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Le Moyen-Orient par Dominique Chevallier Maître de recherches au CNRS.

Publié le 05/04/2015

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Le Moyen-Orient par Dominique Chevallier Maître de recherches au CNRS. En 1799, Bonaparte avait audacieusement conduit ses meilleures troupes d'Égypte en Palestine pour éprouver devant Acre ce qu'était encore la résistance de l'Orient. En avril 1806, Napoléon Ier, par l'occupation de la Dalmatie, devenait voisin de l'Empire ottoman ; après son entrée à Berlin en octobre 1806, il s'adressa à son " très cher et parfait ami " le sultan Sélim III, mais avec le ton du vainqueur à l'égard d'un parent déchu quoique utile et majestueux, pour lui enjoindre de s'opposer avec son appui à la Russie. Les Ottomans pouvaient-ils se soutenir seuls ? En tolérant la présence de quelques artilleurs français à Constantinople pour en organiser la défense, Sélim III ne fit que renforcer la coalition conservatrice des oulémas et des janissaires qui déjà se dressaient contre son ambition de réformer l'armée et de fonder un " nouvel ordre ". Une rébellion militaire, légalisée par le grand mufti de la capitale, provoqua sa chute en mai 1807 ; il fut massacré l'année suivante. Mais qu'étaient la force et l'avenir de ceux qui, pour garder leurs privilèges, achevaient de ruiner le pouvoir au nom d'une fidélité à la grandeur passée et aux principes de l'Islam quand des troupes russes stationnaient en Moldavie et en Valachie, que les détroits trouvaient en d'autres leurs protecteurs, que de puissantes armées traversaient l'Europe où la Révolution se prolongeait dans l'éveil des peuples se regroupant en nations, espérant des constitutions et des libertés, créant des marchés ? L'Empire ottoman, masse toujours imposante, offrait aux convoitises des plus puissants et des plus entreprenants ses axes : le Bosphore et les Dardanelles, la Mésopotamie, la côte syro-méditerranéenne, l'isthme de Suez, où l'Europe, l'Asie et l'Afrique convergent et s'ouvrent mutuellement de nouveaux horizons ; ses terres, ses populations, ses ressources, ses points d'appui stratégiques et commerciaux, ses lieux saints ne pouvaient tomber dans n'importe quelle main, sous n'importe quelle influence. Selon l'esprit qui avait dominé le congrès de Vienne (1815), les grands États européens en firent une zone où ils cherchèrent à équilibrer leur puissance, mais sans y arrêter leurs interventions, suscitant en retour troubles et sursauts, provoquant une civilisation. Une telle situation, que les chancelleries européennes appelèrent " la question d'Orient ", se présenta aux Orientaux comme une " question d'Occident ". Des pachas ambitieux aux populations chrétiennes impatientes de secouer la domination turque, les provinces balkaniques se fissuraient ; les orthodoxes y regardaient vers la Russie que surveillaient l'Autriche, continentale, et l'Angleterre, maritime et industrielle. Ce fut avec un concours britannique, russe et français que les Grecs, qui s'étaient insurgés en 1821, finirent par obtenir leur indépendance en 1829. A défaut de ses bastions européens, où les Ottomans avaient si longtemps puisé hommes et approvisionnements, le sultan pouvait-il au moins s'appuyer sur ce môle que constituaient ses provinces de l'Asie occidentale et que prolongeait l'Égypte ? Là se trouvaient les grands foyers de l'Islam. L'action juridique du sultan, qui se justifiait par la Loi révélée, y restait le symbole et la garantie de l'unité de la civilisation que la communauté musulmane y avait étendue. Si les nomades, les montagnards, les factions urbaines défiaient des gouverneurs qui eux-mêmes intriguaient pour leur propre compte, l'impôt y était toujours perçu au nom du sultan grâce à la remarquable adaptation du système administratif ottoman aux institutions et aux structures sociales des populations. La Porte et ses représentants savaient également jouer de l'opposition des intérêts locaux pour maintenir le signe de l'autorité suprême. Bien que s'inscrivant dans la tradition de la pratique gouvernementale, cette politique n'en représentait pas moins un archaïsme, qui n'avait plus pour lui la justification de la force et de la justice ; elle n'était plus que le résultat d'une accumulation de faiblesses internes que soulignait, par exemple, la vitalité des particularismes dans les provinces arabes du Croissant fertile. Or, du coeur de l'Arabie qui n'était pas soumis au sultan, avait surgi une menace pour son autorité morale et sa souveraineté. Dès le milieu du XVIIIe siècle, Mohammad Ibn'Abd al-Wahhâb avait prêché dans les oasis du Najd un retour à la rigoureuse pureté de l'Islam sunnite contre les déviations dogmatiques et les superstitions populaires (si répandues dans les territoires ottomans) ; puis il avait conclu avec l'émir bédouin Mohammad Ibn Sa'ûd un pacte qui aboutit à la constitution d'un mouvement politique légitimé par le serment de faire régner la parole de Dieu. Les Wahhabites étaient animés d'une foi religieuse ardente qui leur permit de surmonter les divisions inhérentes à l'organisation sociale des Arabes ; sous la direction des princes saoudiens, ils s'emparèrent en 1801 de Karbalâ, où ils pillèrent le sanctuaire chi'ite, et en 1803 de La Mecque, bafouant par là le sultan qui portait le titre si prestigieux de serviteur de cette ville sainte. Ils n'étaient pas seulement entraînés par le flux des tribus nomades vers le nord qui submergeait, depuis un siècle déjà, les zones agricoles des pourtours syriens et irakiens ; ils rêvaient maintenant de restaurer un puissant empire musulman en regroupant l'ensemble des pays arabes. Présents du golfe Persique à la mer Rouge, détroussant les caravanes, contrôlant la route de la Syrie à Suez, ils menacèrent Damas et Bagdad. Ce furent les troupes du pacha d'Égypte, Méhémet Ali, qui, de 1811 à 1818, reprirent le Hedjaz et La Mecque au profit du sultan, et rejetèrent les Saoudiens à Riyad, d'où ils ne ressortirent qu'au XXe siècle avec le succès que l'on sait. Malgré cet échec de la conquête wahhabite, l'influence doctrinale de la prédication avait gagné les provinces arabes de l'Empire ottoman ; elle provoqua une vague d'intolérance musulmane à l'égard des minoritaires chrétiens et juifs, et surtout un courant intégriste insistant sur les valeurs du pur Islam primitif à un moment où la pression occidentale devenait de plus en plus sensible. A la faveur de cette affaire, une nouvelle ambition s'était révélée, celle de Méh&eacut...

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