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Arthur Rimbaud par Etiemble Écrivain Tout le monde connaît Rimbaud, et nul ne sait rien de lui.

Publié le 05/04/2015

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rimbaud
Arthur Rimbaud par Etiemble Écrivain Tout le monde connaît Rimbaud, et nul ne sait rien de lui. Une image légendaire, qui tend à bientôt devenir une icône, voilà le Rimbaud qui encombre les manuels, les livres d'histoire et de morceaux choisis. On en a fait le fondateur d'un ordre quasi religieux, le fameux " ordre " symboliste : il a suffi de deux beaux contresens, l'un sur Bateau ivre, l'autre sur les Voyelles. Bien éloigné de représenter un poème symboliste, le Bateau ivre n'est qu'un lieu commun de la poésie parnassienne ; lisez le Parnasse contemporain : ce ne sont que bateaux saouls. Quant aux Voyelles, dont on fait le manifeste, ou l'évangile, de la prétendue audition colorée, lisez-les avec soin : les vers qui sont censés illustrer la voyelle U ne contiennent que des I : U cycles, vibrements divins des mers virides, Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ainsi des autres... Alors ! On en a fait un demi-dieu de la secte surréaliste : en isolant de l'oeuvre entier certains poèmes, les Mains de Jeanne-Marie, par exemple ; en divulguant plusieurs documents inconnus, Obscur et froncé, Un coeur sous une soutane, par autre exemple, Aragon et Breton ont dressé Arthur Rimbaud contre les trois tabous qu'il s'agit de violer : la religion catholique, l'amour de la patrie et la morale sexuelle. Mais leurs disciples atténuent la virulence de ces textes et s'efforcent d'attirer le poète vers la Kabbale et la Magie, moins directement dangereuses à nos sociétés. On en a fait un catholique : sa vie (qu'on réduit à deux anecdotes suspectes : l'affaire du sale petit cagot, et la prétendue mort chrétienne) devient celle d'un fils repenti, puis d'un saint, parastate de sainte Jeanne d'Arc, frère de sainte Thérèse d'Avila, annonciateur de la petite sainte Thérèse de Lisieux. On en a fait un fasciste, un bon Germain, un vrai Celte, l'anti-Virgile ; on en a fait un communard, un communiste, un stalinien ; on en a fait un bon bourgeois et de son existence une vie vraiment " charmante " (à cet homosexuel, on prête jusqu'à six maîtresses ; il n'est point mort de sa vérole, mais d'une synovite, d'une gangrène, ou d'une piqûre d'épine) ; on en a fait un vrai voyou, le parangon des pervers, le héros de la drogue. Albert Camus a salué en Rimbaud un " aventurier de l'absurde ", Jean-Paul Sartre, un poète existentialiste qui " se choisit " dans " l'angoisse ", Isidore Isou, l'arrière grand-père du lettrisme. Mieux encore, ou pis : on en a fait un dieu. N'est-il pas né les yeux ouverts ? N'est-il pas " unique " ? Ne forme-t-il pas, avec Lautréamont (mais avec Germain Nouveau, mais avec Hart Crane) un ou plusieurs couples dioscuriques ? N'a-t-il pas reçu le don des langues ? N'a-t-il pas prophétisé sa vie, sa mort, l'importance de la côte des Somalis, la défaite de Guillaume II, le plan de New York, les camps nazis de concentration, le mariage de sa soeur avec Paterne Berrichon ? N'avait-il point les traits m&eci...
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