Ci-gît Plaute et Térence; et Boileau donne à ses arrêts une forme empruntée d'Horace et de Juvénal.

Cotin ne s'y trompe pas, quand il lui reproche de n'être qu'un imitateur des anciens; mais Boileau s'en fait gloire et il flagelle les novateurs qui ...

croiraient s'abaisser dans leurs vers monstrueux S'ils pensaient ce qu'un autre a pu penser comme eux.

Enfin, lorsque La Fontaine publie ses Fables, c'est le nom d'Esope qu'il inscrit en tête du recueil; il cite les maîtres dont il s'inspire, estimant que tout son mérite est d'avoir su glaner sa gerbe dans ce champ si bien moissonné de l'apologue.

Donc, pour les contemporains de La Bruyère aussi, «tout est dit», parce que, «depuis sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent», la nature humaine n'a pas cessé d'être identique à elle-même, et qu'ainsi nous ne saurions être que les héritiers et comme les échos des anciens.

Heureusement ils n'ont pas, de cette constatation, conclu à l'inutilité du travail littéraire. S'ils ont cru que tout était dit quant aux idées, — et ils en ont même, pour la plupart, oublié leur qualité de chrétiens et de français, — ils se sont persuadé qu'ils pouvaient être originaux dans leur imitation, et ils y furent personnels plus sans doute qu'ils ne se le sont imaginé.

Ils ne se montrèrent pas, en poésie, assez chrétiens, ni assez français pour chercher franchement leurs aspirations dans la religion du Christ et dans nos annales nationales; toutefois ils ont connu, dans l'homme, desv tendances, des aspirations qu'ignora l'antiquité païenne. C'est comme à travers leur âme moderne et chrétienne que nous apparaît l'âme antique : Corneille prête aux Romains une grandeur qu'ils n'ont jamais atteinte; chez Racine, Iphigénie est plus résignée qu'au théâtre grec, Andromaque plus digne, Agamemnon plus majestueux, Phèdre plus torturée de remords; La Fontaine renouvelle l'apologue, plus ample en son œuvre que chez Esope, plus piquant dans sa grâce naturelle que chez Phèdre; Molière, enfin, est plus parfait que ses devanciers.

Tout n'était donc pas dit.

L'originalité du xvne siècle ne s'est pas moins accusée dans le style que dans les idées. Les auteurs de la génération de Corneille avaient reproduit la fbrce, la concision pleine des écrivains romains; Racine avait connu, dans l'expression de la passion, le secret d'une souplesse, d'une grâce ondoyante et vraie qu'Euripide lui eût enviées; et voilà qu'au temps de La Bruyère la langue semblait se transformer.

A la période savante, pré­ sentant dans un harmonieux ensemble la pensée et les incidentes qui la- soutiennent, succèdent des formes vives, alertes, pittoresques.

La phrase se brise : de souple, elle se fait nerveuse; elle gagne en force brusque ce qu'elle perd en majesté, — « on écrit régulièrement depuis vingt ans » — et c'est dans La Bruyère lui-même que le xvme siècle ira chercher la langue de la discussion et de la polémique.. »

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