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Quelques maîtres du XXe siècle par Raymond Queneau de l'Académie Goncourt Après avoir

Publié le 05/04/2015

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Quelques maîtres du XXe siècle par Raymond Queneau de l'Académie Goncourt Après avoir en fort peu de temps - deux petits siècles - accompli une brillante carrière, qui, de genre mineur et méprisé, le mena jusqu'à la suprématie et presque l'exclusivité, le roman, après 1900, marqua quelques signes de lassitude. On ne s'inquiétait pas encore, mais déjà Valéry avait du proférer son anathème contre les phrases " romanesques " telles que la marquise sortit à cinq heures. Quelqu'un cependant se penchait sur les difficultés que présentaient l'art du roman et la survivance du genre, et c'est pourquoi Henry James figure dans ce chapitre, bien que toute une partie de son oeuvre appartienne aux derniers jours, encore paisibles, de l'époque victorienne. Il a été le premier à se poser des questions de technique qui mettaient en cause l'existence même du roman. Car, avant lui, bien des romanciers eurent des préoccupations de métier, mais elles étaient d'ordre artisanal : Marivaux, Balzac, Stendhal, Dickens ont une foi en quelque sorte naïve dans leur moyen d'expression. Le premier qui ait pratiqué le doute méthodique à l'égard de son art même fut Flaubert, et il a été effectivement le maître - et le maître aimé - non seulement de James, mais aussi de Proust, de Stein, de Joyce. C'est à propos de Flaubert que Proust a écrit quelques-unes de ses meilleures pages de critique ; c'est en voulant traduire Trois Contes que Gertrude Stein trouva l'inspiration de ses Trois Vies, et Dubliners est un des échos les plus profonds de l'influence de Flaubert sur le monde anglo-saxon (influence parfois indirecte à travers celle de Maupassant) ; et la Correspondance de Flaubert fut, pendant des années, l'autre bible d'André Gide. La recherche de James aboutit à la notion de " roman pur ", selon l'expression de Régis Michaud. Ses préoccupations de technique, il les a maintes fois exprimées soit dans des articles ou des essais, soit surtout dans ses préfaces. Ce n'est d'ailleurs pas seulement par là qu'il est un " maître du XXe siècle ". C'est aussi parce qu'il a trouvé, sans les chercher peut-être, des sujets particulièrement valables pour ce siècle. Je dis " sans les chercher peut-être ", car nul n'a été moins engagé que James. Dans une polémique célèbre (à l'époque) avec Besant, il s'éleva avec force - et dans la meilleure tradition flaubertienne - contre l'obligation que l'on voulait imposer au romancier de démontrer une thèse ou de défendre une morale. " Seules, disait-il, comptent les questions de technique. " Cependant, il est bien vrai que le roman même " pur " ne peut être abstrait tout à fait du " sujet ", surtout à l'époque de James. Or ses " plots ", il les trouva principalement dans la " vie internationale ", et il traita à plusieurs reprises le thème de l'Américain en Europe. Lui-même, Américain de naissance, vécut en Angleterre et finit par se faire naturaliser anglais, tout comme T.S Eliot après lui. Il faut souligner ce caractère commun à tous les " maîtres du XXe siècle " étudiés dans ce chapitre, leur caractère apatride. Stein et Joyce passèrent également toute leur vie loin de leur pays natal. Gide fut un errant. Quant à Proust et Kafka, il n'est pas exagéré de dire qu'ils furent exilés sur place, s'entourant d'un système de défense raffiné, fait dans les deux cas de politesse et d'humour. Et quoique tous se situent fort loin de tout " nationalisme " (même dans le cas de Stein), tous sont des représentants, incontestables et parfois obsédés, de leurs pays d'origine. Géographiquement ou moralement, tous ont eu des existences d'exilés, de personnes déplacées - eux, volontairement - et cela, souvent grâce à leur fortune personnelle (seuls, Kafka et Joyce eurent une existence financière difficile). Cette aisance (financière) a parfois été reprochée à James, comme à Proust, et particulièrement en raison de l'incidence qu'elle a pu avoir sur le choix de leurs sujets. A vrai dire, le niveau mondain de la plupart des personnages de James et des milieux dans lesquels il les situe, n'est d'aucun handicap quant à la valeur réelle et toujours actuelle de son oeuvre. L'objection n'a d'ailleurs - et assez curieusement - pas plus de portée lorsqu'on la dirige contre Proust. Cette aristocratie pourrissante, ces insignifiances salonnardes, cette société factice en pleine désagrégation, c'est cependant l'image de tout un monde qui se croit - - quoi ? libéral ? bourgeois ? démocrate ? Et pourtant c'est ce monde-là (bourgeois et démocrate) qui a fait le succès de James et de Proust de qui la gloire dépasse de beaucoup la notoriété d'auteurs à motifs plus " réalistes ". Évidemment ce n'est pas parce que Proust a choisi ses personnages dans un monde en c...
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