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La communication

Publié le 29/11/2011

Extrait du document

« Les Azandé ont vu plus de médecins européens que la plupart des peuples du Soudan anglo-égyptien, à cause de la trypanosomiase (1) qui sévit dans leur pays. J'ai découvert que les Azandé de la brousse se méfient ordinairement des médecins européens, et souvent des hommes d'un certain âge m'ont dit que leur travail consiste à rendre les gens malades. A leur avis, quand, au cours d'une tournée d'inspection un docteur leur palpait le cou, c'était une manière à lui de faire entrer la maladie dans certaines personnes, pour donner ensuite l'ordre de les transporter dans une colonie de malades du sommeil. De même quand on inspectait les points d'eau pour s'assurer que les broussailles voisines et les herbes avaient été nettoyées, de façon à ne pas laisser d'abri aux mouches tsé-tsé, ils pensaient que l'inspecteur européen mettait la dysenterie dans l'eau. «  Qui dit quoi, à qui, avec quel effet ? , Cette anecdote racontée et commentée par le grand ethnologue anglais Evans-Pritchard (2), résume à elle seule, de façon à la fois drôle et tragique, tous les problèmes de la communication humaine. Mais avant d'analyser cet exemple en particulier ou de poser ces problèmes en général, il faut s'entendre sur ce mot« communication «,

l'un des plus employés du monde contemporain, mais trop souvent chargé d'un sens diffus ou d'une signification inexacte. Or communication veut simplement dire : « transmission d'une information d'un point (lieu ou personne) à un autre «. Définition brève et claire, certes, mais dans la mesure où le mot « information « est lui aussi précisé. Selon la formulation la plus simple et la plus claire, information désigne un « élément particulier de connaissance

ou de jugement «.

Enfin, si trop souvent ce sujet donne lieu à des considérations embrouillées, prolixes et contradictoires, c'est que les questions à quoi l'on pré-

1. C'est la << maladie du sommeil >> provoquée par le trypanosome, un parasite microscopique transporté et transmis par la

mouche tsé-tsé.

2. Né en 1902 dans le Sussex, auteur notamment d'un célèbre manuel, L'Anthropologie sociale.

tend apporter des réponses définitives ne sont pas clairement posées. Un intelligent sociologue nommé Lasswell a proposé de n'aborder ce domaine de la communication et de la circulation de l'information qu'en ayant la ferme intention de ne répondre qu'à une seule et unique question ainsi formulée : « Qui dit quoi, à qui, avec quel effet ? «

« Bison paléolithique supérieur .

Grotte d'Altamira en Espagne Pendant plusieurs générations .

la plupart des préhistoriens n'ont vu dans les dessins rupestres qui ornent les grottes que les man ifestations de la sensibilité esthétique de nos lointa i ns ancêtres .

Des études récentes, menées notamment par les chercheurs du MIT, l'Institut de technologie du Massachusetts, montrent que, souvent , les peintures rupestres obéissent à d'autres nécessités , entre autres celles de communiquer des informations aux futurs occupants des grottes · le dess in préhistorique , dans cette perspective .

informe et met en garde contre la présence , dans les env irons , de tel anima l dangereu x et joue a ins i le rôle d'un instrument de communicat ion .

ment animal ou éthologie, etc.) on s'est rendu compte -et c'est sûrement une des découvertes fondamentales du xx• siècle -que tout phéno­ mène vivant peut s'analyser en termes de commu­ nication.

Il n'y a vie que s'il y a information transmise et reçue.

Ainsi l'œuf primordial ne se développe que parce qu'il· contient un « code génétique » communiqué aux cellules.

Une fois né, un jeune ne peut croître normalement qu'en effectuant un apprentissage selon les informa­ tions qu'il reçoit de son entourage (parents, édu­ cateurs) (1).

Et une société (ou une culture don­ née) a pour seul ciment un ensemble cohérent d'informations qui circulent entre ses membres et de génération en génération.

Alors que les physiciens sont toujours à la recherche d'une théorie unitaire permettant d'analyser et de comprendre tous les phénomènes du monde inanimé, les sciences du vivant, qu'elles soient dites exactes comme la biologie ou dites humaines comme la sociologie, disposent, 1.

Les célèbres cas aberrants d'enfant s·loups illustrent ce qui se passe quand la croissance d'un jeune humain se déroule en l'absence d'informations adéquates.

elles, d'une théorie umtaue, que l'on appelle « théorie de l'information » et qui peut se résu­ mer ainsi (selon une formulation encyclopédique moderne) : toute communication suppose une source , distincte ou non d'un émetteur ou com­ municateur, qui code dans un message la signifi­ cation issue de la source, quelle que soit la nature matérielle du code utilisé : signaux acoustiques, vocaux ou non , signaux optiques, signaux directs (gestes) ou au contraire fixés en enregistrements ou documents (écriture, photographie, cinéma, code génétique, etc.).

Le message ainsi constitué est transmis par un support matériel, ligne ou canal de transmission vers un récepteur, qui déchiffre ou décode le message dans l'état ou ille reçoit (après pertes ou brouillages éventuels, dési­ gnés sous la dénomination générale de « bruit ») et en tire sa propre version ou signification (version du destinataire) .

Encore est-il bon de préciser que cette expres­ sion « théorie de l'information » risque de prêter à confusion.

Car il ne s'agit pas d'une théorie au sens banal du terme, c'est-à-dire d'une hypothèse générale et explicative, mais d'un instrument. »

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