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La lecture est au seuil de la vie spirituelle; elle peut nous y introduire : elle ne la constitue pas. Marcel Proust.

Publié le 22/02/2012

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Pastiches et mélanges fut publié en juin 1919 par Proust en même temps que le second tome d'A la recherche du temps perdu : A l'ombre des jeunes filles en fleurs. L'ouvrage se compose d'articles et de textes très divers qui parurent entre 1900 et 1908. Un nombre important de ceux-ci est consacré à John Ruskin. Les oeuvres de celui-ci — écrivain anglais, critique et historien de l'art — ont exercé une influence décisive sur Proust. Le romancier français y a découvert, à travers toute une série de méditations sur la peinture, l'architecture, l'Italie, une conception du Beau à laquelle La Recherche du temps perdu sera largement redevable. Pour Ruskin, en effet, comme pour Proust, l'art est cette décisive révélation par laquelle le monde dans lequel nous vivons s'ouvre à une vérité plus haute.
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« notre vie spirituelle ».

Le livre ne nous offre aucune vérité qu'il nous suffirait de recevoir passivement : il ne peutêtre qu'incitation à nous mettre nous-même en quête de cette vérité qu'il nous refuse parce qu'il ne la détient pas : « Nous sentons très bien que notre sagesse commence où celle de l'auteur finit, et nous voudrions qu'il nous donnâtdes réponses, quand tout ce qu'il peut faire est de nous donner des désirs.

Et ces désirs, il ne peut les éveiller ennous qu'en nous faisant contempler la beauté suprême à laquelle le dernier effort de son art lui a permis d'atteindre.Mais par une loi singulière et d'ailleurs providentielle de l'optique des esprits (loi qui signifie peut-être que nous nepouvons recevoir la vérité de personne, et que nous devons la créer nous-même), ce qui est le terme de leursagesse ne nous apparaît que comme le commencement de la nôtre, de sorte que c'est au moment où ils nous ontdit tout ce qu'ils pouvaient nous dire qu'ils font naître en nous le sentiment qu'ils ne nous ont encore rien dit.» La lecture est incitation.

Telle est en substance la thèse de Proust.

Et il y aurait, continue-t-il, un grand danger à latenir pour davantage.

De tout attendre des livres, nous risquerions de ne rien obtenir d'eux.

Il y a donc un dangerde la lecture que Proust ne dissimule pas : « Tant que la lecture est pour nous l'incitatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-même laporte des demeures où nous n'aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire.

Il devient dangereux aucontraire quand, au lieu de nous éveiller à la vie personnelle de l'esprit, la lecture tend à se substituer à elle, quandla vérité ne nous apparaît plus comme un idéal que nous ne pouvons réaliser que par le progrès intime de notrepensée et par l'effort de notre coeur, mais comme une chose matérielle, déposée entre les feuillets des livres commeun miel tout préparé par les autres et que nous n'avons qu'à prendre la peine d'atteindre sur les rayons desbibliothèques et de déguster ensuite passivement dans un parfait repos de corps et d'esprit.» Le texte de Proust (réédité par les éditions Complexe), dans sa beauté et sa brièveté, semble réunir en l'espace dequelques pages l'essentiel de ce qui a été dit de plus juste sur la lecture.D'un côté, Proust dénonce les dangers et les illusions qui peuvent naître du commerce des livres.

Comme Montaigneavant lui, mais en un tout autre style, il s'en prend à ceux qui empruntent aux textes une sagesse superficielle sansque celle-ci puisse leur permettre de progresser véritablement dans leur « vie spirituelle ».Mais plus que cette simple critique, Proust nous dévoile la nature véritable de l'acte de lire.

Celui-ci n'est pas la pas-sive réception du savoir de l'auteur.

Il n'est pas davantage cette aimable conversation dans laquelle deux esprits,par l'intermédiaire d'un volume, se répondent.

La lecture est plus que cela : elle est cette réponse à l'incitation d'untexte par laquelle le lecteur parcourt l'essentiel du chemin en s'engageant sur la voie ouverte pour lui par l'auteur.Elle n'est pas évasion ou distraction mais tremplin en vue d'une aventure intérieure que chacun doit accomplir pourson propre compte.. »

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