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Le rationalisme du XVIIIe siècle par Jean Starobinski Professeur à l'Université Johns Hophins, Baltimore Ils se sont donné le nom de Philosophes.

Publié le 05/04/2015

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Le rationalisme du XVIIIe siècle par Jean Starobinski Professeur à l'Université Johns Hophins, Baltimore Ils se sont donné le nom de Philosophes. Ils ont considéré leur époque comme l'âge de la raison triomphante : " Il semble en général qu'on se soit donné le mot pour penser plus solidement qu'on n'avait fait pendant des milliers de siècles. " (Voltaire.) Mais faut-il croire que la philosophie naisse avec eux ? Certes non. Et pourtant quelque chose de nouveau (mais qui pointait depuis le XVe siècle) s'impose par leur fait : que l'homme, éclairé par les seules lumières de sa raison, ait un droit d'examen illimité sur toutes choses humaines ; qu'il n'ait à tenir compte que des vérités découvertes par son esprit, et non de celles que lui imposerait une Révélation divine. La vérité, qui existe pour l'homme, doit être entièrement conquise par lui. N'est vrai que ce qui peut être observé, démontré, calculé. N'est vrai que le vérifiable, quelle que soit la méthode de vérification que l'on préfère, quelle que soit la part respective du raisonnement et de l'expérience... L'homme est devenu majeur, dira Kant. Qu'attendent-ils de la raison ? Qu'elle étende les pouvoirs de l'homme ? Qu'elle déchiffre d'un seul coup les secrets de l'univers ? C'était l'ambition de Descartes. Mais les rationalistes du XVIIIe siècle écoutent de préférence la leçon de Locke. Leur souci est d'abord de restreindre la compétence de la raison, et de lui assigner son domaine propre, où elle peut décider légitimement. La philosophie des lumières rétrécit l'horizon métaphysique, et définit certaines limites au-delà desquelles il serait vain de s'aventurer. Sa métaphysique consiste à se passer de métaphysique, et à ne rien affirmer qui ne soit vérité physique. Nous avons accès aux faits, et non pas aux causes, sur lesquelles il est inutile de spéculer. Quand raisonner veut dire spéculer, on voit les apôtres de la raison se moquer des raisonneurs, et leur donner le triste visage de Pangloss. " Travaillons sans raisonner, dit Martin ; c'est le seul moyen de rendre la vie supportable. " Il faut donc " cultiver notre jardin ", et ce jardin n'est pas grand. Renonçons surtout à ces systèmes - Descartes, Leibniz - qui exercèrent une telle séduction sur les lecteurs du XVIIe siècle. L'esprit de système a trompé les hommes, qui ont cru pouvoir enserrer tous les phénomènes de l'univers dans les mailles de la pensée déductive, en partant de quelques idées premières. Il ne faut pas vouloir trop étreindre. A l'opposé de l'esprit de système, le véritable esprit systématique s'emploie à coordonner les phénomènes observés, à les réduire à des principes communs, à des lois simples. Il ne perd jamais le contact de l'expérience. Il fait la guerre aux préjugés, c'est-à-dire aux jugements anticipés qui décident des choses sans les avoir connues. Voici tout ce que demande la saine philosophie : que l'homme aille à la rencontre des faits, l'esprit libre, et résolu à ne tenir pour assuré que ce qu'il aura pu constater et mesurer. Les philosophes plaident d'abord (comme l'avait fait Montaigne) en faveur de l'humilité : peu de vérités sont accessibles, et le bon sens suffit à nous les faire connaître. Ils sont bien surpris lorsqu'on taxe d'orgueil leur révolte contre l'autorité de la religion. Ils se disent modestes ; ils ne savent rien des vérités dernières, car personne ne peut rien en savoir. L'orgueil et la présomption se trouvent bien plutôt chez leurs ennemis : ceux qui se prétendent détenteurs de la vraie religion, et se croient chargés de la défendre par le fer et par le feu. Ces fanatiques prennent pour vérité transcendante un dogme qui n'est en réalité rien d'autre que le produit de l'imagination humaine, ou, pis encore, l'instrument des vils intérêts d'une caste. Les simples fidèles, ainsi dupés, ne voient pas, ou feignent de ne pas voir que le surhumain est par définition inaccessible. Il faut donc leur dire et leur répéter que ce Livre, qu'ils prennent...

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