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La renaissance et ses visages par V.

Publié le 05/04/2015

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La renaissance et ses visages par V.-L. Saulnier Professeur à la Sorbonne, Paris Nous qui portons lunettes, nous obtenons parfois le privilège de finir, à force de disputes, par ne plus rien comprendre à la Renaissance : jusqu'à ne plus croire qu'elle ait rien inventé. La Renaissance, elle, eut ce mérite, plus privilégié qu'on ne suppose, de se comprendre et de se définir. Elle sut qu'elle était la jeunesse d'un monde. Ni Michelet ni de moins grands n'ajouteront rien à cette admirable conscience ; pas plus qu'ils n'en sauraient ôter. Reprenons en mémoire ce vers, ce vers inouï du grand Ronsard, saluant, quand il repense au premier âge de la vie, la création des astres, premiers-nés d'une neuve aventure : Je vous salue, Enfants de la première nuit !... Il n'est pas nécessaire de se croire capable d'imaginer le moins du monde ce que put être l'apparition voulue des masses et des clartés, des trombes et des remous, des intrépidités et des vertiges, pour frémir un peu, devant ce vers, comme devant la révélation d'un prophète. Oui, devant de telles voix, l'âme - elle en a le droit - tremble et s'étonne. Enfantements de la nuit première... Ils donnèrent l'infini des corps épouvantables, qu'on pense aujourd'hui prévisibles. Enfants de la seconde clarté : c'est pour tels qu'ils se connurent, Rabelais ou Pétrarque, un fils du terroir comme Pierre de Ronsard, un perpétuel banni comme Etienne Dolet. Car les lettres de la Renaissance, si constamment soucieuses de se donner un art parfait, sont toujours avant tout une littérature de l'idée. La philologie elle-même n'est qu'un pilier de la sagesse. L'effort de la Renaissance est un phénomène global : une activité de l'esprit dans tous les domaines auxquels il accède, et la recherche d'un ordre dans la confusion, dont la littérature se fera toujours en quelque manière le compte rendu. La Renaissance est-elle un mythe ? On boude volontiers, depuis des dizaines d'années, en présence de ses prétentions ambitieuses. Vous avez cru tout inventer : la largeur de l'espace, les dimensions de l'homme, l'adroit respect où vous enfermez Dieu ; mais tout cela fut dit avant vous, dont nous sommes bien différents. Sur des conclusions de ce genre viendrait sans remords buter la science moderne. A tel réquisitoire, ni l'amant de Laure, ni l'architecte de Thélème - tellement moins savants que nous - ne sauraient rien répondre. Ceci, toutefois, peut déjà plaider. L'écolier anonyme du triomphant XXe siècle, que les merveilles médiévales ne savent toucher que comme d'imprévues féeries, des paternités incongrues (ce qui n'enlève rien à leur gloire, mais l'avoue seulement différente), se sent plus d'une fois vibrer d'un coeur nouveau, s'il lit les&...

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