Devoir de Philosophie

LES MÉDIAS CONTRE LA CULTURE ?

Publié le 16/07/2012

Extrait du document

culture

L'intellectuel peut donc être défini comme une personnalité qui, disposant d'une certaine compétence dans un domaine essentiellement culturel, se sert de sa compétence et de sa notoriété, pour intervenir dans le débat public sur des problèmes d'intérêt général (la guerre, la peine de mort, le nucléaire, l'avortement, etc.) : c'est, pour reprendre l'expression de Pascal Oryl, un homme du culturel mis en situation d'homme du politique. Plus précisément encore, il se situe, comme l'avait montré dès 1955 Raymond Aron dans son livre L'opium des intellectuels, sur une double échelle de polarité : l'axe efficacité-culture et l'axe imitation-création. Plus on est proche de la création et de la culture, plus on a de chances d'être classé en tant qu'intellectuel et, inversement, plus on est proche de l'efficacité et de l'imitation, moins on a de chance d'appartenir au milieu. Et Raymond Aron de proposer une typologie des intellectuels qui mettait au premier rang les écrivains, les savants, les artistes ; au deuxième rang, les professeurs, les chercheurs, les critiques ; au troisième rang, les vulgarisateurs et les journalistes, et enfin au quatrième rang les praticiens, les juristes et les ingénieurs. Cette configuration intellectuelle des années 1945-1970 avec ses réseaux de mobilisation, ses chefs de file et ses canaux d'intervention clairement repérables, vole progressivement en éclats durant le dernier quart de siècle. Les raisons en sont multiples et on se bornera ici à les énumérer ; effondrement des idéologies (crise du marxisme notamment, du tiers-mondisme), dislocation des régimes du bloc soviétique, disparition des grandes figures (Jean-Paul Sartre, Michel Foucault, Roland Barthes, etc.), remise en cause du modèle universitaire traditionnel, mutations du monde de l'édition et... montée en puissance des médias audiovisuels. On s'attardera, pour notre propos, à ce dernier point tout en sachant qu'il ne constitue qu'un aspect (certes non négligeable) des mutations qu'a connues le milieu intellectuel français de ces dernières années2.

culture

« velles technologies de transmission se créent) alors que les contenus, ou software, se renouvellent sans cesse sur le marché.

Les industries culturelles sont donc desactivités industrielles qui produisent et commercialisent des discours, des images, des sons, des arts, selon des techniques de reproduction en série et qui peuvent sedécliner aujourd'hui suivant trois composantes : les industries de réseaux, les industries de matériels, et les industries de programmes. Les industries de réseaux fondées sur l'essor des télécommunications (réseaux de vidéotex, d'accès aux banques de données, réseaux câblés, satellites detélédiffusion, etc.) sont des éléments essentiels pour la diffusion des programmes et des données en tout genre.

Les industries de matériels pour une large partaudiovisuels et informa-tiques (d'enregistrement et de lecture) continuent à être l'objet d'une âpre concurrence entre firmes internationales alors que les industries deprogramme ont gagné en importance depuis quelques années grâce au multimédias, qui permet de produire des programmes culturels et informationnels totalementinédits et interactifs.

Dans la configuration industrielle de l'an 2000, prédominent indiscutablement les grands groupes de communication et les produits multimédias.Adorno et Horkheimer avaient, en un certain sens, vu juste : la culture est bien aujourd'hui une industrie en plein essor. B - La production des biens culturels Quels sont les traits caractéristiques de ces industries culturelles à l'heure actuelle ? Qui détient les grandes entreprises qui produisent les films, les livres, les disques,etc.

? La réponse à ces questions est indispensable si l'on veut pouvoir saisir avec quelque précision leur influence sur le contenu de la culture elle-même et sur lesrécepteurs en tant que tels.

Il faut donc se placer à un double niveau : économique d'abord en brossant un tableau rapide des grands changements intervenus cesderniers temps dans la production des biens culturels ; sociologique ensuite, en évaluant la consommation culturelle en France et son évolution récente2.

Dans lesdeux cas de figure, celui de la production et celui de la consommation, les médias jouent un rôle-clé.

Ils sont, en effet, devenus des instruments incontournables, desintermédiaires obligés entre d'un côté la fabrication des biens culturels (en amont), et de l'autre, leur utilisation par les consommateurs (en aval). Mieux encore : les médias appartiennent de plus en plus à de grands groupes de communication à échelle mondiale qui ne se contentent plus d'être de simplesmédiateurs, mais qui sont devenus des acteurs à part entière du processus de production des biens culturels.

Ces grands groupes de communication procèdentaujourd'hui à ce que les économistes appellent une « diversification verticale », c'est-à-dire qu'ils investissent en quelque sorte les deux bouts de la chaîne defabrication et de distribution des produits.

Un éditeur de journaux, par exemple, rachète des imprimeries et va chercher à contrôler leur diffusion en acquérant desmessageries de presse ; de même, une chaîne de télévision comme Canal+ va coproduire des Sur cette distinction entre trois types d'industries, se reporter à Bernard Miege, La société conquise par la communication, Grenoble, PUG, tome 1, 1989, et tome 2,1997.Le premier point sera traité dans le cadre de cette partie de chapitre ; le second point dans la troisième partie.

