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La Grande-Bretagne de 1815 à 1918 par François Bédarida Institut d'Études Politiques, Paris En 1815, la Grande-Bretagne sort victorieuse de vingt années de lutte contre la France révolutionnaire et impériale.

Publié le 05/04/2015

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La Grande-Bretagne de 1815 à 1918 par François Bédarida Institut d'Études Politiques, Paris En 1815, la Grande-Bretagne sort victorieuse de vingt années de lutte contre la France révolutionnaire et impériale. Son triomphe lui confère une puissance diplomatique de premier plan en Europe. Mais surtout il confirme sa suprématie commerciale dans le monde et coïncide avec l'ouverture d'une ère de prépondérance industrielle appelée à durer pendant la plus grande partie du siècle. Le dynamisme de la nation, la maîtrise du progrès économique, les succès de l'esprit d'entreprise donnent aux Britanniques une confiance en eux-mêmes vite transformée en sentiment de supériorité insulaire. Au cours de sa visite outre-Manche en 1845, l'économiste français Léon Faucher constate avec surprise : " L'Anglais croirait volontiers qu'excepté le peuple britannique, qui lui paraît être arrivé à l'âge d'homme, tous les autres peuples sont des peuples enfants. " Suffisance engendrée non seulement par un patriotisme jaloux lié à la certitude d'appartenir à une race prédestinée, mais plus encore par les éclatantes réussites du pays dans tous les domaines, politique et constitutionnel, industriel et colonial. A partir de 1815, la Grande-Bretagne s'est d'abord assuré un atout capital : la paix à l'extérieur pour un siècle. Si l'on met à part le court épisode de la guerre de Crimée et les expéditions coloniales, la nation a échappé à tout conflit jusqu'à 1914. Irremplaçable avantage qui permet de concentrer les efforts sur le développement économique et qui facilite la stabilité politique autant que l'enrichissement collectif et individuel. Pour assurer la paix, la diplomatie britannique, de Castlereagh à Salisbury, s'est fixé une règle d'or : le maintien de l'équilibre entre puissances européennes grâce à un système de contrepoids bien agencés, efficaces et soigneusement entretenus. Nul besoin désormais d'engagement direct, encore moins d'alliance militaire sur le continent. C'est l'esprit dans lequel la Grande-Bretagne aborde les négociations du Congrès de Vienne, et le nouvel ordre international qu'elle réussit à faire prévaloir tient largement compte de ces impératifs. Pendant tout le XIXe siècle, la Grande-Bretagne s'en tiendra scrupuleusement aux mêmes principes. Un changement n'interviendra que le jour où le sentiment d'une menace intolérable de la part de la puissance allemande la conduira à une révision déchirante de sa diplomatie. Alors, mais alors seulement, la Grande-Bretagne en revient à l'alliance continentale. D'où la conclusion en 1904 de l'Entente cordiale, suivie en 1907 par la Triple Entente : Angleterre-France-Russie. Par ailleurs, au-delà des horizons européens, le Foreign Office s'est fixé comme but la maîtrise des mers et le contrôle de la route des Indes et de l'Extrême-Orient vers la Chine et l'Australie. Un tel objectif a été atteint autant que possible par des voies pacifiques. Mais chaque fois que les intérêts britanniques l'ont jugé nécessaire, ils n'ont point hésité à recourir à la " politique de la canonnière ". De là le rôle essentiel de la marine comme auxiliaire de la diplomatie. Présente sur toutes les mers, la Royal Navy a jalousement préservé sa supériorité numérique. Vers la fin du siècle, elle l'a même accentuée en inventant la doctrine du " critérium des deux puissances " (Two Powers Standard) : doctrine selon laquelle elle doit par sa seule force surpasser la force réunie des deux marines les plus puissantes après elle. Cependant, ce qui rend possible cette prééminence de la Grande-Bretagne dans le monde, c'est son primat économique. L'avance anglaise, affirmée depuis le milieu du XVIIIe siècle, confirmée jusqu'à la fin du XIXe siècle, s'impose à tous, admirateurs, concurrents ou adversaires. Au cours d'une visite en Angleterre en 1842, le jeune manufacturier français Motte-Bossut s'exclame, ébloui : " Je suis ici au centre de l'industrie la plus avancée de l'Europe et de l'univers. " Les Anglais tiennent de loin le premier rang pour la filature et le tissage du coton et de la laine, pour la métallurgie et les machines-outils, pour les chemins de fer et la construction navale. Leurs brevets, leurs techniques, leurs méthodes de production sont imités en Europe et en Amérique. En outre, chez eux, le génie industriel se double du génie commerçant. Au mot fameux de Napoléon sur la " nation de boutiquiers " fait écho en 1914 le dépit méprisant de Guillaume II à l'égard de " ce peuple d'épiciers ". De fait, combien de fortunes anglaises se sont édifiées grâce à l'extension indéfinie de l'aire des marchands et des négociants à travers les pays voisins ou les contrées lointaines ! Combien de lignes de chemin de fer ont été construites, de la France et de la Belgique à l'Europe centrale et aux pays neufs, par l'intermédiaire de capitaux britanniques, d'ingénieurs britanniques, de dessinateurs britanniques, d'entrepreneurs britanniques utilisant des machines et même parfois des ouvriers britanniques ! Lorsque Decazes songe après sa chute du pouvoir à implanter un centre industriel à " Decazeville ", il commence par se rendre en Angleterre pour un séjour préalable d'étude. Un peu plus tard, c'est Alfred Krupp qui vient examiner sur place les procédés anglais de fabrication de l'acier. La supériorité technologique des Anglais durera jusque vers 1880, quoique dès le milieu du siècle elle soit déjà moins éclatante. De nouvelles nations industrielles entrent alors en lice. Non seulement la Grande-Bretagne perd son avance, mais à la fin du siècle elle commence à être distancée, tant pour les niveaux de production que pour les techniques de pointe, par les États-Unis et par l'Allemagne. En 1870, l'Angleterre produisait près des deux tiers du charbon mondial ; en 1913, elle n'en produit plus que le cinquième. En 1870, elle fournissait plus de la moitié de la fonte mondiale ; en 1974, la proportion est tombée à un huitième. Avec la deux...

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