Critique d'Artemisia Gentileschi Théâtre
Publié le 02/06/2022
Extrait du document
«
Artemisia Gentileschi : Le #MeToo du 17ème siècle
Mardi 18 janvier, je suis allée voir l’adaptation théâtrale du procès d’Agostino Tassi au théâtre Gérard Philippe à
Orléans La Source.
Artemisia Gentileschi a été mise en scène par Guillaume Doucet d’après le texte « It’s true, it’s
true, it’s true » d’ Ellice Stevens et Billy Barrett et jouée par le groupe Vertigo, avec Philippe Bodet, Gaëlle
Hérault, Berangère Notta et Chloé Vivarès.
Le procès a lieu en 1612, Agostino Tassi se retrouve devant le juge car il est accusé d’avoir violé Artemisia
Gentileschi, la fille d’Orazio Gentileschi, l’homme qui avant était son ami.
On voit alors le déroulement du procès, les personnages se confrontant et se contredisant, notamment Artemisia
face à son agresseur et Agostino face à sa « présumée » victime.
Un témoin assiste et participe également au procès : une amie de la famille qui a emménagée avec Artemisia et
son père et qui déclare un témoignage en faveur de l’agresseur, une vérité qui se révélera déformée.
Malgrés l’ancienneté du procès, un sujet très actuel résonne tout au long du spectacle.
Décridibiliser, humilier, ne pas croire, remettre en cause les dires et le témoignage de la victime sont encore les
choses auxquelles les victimes de viol d’aujourd’hui font face.
Un coeur féministe est donc donnée à la pièce.
Cet
aspect du spectacle a très vite été repérable pour moi car étant féministe et militante, toutes les paroles de
l’agresseur mais aussi du juge résonnaient comme des dires que je connais maintenant par coeur : «Pourquoi
n’avez-vous pas crié ? », « Pouvez-vous répéter encore une fois ce qu’Agostino Tassi vous aurez fait ? ».
Des
paroles qui peuvent ne rien évoquer à beaucoup, mais qui pour moi sont les causes d’un combat quotidien.
Non
pas seulement mon combat, mais le combat de milliers de femmes et l’ultime combat des victimes de viol avant
tout.
La pièce en elle même est la preuve d’un patriarcat et d’une
mise sous silence des femmes notamment avec le passage à la
torture de la victime elle même alors que c’est un homme qui
est accusé et qui doit donc passer aux aveux, mais la mise en
scène de la pièce est elle aussi une grosse référence aux
agissements féministes actuels.
Artemisia n’étant pas crue,
elle fini par crier un grand nombre de fois « C’est vrai ! »
avant de recouvrir un mur entier en écrivant ce qu’elle criait
précédemment à la bombe de peinture : « È VERO ».
J’ai tout de suite comparé cette scène avec les nombreux
collages et graffitis féministes que l’on peut lire dans les rues
de nos jours et auxquels nos yeux ne peuvent pas échapper sur
les réseaux sociaux.
Collage retrouvé à Perpignan
La recréation de certains tableaux d’Artemisia par les comédiens est
aussi selon moi un point fort de la pièce.
En effet les tableaux de la jeune peintre sont évoqués lors du procès
et ils sont alors recréés de façon grandeur nature avec en plus, une
mise dans le contexte du tableau.
On voit alors Artemisia, seins nus,
interprétant Suzanne de Suzanne et les vieillards, symbole encore
une fois de la dominance masculine sur la femme qu’Artemisia
déconstruit en peignant une Suzanne repoussant les hommes
contrairement à celle d’autres peintre comme Alessandro Allori qui
lui peint une Suzanne qui n’a pas du tout l’air d’avoir peur des
voyeurs.
Elle utilisera d’ailleurs cette argument lors du procès,
montrant la souffrance de son viol qu’elle a donc retranscrit à travers
son oeuvre.
Suzanne et les vieillards par Artemiosia Gentileschi
puis par Alessandro Allori
C’est donc satisfaite par le verdict du procès que j’ai quitté la salle de théâtre.
Artemisia Gentileschi est une pièce
purement dans l’air du temps en évoquant le combat de milliers de victimes qui elles aussi sont ignorées et prises
pour des menteuses.
L’inculpation d’Agostino Tassi ne peut que donner à toutes les féministes de l’espoir pour
continuer à faire valoir la justice et l’égalité.
Le spectacle m’a plus de par la pièce en elle même mais aussi grâce à
la mise en scène et les références au travers des quelles je ne cessais de me reconnaître..
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