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Gustave Singier 1909-1984 Yvon Taillandier parle en ces termes de la peinture de Singier : " Pourquoi les peintures de Singier -- quels que soient leurs titres -- m'évoquent-elles toujours l'image double et, semble-t-il, contradictoire, d'une campagne paisible et d'un volcan ?

Publié le 05/04/2015

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Gustave Singier 1909-1984 Yvon Taillandier parle en ces termes de la peinture de Singier : " Pourquoi les peintures de Singier -- quels que soient leurs titres -- m'évoquent-elles toujours l'image double et, semble-t-il, contradictoire, d'une campagne paisible et d'un volcan ? Certes, la partie paisible de l'image, l'aspect calme, ordonné, je me l'explique. Singier ne dit-il pas lui-même : " Je veux créer, dans mes tableaux, un espace vivable ? " Et cette intention, il ne fait aucun doute qu'il la réalise. Quand, par exemple, entre 1941 et 1946, il pratique, avec quelques autres, ce style qu'un peu partout en Europe on imitera et qui est une des premières causes de sa célébrité, ce qu'il exprime alors, c'est déjà une volonté d'ordre et de paix. " A ce moment-là ", remarque-t-il, " je subis l'influence du fauvisme et particulièrement de Matisse, du cubisme et notamment de Braque et de Picasso, mais aussi de Bonnard ". Or, Bonnard est un intimiste comme Braque. Dans l'agressivité de Picasso, ce que Singier retient est compatible avec l'idée d'ordre. Quant à Matisse, il n'a jamais caché son désir de susciter la joie. Bref, la peinture de Singier, à cette époque, parle incontestablement de bonheur et de paix. Et plus tard aussi. Quand, à partir de 1947, il redécouvre, dit-il, à la fois la liberté et le réel, ce réel est, à vrai dire, féeri...

« attitude et un style.

“ Je ne suis pas un romantique ”, me confie Singier.

“ Tout ce qui trahit la fièvre, je l'efface ”.

Certes.

Mais d'une main légère, car, dans l'ensemble de son œ uvre — œ uvre très divers (non seulement peintures, mais lithographies, tapisseries, grande mosaïque pour le Palais de la Radio, décors et costumes de théâtre, notamment pour Pelléas et Mélisande donné à Bruxelles, et pour le T.N.P.) — dans tout ce qu'il fait, l' œ il attentif et le spectateur interrogateur perçoivent la fièvre.

Fièvre d'autant plus émouvante qu'elle est cachée et que, dans ces formes apparemment si statiques, elle se révèle subtilement.

“ J'aime ”, avoue Singier, “ le mouvement secret ”.

Ce mouvement secret, c'est d'abord le frémissement parfois presque imperceptible des lignes et des couleurs.

Mais c'est aussi une mobilité qui résulte paradoxalement d'un besoin profond chez un homme frappé dès l'enfance par la fragilité des êtres et des choses : le besoin de permanence.

A ses débuts, Singier — qui peint sa première toile à quatorze ans — travaille d'après nature. Mais la nature, il ne l'ignore pas, est fragile.

Seconde période : expressionnisme.

C'est le cœ ur qui parle.

Mais le c œ ur, on le sait, est changeant.

Troisième période : la luminosité fauve et la géométrie cubiste expriment bien la permanence, mais, pense Singier, elles l'éloignent du réel.

Pour s'en rapprocher sans se priver pour autant de cette permanence dont le besoin l'obsède, il adopte — l'année même où il acquiert la nationalité française, c'est-à-dire en 1947 — une solution nouvelle.

Supposons un arbre.

Ce qui ne change pas en lui demeure semblable quelle que soit l'heure ou la saison et quel que soit le sens qui le perçoit : non seulement la vue, mais l'odorat, le toucher, le goût, l'ouïe (ne pas oublier que Singier est un passionné de musique).

Bien ! Seulement, il faut l'admettre : cet arbre immuable ne ressemble pas aux arbres fugaces que nous connaissons.

Or, le voici sur une toile : nous ne savons pas ce que c'est.

Nous l'interrogeons.

“ Es-tu un arbre ? ” — “Peut-être ”, répond-il.

“ Une touffe d'herbe ? ” — “Peut-être ”.

“ Un buisson d'éclairs dans le ciel ? ” — “Pourquoi pas ”.

Prenons garde, cependant.

Nos questions le déplacent. Touffe d'herbe, il est à nos pieds.

Arbre, plus loin.

Éclair, très loin.

Moralité : ce que l'on trouve de plus immobile est mobile.

La plus grande certitude est incertaine.

Encore une fois, c'est notre volcan.

Singier sourit.

En effet, cette sagesse — aux origines si lointaines dans son existence et qui retrouve l'affirmation bouddhiste : tout change sauf le changement — se teinte d'une nuance complémentaire du calme apparent et qui, elle aussi, n'est pas sans être efficace dans le péril de vivre : l'humour.

”. »

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