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En face d’un enfant qui meurt, La Nausée ne fait pas le poids - Sartre

Publié le 02/03/2020

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sartre

« Un enfant meurt de faim : cela est insupportable. Si Je cherche les raisons du caractère scandaleux de l’événement, je vols qu’il faut sitôt y compter la littérature. Je ne sache pas que Sartre s’inquiète trop des innombrables massacres qui s’accomplissent chaque jour, systé- manquement à la Villette *. C'est que tous ces gens en masse mis à mort n’avaient, très probablement, nu) accès à la littérature. Jamais ils n’auraient pu lire Lu Nausée; jamais ils n’auraient écrit. La littérature (plus généralement: «i’Art»), en sa double dimension de l’écriture et de la lecture, est l’une des rares activités distinctives de l’homme. C’est par la littérature qu’il se dégage des divers mammifères supérieurs; c’est par elle qu’un certain visage spécifique lui est dessiné. Que peut donc La Nausée? De toute évidence, ce livre (et plusieurs autres...) détermine, par sa simple présence (et, nous le verrons, quelle qu’en soit la fiction), l’espace dans lequel la mort d’un enfant par inanition est un scandale : il donne un sens à cette mort. Sans la présence de la littérature (et il faut entendre présence dans son acception la plus forte) quelque part dans le monde, la mort d’un enfant n’aurait guère plus d’importance

• que celle, à l’abattoir, d’un animai quelconque. »

En somme, il est vrai que devant un enfant qui meurt, La Nausée ne fait pas le poids, mais nous ne le saurions pas si nous n’avions pas lu La Nausée ou quelque livre semblable.

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« Sartre affirmait qu'il 6tait, par exemple, impossible de lire Robbe-Gri!Jet dans un pays sous-développé.

Tr:a­ vail cemplexe · sur la matière même de la littérature, déconstruction sophistiquée du disco urs romanesque, l~œuvre de Robbe -Grillet passait aux yeux de Sartre pour l'exemple même du texte totalement déconnecté de la réalité mondiale.

Derrière des affirmations très générales · sur l'utilité et les limites de la littérature, c'était en fait une nouvelle con_ception de la littérature - celle qu'incarnaient à l'époque les nouveaux roman ­ ciers - qui était mise en cause.

Ceux-ci ne s'y trompèrent pas et répliquèrent à Sartre.

La confrontation donna même lieu à un débat public organisé à la Mutualité par le journal Clarté et auquel participèrent Simone de Beauvoir, Yves Berger, Jean­ Pierre Faye, Jean Ricai:dou, Jean-Paul Sartre et Jorge Semprun.

Très clairement 's'affrontaient qeux concep- · tions de la· littérature: la littérature engagée et le nou­ vea u roman .

(Le texte de ce débat a été publié sous.le titre .de Que peut'la littérature? en 1965 , dans la collec- tion «L'inédit.

10/18 ».) · · Jean Rica rdou qui s'affirmait à l'époque comine le théoricien du nouveau roman mit au centre de son intervention, pour en proposer une critique, la formule de Sartre .

Il revient sur ·cette même formule dans un teiçte intitulé «Une .question nommée littérature» et figurant dans ses Problèmes du nouveau roman (1967) .

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La ·démonstration de Ricardou constitue sans doùte la plus juste des mises au point et ia plus exacte des ' réfutatio~s de la formule de Sartre .: «Un enfant meurt de faim : cela est insupportable.

SI je cherche les raisons du caractère scandaleux de l'événe­ ment, je vois · qu'il faut sitôt y compter la llttérature 1 Je ne sache pas que Sartre s'inquiète trop · des im~ombra­ bles massacres qui s'accomplissent chaque jour; ·systé-. »

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