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Rien de plus original, rien de plus soi que de se nourrir des autres. Le lion est fait de mouton assimilé. Paul Valéry

Publié le 13/09/2015

Extrait du document

«... je ressemble à l’abeille

 

Qui va cueillant tantôt la fleur vermeille,

 

Tantôt la jaune : errant de pré en pré Où plus les fleurs fleurissent à son gré.

 

Ainsi lisant et feuilletant mes livres J’amasse, trie et choisis le plus beau,

 

Qu’en cent couleurs je peins en un tableau Tantôt en l’autre : et prompt en ma peinture Sans me forcer j’imite la Nature. »

Ceux qui craignent les influences et s’y dérobent font le tacite aveu de la pauvreté de leur âme. Rien de bien neuf en eux à découvrir, puisqu’ils ne veulent pas prêter la main à rien de ce qui peut guider leur découverte. Et s’ils sont si peu soucieux de se retrouver des parents, c’est, je pense, qu’ils se pressentent fort mal apparentés.

 

Un grand homme n’a qu’un souci: devenir le plus humain possible, disons mieux: devenir banal. Devenir banal Shakespeare, banal Goethe, Molière, Balzac, Tolstoï... Et, chose admirable, c’est ainsi qu’il devient le plus personnel. Tandis que celui qui fuit l’humanité pour lui-même n’arrive qu’à devenir particulier, bizarre, défectueux... Dois-je citer le mot de l’Evangile ? Oui, car je ne pense pas le détourner de son sens : « Celui qui veut sauver son âme (sa vie personnelle) la perdra ; mais qui veut la donner la sauvera (ou pour traduire plus exactement le texte grec : “la rendra vraiment vivante. ”) 

« En ce seizième siècle, l'imitation est valorisée par les poètes à condition qu'il ne s'agisse pas des auteurs français qui ont précédé, lesquels sont un peu méprisés, mais uniquement des auteurs grecs, latins et italiens.

Cette imitation -qui suscite quand même parfois quelques critiques - se concilie avec l'originalité de deux façons.

Tout d'abord, il ne s'agit pas d'un simple démarquage, mais d'une « innutrition » pour parler comme Montaigne.

L'auteur de langue française se nourrit de l'auteur étranger, il se l'incorpore, l'assimile pour en rendre l'essentiel.

Par ailleurs, chaque langue a sa spécificité, et il faut vraiment un travail personnel, une activité réellement créatrice, pour faire passer un poème d'une langue dans une autre ..

A l'époque moderne, le souci d'une radicale nouveauté a parfois conduit à penser que l'originalité consistait à faire table rase du passé.

Ce point de vue un peu sim­ pliste a suscité un certain nombre de réactions proches de celles de Valéry.

Alain, par exemple, insiste sur la valeur de l'imitation aussi bien dans le domaine de l'art que dans celui de l'éducation:« C'est en copiant qu'on invente» écrit-il dans le« Propos» du 21 mai 1921.

Le 20 octobre 1922, il revient sur ce thème à propos de l'architecture: «Il n'existe point d'architecte qui puisse dire: "Je vais oublier ce que les hommes ont construit." Ce qu'il inventerait serait bien laid; pour mieux dire, s'il tient sa promesse à la rigueur, il n'inventerait rien du tout.

C'est pourquoi le temple se souvient du temple, et l'ornement se souvient du trophée, et le carrosse se souvient de la chaise à porteurs.

Qui n'imite point n'invente point.» André Gide parle aussi très bien de cette fausse con­ ception de l'originalité reposant sur l'idée qu'il ne faut pas subir d'influences («De l'influence de la littérature», conférence faite en 1900 et intégrée dans Prétextes) :. »

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