Dans l'entre-deux, on résumera la teneur des débatsdepuis un bon quart de siècle, à propos de l'émergence de la culture de masse (deuxième partie). films de cinéma et éditer des produits multimédia (CD Rom, cassettes du film, etc.).

On ne peut donc pas comprendre les débats autour du rapport entre médias etculture si l'on n'a pas, au préalable, pris conscience du poids économique des indus-tries culturelles.

Ce n'est qu'ensuite qu'on pourra saisir le comportement duconsommateur-récepteur.1 - Deux modèles président de nos jours à la production industrialisée de la culture : d'une part le « modèle éditorial » ; d'autre part le « modèle de flot ». Le modèle éditorial, en d'autres termes l'édition de marchandises culturelles telles que les livres, les disques, les vidéocassettes et les films en salles, se définit à partirde plusieurs critères.

Il s'agit d'abord, ainsi que le souligne Patrice Flichyl, de produits vendus sur un marché qui oblige les producteurs à étaler les risques grâce à laconfection d'un catalogue, d'un stock de produits.

La valorisation de ces derniers est ensuite très aléatoire : un livre peut, par exemple, devenir un best-seller oudisparaître en quelques semaines de la devanture d'un libraire sans que l'on puisse prévoir avec certitude son succès ou son échec.

Il en va de même pour un disque ouun film de cinéma.

D'où, troisième critère lié au précédent : la durée de vie très variable de ces produits.

Existence d'un catalogue, valorisation aléatoire, durée de vieplus ou moins éphémère, vente à l'unité à des consommateurs individuels, mais aussi rémunération des intervenants par le système des droits d'auteurs : tels sont lesprincipaux facteurs qui favorisent l'implantation de quelques oligopoles (avec, à côté, quelques entreprises petites ou moyennes) dans le secteur de l'édition desmarchandises culturelles. A l'opposé, le modèle de flot, apparu avec le développement dans les années 1920 des stations de radio, se caractérise d'abord par une diffusion de masse, ensuite parl'obsolescence des produits (ils sont consommés au moment de leur diffusion), enfin par la continuité de la programmation (il est nécessaire de les renouveler enpermanence et sans faille).

Leur financement, contrairement au cas du « modèle éditorial », peut être assuré tantôt par l'État (radio-télévision), tantôt par la publicité.Enfin, les différents intervenants sont plutôt soumis au régime du salariat que du droit d'auteur.

Les journaux, la radio et la télévision appartiennent à ce modèle de laculture de flot dans lequel quelques oligopoles ou PMI dominent le marché. De plus en plus d'ailleurs, les deux modèles tendent à se rapprocher en raison notamment, à la télévision, du principe de la multidiffusion de certains programmes surles réseaux câblés et les bouquets numériques.

Du coup, les produits destinés à être consommés sur le moment, sont réutilisés sur d'autres créneaux horaires oud'autres supports : leur durée de vie s'en trouve donc modifiée.

Le recours de plus en plus systématique aux techniques de marketing comme moyen de réduire lecaractère aléatoire des produits culturels modifie lui aussi la donne : la culture se vend de plus en plus en fonction de critères de rentabilité, d'efficacité et destratégies de promotion très élaborées. 2 - La concentration et la mondialisation.

Plusieurs phénomènes concourent aujourd'hui à l'industrialisation de la production culturelle, en particulier la tendance deplus en plus forte à la concentration du secteur et l'extension du marché à l'ensemble de la planète, autrement dit la mondialisation de ce même secteur. 1.

Patrice Flichy, Les industries de l'imaginaire.

Pour une analyse économique des médias, Grenoble, PUG, 1991. Les mouvements de concentration ne cessent d'alimenter la chronique des journaux ces dernières années : on ne compte plus les rachats, les rapprochements et lesalliances dans le domaine de la presse et de l'audiovisuel : les producteurs de journaux, de programmes, de films, de livres, de disques sont en fait de véritablesmultinationales de la communication qui combinent des métiers jusque-là indépendants et qui se livrent à une concurrence acharnée pour engranger des données, desprogrammes sonores et virtuels, des textes, et pour fournir ainsi en contenus les médias de tous les pays.

Ce sont les pays industrialisés du triangle Amérique duNord-Europe-Asie qui exercent à l'heure actuelle une hégémonie sur la production des biens culturels et qui gèrent le flux d'échanges dans ce domaine, créant ainsiune inégalité criante entre pays riches et pays pauvres.

C'est la raison pour laquelle le terme de « mondialisation » est quelque peu impropre dans la mesure où larépartition des biens culturels industrialisés n'est pas unifiée : les disparités entre pays subsistent.

Quoi qu'il en soit, concentration et mondialisation touchent aussibien les frontières géographiques du secteur que les contours des marchés : elles aboutissent à une dynamique de convergence (numérisation du signal) entrel'audiovisuel, les télécommunications et l'informatique et à la constitution d'un marché géant, décloisonné, à vocation planétaire. A preuve la redistribution des cartes à laquelle on assiste au plan mondial depuis quelque temps : les grands groupes de communication jouent sur tous les tableaux ettentent d'obtenir une suprématie incontestée en maîtrisant toutes les formes de production et même de diffusion de la culture.

Le paysage actuel est si mouvant qu'il. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles