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24 La pensée du Grand Siècle Nous sommes encore au temps du grand Louis.

Publié le 06/01/2014

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24 La pensée du Grand Siècle Nous sommes encore au temps du grand Louis. Comment ne pas parler de ceux qui, dans nos mémoires, forment sa suite extraordinaire ? « Perchée sur la racine de la bruyère, la corneille boit l'eau de la fontaine Molière », marmonnait-on jadis dans les écoles pour être sûr de n'en oublier aucun, ce qui permettait d'en oublier autant au passage. Racine, La Bruyère, Corneille, Boileau, La Fontaine et Molière, donc, mais encore Bossuet et ses sermons, La Rochefoucauld et ses maximes, Mme de Sévigné et ses lettres. Le xviie est grand par le renom du puissant monarque qui l'a dominé, il l'est aussi par celui des architectes (Le Vau, après avoir bâti Vaux-le-Vicomte, le superbe château de Fouquet, s'attelle à Versailles), des jardiniers paysagistes (Le Nôtre), des peintres (Charles Le Brun) et surtout de tous ceux que l'on vient de présenter, nos hommes de lettres, nos chers classiques. Repères - 1673 : mort de Molière - 1677 : Phèdre de Racine - 1680 : querelle des Anciens et des Modernes - 1684-1687 : - 1685 : Nouvelles de la république des lettres Histoire critique du vieux testament de Pierre Bayle de Richard Simon - 1710 : destruction de l'abbaye de Port-Royal, bastion du jansénisme Des baroques aux classiques Nous étions retournés à l'école. Restons-y un instant pour revoir la structure de la vie littéraire au xviie, comme on l'apprend en classe de première. En général, on oppose les deux moitiés du siècle : la première est jugée baroque, du nom de ce grand mouvement artistique né dans la Rome des papes, à la fin du xvie. Elle aime le mouvement, la ligne courbe, le foisonnant, l'alambiqué parfois. Elle pourrait nous ramener chez les joyeux poètes libertins dont nous avons parlé déjà. Nous faire rire à gorge déployée avec les audaces parfois triviales de l'irrésistible Scarron, auteur du Roman comique. Et tout aussi bien nous conduire au pays du raffinement le plus soigné, dans la chambre bleue de l'hôtel de Rambouillet, à Paris, ou chez Madeleine de Scudéry. Ces élégantes qui tiennent salon veulent mettre fin aux excès de la violence masculine. Elles aiment le langage policé à l'extrême, l'amour tel qu'il court sur les routes dessinées de la « Carte du tendre », et les vers délicats du poète Vincent Voiture. Ce sont les Précieuses. Avec le second xviie, celui de notre Grand Roi, arrive donc notre siècle classique : désormais doit régner l'ordre, le sentiment vrai, élevé et pur, et partout la ligne droite, comme dans un de ces beaux jardins à la française qui feront la gloire de Le Nôtre. Tout doit être clair et tenu, et les mouvements du coeur, les passions ne s'entendent plus que sublimés par les alexandrins que disent de lointains héros antiques, dans les grandes tragédies. Les divisions sont toujours factices. Cent spécialistes s'insurgeront sans doute contre celle que nous venons d'établir. Le classicisme pointait sous le baroque, diront-ils, et inversement. Dès les temps de Richelieu, les tragédies en règle de Corneille, les vers austères de Malherbe, annonçaient un style qui n'a jamais fait non plus disparaître le précédent. Qu'importe. Contentons-nous de prendre une chronologie d'histoire littéraire et faisons le compte de ce que l'on y déniche durant le début du règne effectif de Louis XIV, entre 1660 et 1680. Vous êtes prêts ? L'École des femmes, Dom Juan, Le Misanthrope, L'Avare, Les Femmes savantes, Le Bourgeois gentilhomme, Le Malade imaginaire de Molière ; Andromaque, Britannicus, Bérénice, Phèdre de Racine ; Suréna, dernier sursaut du très vieux Corneille ; Les Maximes de La Rochefoucauld ; les Fables de La Fontaine (presque toutes) ; La Princesse de Clèves de Mme de Lafayette, et avec ça une des plus grandes des célèbres oraisons funèbres de Bossuet, celle qu'il prononça pour enterrer Henriette d'Angleterre, la première femme du frère du roi (« Madame se meurt, Madame est morte ! »). Quelle moisson ! En vingt ans seulement, on a déjà la moitié du programme du bac français pour les trois siècles à venir ! En deux décennies, autant de chefs-d'oeuvre appelés depuis à faire bâiller d'ennui des générations d'élèves, et se pâmer d'admiration les mêmes parmi eux qui, devenus adultes, se décident un jour à les relire. Loin de nous l'idée de dénier leur génie à ces idoles de notre Panthéon. « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue... » Quoi de plus beau que le vers racinien ? Quoi de plus savoureux que la verve de Molière, quoi de plus précis, de plus élégant que la langue de Boileau ? Combien de fois, encore, en écrivant ce livre, ne s'est-on répété le fameux adage de son Art poétique, formule souveraine pour tenter de coucher sur le papier une idée embrouillée dans l'esprit : « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement / Et les mots pour le dire arrivent aisément... » Les classiques furent célèbres de leur vivant et encensés dès leur mort. « Ce temps ne se retrouvera plus, où un duc de La Rochefoucauld, l'auteur des Maximes, au sortir de la conversation d'un Pascal et d'un Arnaud, allait au théâtre de Corneille », écrit Voltaire ému dans Le Siècle de Louis XIV après avoir cité Racine, Molière, Lully, Bossuet, témoignant au passage d'une maladie décidément éternelle : la nostalgie d'un âge d'or. Voltaire regrette le temps d'avant. Combien sont ceux qui, dès sa mort, regretteront son temps à lui ? « La chose la plus précieuse, ma gloire » Nous sommes néanmoins dans un livre d'histoire, et on ne saurait oublier une des lorgnettes qui est la nôtre : la politique. Voilà un point frappant où l'on veut arriver, car il est trop rarement mentionné en tant que tel. Tous ceux que l'on vient de citer étaient des génies, mais des génies qui ne travaillèrent que dans un sens, que vers un seul but, toujours le même, le renom du monarque. Ne faisons pas d'anachronisme. Le fait pour un artiste de se mettre au service d'un mécène n'est pas nouveau et n'a rien de très original : c'est le seul moyen de gagner sa vie, l'édition est misérable et le droit d'auteur n'existe pas. Par ailleurs, nous ne sommes pas en Corée du Nord, il ne s'agit pour personne d'avoir à ânonner des vers de pacotille devant un dictateur gâteux, en ayant dans le dos le revolver du chef de la police politique. À l'époque, le roi est tout, nul n'imagine une autre image de l'autorité. Chanter ses louanges paraît aussi naturel que de louer la patrie en 1914, ou de se dire le défenseur obstiné des libertés démocratiques aujourd'hui. Ne négligeons pas le fait pour autant, il nous offre une mise en perspective intéressante. Depuis Voltaire, dont nous parlions, ou bien plus tard Hugo ou Zola, nous nous sommes fait à l'idée qu'un penseur devait forcément penser contre le pouvoir. Il est bon de se souvenir que tous ceux qui précédèrent ont été, à son endroit, d'une déférence jamais prise en défaut. Il est vrai que le pouvoir y mettait les moyens. L'historien Alain Viala1 nous explique le système de pensions que Colbert tint à élaborer dès son arrivée aux commandes, en s'appuyant sur Chapelain, un écrivain du temps oublié aujourd'hui mais très courtisé à l'époque : c'est lui qui tenait la liste de tous ceux qui auraient le bonheur de toucher de l'argent (pas énormément d'ailleurs) pour mettre leur grand talent au service de la haute renommée du prince. Pas grand monde ne manquera à l'appel et tous viendront se mettre en ligne chaque année, nous raconte l'historien, à la distribution du prix : une petite bourse en cuir brodé remise en présence même du souverain. Il est vrai aussi que celui-là, commanditaire suprême, n'a jamais caché à quiconque le sujet qui l'intéressait le plus. Un autre spécialiste, François Lebrun2, cite cette phrase de Louis XIV, prononcée sans la moindre ironie lors de la création de l'« académie des Inscriptions » - c'est-à-dire celle à qui revient la noble tâche d'établir les compliments sur lui à écrire au fronton des bâtiments publics : « Vous pouvez, messieurs, juger de l'estime que je fais de vous puisque je vous confie la chose du monde qui m'est la plus précieuse, qui est ma gloire. » Personne n'oublie la leçon. Dans les dédicaces de leurs pièces, leurs poèmes de commande, leurs oeuvres de circonstance, les plus méconnus comme les plus grands y vont de leur flatterie au mètre : « Tous les mots de la langue, toutes les syllabes nous paraissent précieuses parce que nous les regardons comme autant d'instruments qui doivent servir à la gloire de notre illustre Protecteur. » Ça ne vaut pas les alexandrins d'Athalie, et pourtant c'est encore du Racine. Et Boileau, si sarcastique dans ses satires, voyez à quoi il descend : « Muses, dictez sa Gloire à tous vos nourrissons. » Même dans les querelles, on arrive encore à se concentrer sur un seul sujet, le roi. La plus célèbre est celle qui, à la fin des années 1680, oppose ceux que l'on appelle « les Anciens » à ceux que l'on nomme « les Modernes ». On se souvient peut-être des tenants de la polémique. Les Anciens, avec Boileau, posent que tout ce qui se fait de beau ne peut l'être que dans l'imitation de l'Antiquité, puisqu'elle a créé des modèles esthétiques indépassables. Les Modernes, derrière Charles Perrault (l'auteur des Contes), tiennent que l'époque est bien assez grande pour créer un art qui vaut celui d'Homère ou de Pindare, puisque son prince égale largement Auguste ou Périclès. On a oublié sans doute ce qui en fut l'origine : un texte écrit par le même Perrault pour chanter la guérison du roi, après un épisode décidément fondamental, l'opération de la fameuse fistule. Parfois le dur métier de courtisan littéraire prend des tours comiques. Ainsi les mésaventures de nos Racine et Boileau, lorsqu'ils furent nommés « historiographes du roi », c'est-à-dire chargés de tenir la chronique du règne. Les deux sont hommes de plume, pas du tout d'épée. Ils pensent pouvoir se contenter d'honorer leur charge devant un encrier, bien au chaud sous les lambris d'une bibliothèque. Hélas, le roi est d'un autre avis. Revenu d'une campagne où il ne les a pas vus, il l'exige désormais : ils doivent « être témoins des choses qu'ils auront à écrire ». Les voilà transformés en « correspondants de guerre », selon le mot de René et Suzanne Pillorget3 qui racontent, non sans drôlerie, les mésaventures de nos deux plumitifs effarés d'avoir à affronter des horreurs auxquelles l'intense pratique de la rime et de l'hémistiche ne les avait pas habitués : voyager, monter à cheval, camper devant les villes assiégées, suivre des batailles au son du canon. Scrupuleux mais prudents, ils le feront de loin, derrière une lunette. Répétons-le, il ne s'agit pas de se perdre dans des jugements hâtifs, dénués de tout sens historique. On ne cherche nullement à faire croire que nos grands auteurs ne furent rien d'autre que d'obséquieux valets. On en sait même qui ne le furent jamais : ainsi l'admirable La Fontaine, qui devait tout à son premier protecteur, Fouquet, et lui resta fidèle malgré sa terrible disgrâce. On peut le reconnaître toutefois : vu sous ce seul prisme politique, le système soigneusement mis en place par Louis XIV est un brin étouffant. On prendra donc garde d'oublier, enfin, les quelques-uns qui réussirent à s'en échapper. Port-Royal et le jansénisme Glissons ici un mot d'une des dissidences les plus célèbres du xviie siècle : le jansénisme. La doctrine tire son nom de celui qui l'a inventée, Jansen ou Jansenius, un évêque d'Ypres du début du xviie, inspiré par saint Augustin. Elle porte sur des points théologiques qui aujourd'hui paraîtront d'une grande abstraction. Ils rejoignent ceux que l'on a croisés déjà dans le chapitre sur les débuts du protestantisme et les premières interrogations de Luther et Calvin : un homme peut-il mériter son paradis par ses oeuvres, ou la prédestination a-t-elle tout conclu par avance ? Jansen tire résolument du côté de la deuxième proposition : l'homme ne peut rien, sa grâce est tout et elle n'est qu'à Dieu. À l'époque, ces questions semblaient fondamentales à beaucoup. Le mouvement se répand en France, en particulier auprès d'une famille très influente, les Arnaud. Et trouve bientôt un bastion, l'abbaye des religieuses de Port-Royal, dont une des maisons est dans la vallée de Chevreuse, dans les Yvelines, et l'autre à Paris. De nombreux grands décident de se retirer du monde pour vivre non loin de l'une ou de l'autre, soit à Paris, soit « aux champs » : ce sont les « solitaires ». Les jansénistes ont de grands ennemis, les Jésuites. Ils les haïssent parce qu'ils jugent leur morale trop laxiste : avec leur casuistique (c'est-à-dire l'étude d'un cas particulier à la lumière de principes moraux), n'arrivent-ils pas à trouver les arguments les plus alambiqués pour donner l'absolution à tout le monde, et surtout aux puissants ? Bientôt, les amis de Jansen trouvent un propagandiste de talent, Blaise Pascal, qui les ridiculise. Il exécute ces pauvres Jésuites sous le feu de son ironie dans les Provinciales. Puissant dès les années 1640, le jansénisme précède le début de l'absolutisme louis-quatorzien et sa première condamnation officielle ne vient pas de Versailles, mais de Rome. Alerté par des théologiens parisiens, le pape donne son premier coup de crosse en 1653 et condamne cinq des propositions de Jansenius. Les jansénistes deviennent casuistes à leur tour : ils estiment que les propositions condamnées ne concernent pas leur doctrine. Voilà la polémique relancée. Elle ne s'arrêtera pas de sitôt. Les amis de Port-Royal continueront de faire des adeptes et Louis XIV devra s'y mettre de toute force pour en finir avec ces intransigeants qui osent mépriser le monde : en 1710, il ordonne enfin l'expulsion des dernières religieuses et la destruction de l'abbaye. On a du mal à imaginer aujourd'hui la puissance de ces querelles théologiques. Des évêques, des membres du Parlement, Jean Racine, seront tentés par le jansénisme. Bien après la fin de Port-Royal, son influence continuera à courir les milieux les plus divers et on en sentira encore les effets à l'époque de la Révolution. Son austérité, par certains côtés, pousse à un puritanisme absurde. Quand on entre dans une église trop belle, il faut fermer les yeux de peur d'être distrait dans sa prière... Mais cette même austérité représente aussi une forme de résistance à l'époque. Les jansénistes placent leur conscience et Dieu au-dessus de tout. À l'époque du Roi-Soleil, c'est déjà une façon de refuser l'ordre du monde. Deux esprits libres : Pierre Bayle et Richard Simon N'oublions pas enfin certains esprits qui, par la liberté dont ils font montre, ouvrent des fenêtres sur le siècle suivant, celui des Lumières. Là encore, le propos dépasse un seul règne. Dès la première moitié du siècle, Descartes, en usant du doute méthodique pour éclairer toute chose, pose les bases de la pensée rationnelle. La Sorbonne ne s'y trompe pas, qui fera interdire l'enseignement du cartésianisme, ce poison pour les consciences chrétiennes. Citons d'autres noms moins connus : celui de Pierre Bayle, par exemple (né en Ariège en 1647, mort à Rotterdam en 1706). Fils d'un petit pasteur protestant, il passe au catholicisme, revient à sa foi première, évolue ensuite vers une sorte de scepticisme. Il passe par Genève, enseigne à Sedan puis se fixe à Rotterdam où il est professeur. Dans Pensées diverses sur la comète, il met à bas méthodiquement et avec ironie la superstition communément admise qui voudrait que le passage d'un tel astre annonce des catastrophes. Il y glisse au passage
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« plus élégant quelalangue deBoileau ? Combiendefois, encore, enécrivant celivre, nes’est-on répétélefameux adage deson Art poétique , formule souveraine pourtenter decoucher surlepapier uneidée embrouillée dans l’esprit : « Cequel’onconçoit biens’énonce clairement /Et les mots pourledire arrivent aisément… » Les classiques furentcélèbres deleur vivant etencensés dèsleur mort.

« Cetemps neseretrouvera plus,oùun duc deLaRochefoucauld, l’auteurdes Maximes , au sortir delaconversation d’unPascal etd’un Arnaud, allaitau théâtre deCorneille », écritVoltaire émudans Le Siècle deLouis XIV après avoircitéRacine, Molière, Lully, Bossuet, témoignant aupassage d’unemaladie décidément éternelle :lanostalgie d’unâged’or.

Voltaire regrette le temps d’avant.

Combien sontceux qui,dèssamort, regretteront sontemps àlui ? « La chose laplus précieuse, magloire » Nous sommes néanmoins dansunlivre d’histoire, eton nesaurait oublier unedeslorgnettes quiestlanôtre : la politique.

Voilàunpoint frappant oùl’on veut arriver, carilest trop rarement mentionné entant quetel.Tous ceux quel’onvient deciter étaient desgénies, maisdesgénies quinetravaillèrent quedans unsens, quevers un seul but,toujours lemême, lerenom dumonarque.

Nefaisons pasd’anachronisme.

Lefait pour unartiste dese mettre auservice d’unmécène n’estpasnouveau etn’a rien detrès original : c’estleseul moyen degagner savie, l’édition estmisérable etledroit d’auteur n’existepas.Parailleurs, nousnesommes pasenCorée duNord, ilne s’agit pourpersonne d’avoiràânonner desvers depacotille devantundictateur gâteux,enayant dansledos le revolver duchef delapolice politique.

Àl’époque, leroi est tout, nuln’imagine uneautre image del’autorité. Chanter seslouanges paraîtaussinaturel quedelouer lapatrie en1914, oudesedire ledéfenseur obstinédes libertés démocratiques aujourd’hui.Nenégligeons paslefait pour autant, ilnous offre unemise enperspective intéressante.

DepuisVoltaire, dontnous parlions, oubien plustard Hugo ouZola, nous nous sommes faitàl’idée qu’un penseur devaitforcément pensercontrelepouvoir.

Ilest bon desesouvenir quetous ceux quiprécédèrent ont été, àson endroit, d’unedéférence jamaispriseendéfaut. Il est vrai que lepouvoir ymettait lesmoyens.

L’historien AlainViala 1 nous explique lesystème depensions que Colbert tintàélaborer dèsson arrivée auxcommandes, ens’appuyant surChapelain, unécrivain dutemps oublié aujourd’hui maistrèscourtisé àl’époque : c’estluiqui tenait laliste detous ceux quiauraient lebonheur de toucher del’argent (pasénormément d’ailleurs)pourmettre leurgrand talent auservice delahaute renommée du prince.

Pasgrand monde nemanquera àl’appel ettous viendront semettre enligne chaque année,nous raconte l’historien, àla distribution duprix : unepetite bourse encuir brodé remise enprésence mêmedu souverain. Il est vrai aussi quecelui-là, commanditaire suprême,n’ajamais cachéàquiconque lesujet quil’intéressait leplus. Un autre spécialiste, FrançoisLebrun 2 , cite cette phrase deLouis XIV, prononcée sanslamoindre ironielorsdela création del’« académie desInscriptions » –c’est-à-dire celleàqui revient lanoble tâched’établir lescompliments sur luiàécrire aufronton desbâtiments publics :« Vouspouvez, messieurs, jugerdel’estime quejefais devous puisque jevous confie lachose dumonde quim’est laplus précieuse, quiestma gloire. » Personne n’oublielaleçon.

Danslesdédicaces deleurs pièces, leurspoèmes decommande, leursœuvres de circonstance, lesplus méconnus commelesplus grands yvont deleur flatterie aumètre : « Touslesmots dela langue, touteslessyllabes nousparaissent précieuses parcequenous lesregardons commeautantd’instruments qui doivent serviràla gloire denotre illustre Protecteur. » Çane vaut paslesalexandrins d’ Athalie , et pourtant c’est encore duRacine.

EtBoileau, sisarcastique danssessatires, voyezàquoi ildescend : « Muses,dictezsa Gloire àtous vosnourrissons. » Même danslesquerelles, onarrive encore àse concentrer surunseul sujet, leroi.

Laplus célèbre estcelle qui,àla fin des années 1680,oppose ceuxquel’onappelle « lesAnciens » àceux quel’onnomme « lesModernes ».

Onse souvient peut-être destenants delapolémique.

LesAnciens, avecBoileau, posentquetout cequi sefait debeau ne peut l’être quedans l’imitation del’Antiquité, puisqu’elleacréé desmodèles esthétiques indépassables.

Les Modernes, derrièreCharlesPerrault (l’auteur des Contes ), tiennent quel’époque estbien assez grande pour créer unart qui vaut celui d’Homère oudePindare, puisquesonprince égalelargement AugusteouPériclès.

Ona oublié sansdoute cequi enfut l’origine : untexte écritparlemême Perrault pourchanter laguérison duroi, après un épisode décidément fondamental , l’opération delafameuse fistule. Parfois ledur métier decourtisan littéraireprenddestours comiques.

Ainsilesmésaventures denos Racine et Boileau, lorsqu’ils furentnommés « historiographes duroi », c’est-à-dire chargésdetenir lachronique durègne. Les deux sonthommes deplume, pasdutout d’épée.

Ilspensent pouvoirsecontenter d’honorer leurcharge devant unencrier, bienauchaud sousleslambris d’unebibliothèque.

Hélas,leroi est d’un autre avis.Revenu d’une campagne oùilne les apas vus, ill’exige désormais : ilsdoivent « êtretémoins deschoses qu’ilsauront à. »

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