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27 Dans son garage, torse nu face au miroir du lavabo, Eddy massa rapidement son épaule avec une crème apaisante.

Publié le 06/01/2014

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27 Dans son garage, torse nu face au miroir du lavabo, Eddy massa rapidement son épaule avec une crème apaisante. La rougeur, très vive, n'évoluerait pas en un gros hématome. En revanche, sa bagarre avec l'amazone avait laissé des traces. Il avait dû placer lui-même des points sur son arcade sourcillière, et son nez avait pris une teinte violacée. Il changea de tenue sans perdre un instant et s'empara du sandwich qu'il s'était préparé. Tout en mordant dans le pain croustillant, il sortit d'une armoire métallique des outils, partit en chercher d'autres dans l'abri de jardin, et chargea ce matériel au fond du coffre de sa voiture. Il y positionna ensuite une grande bâche en plastique. Sa montre indiquait douze heures cinquante. Il déverrouilla la porte de son labo et retrouva l'odeur mentholée qu'il aimait y répandre. Les cheveux de la cavalière pendaient le long de la table sur laquelle il l'avait allongée la veille, en position foetale, avant qu'elle ne soit rigidifiée par la mort. La femme était menue, son cadavre léger, mais loger ce dernier dans le coffre lui prit un moment. Les amortisseurs s'affaissèrent à peine. * Le long d'un tas de bois coupé et empilé, un homme débouchait une bouteille de corbières tiède et râpeux, qu'il avait chapardée près des tronçonneuses. La première rasade le fit tousser à plusieurs reprises, il secoua la tête et s'essuya la bouche d'un revers de manche. L'homme portait sur lui des vêtements qui n'étaient pas de saison, pantalon de velours, manteau d'hiver et, dessous, des couches de chandail et polos qui devaient le garder dans une étuve. Mais Raymond, comme l'appelaient ses potes et les bénévoles qui venaient en aide aux sans-abri, se trimballait avec son vestiaire sur les épaules. Il peigna sa barbe hirsute et grisonnante de ses ongles terreux avant de s'enfiler une nouvelle gorgée. Il avait atterri là une quinzaine de jours plus tôt. Alors qu'il faisait la manche devant une supérette, à Rambouillet, trois solides gaillards en étaient sortis avec des sacs pleins de victuailles et de bouteilles. Raymond avait saisi quelques bribes de leur conversation, et il avait décidé de les suivre. C'était des bûcherons qui travaillaient dans la forêt toute proche. Il avait tourné un peu avant de repérer le campement. Il pouvait picoler à l'oeil et sans être dérangé quand les gars étaient absents. Assis dans les bruyères, le dos contre des rondins, Raymond ne tarda pas à somnoler. Un ronronnement de moteur lui fit entrouvrir les paupières. Une voiture s'était engagée dans le sentier forestier qui longeait le taillis où il avait pris ses aises. L'esprit confus, il essaya de se relever en prenant appui sur ses coudes. La voiture s'était arrêtée à proximité. Il rampa comme il put vers des fougères. Pas envie de se faire déloger par l'intrus. De sa cache, il finit par distinguer une silhouette à une cinquantaine de mètres de lui. Il plissa les yeux pour mieux l'apercevoir. Il n'avait pas la berlue, ce type avait une pelle à la main et s'était mis à creuser un trou. Raymond se dit qu'il valait mieux ne pas chercher à en savoir davantage. Ça devenait louche. Il se recroquevilla plus encore à l'abri des feuillages et sombra derechef dans son sommeil éthylique. Quand il reprit conscience, les ombres du soir commençaient à s'étendre dans le sous-bois. Il était temps de regagner la route pour rejoindre la civilisation. Mais le souvenir de l'homme à la pelle lui revint. D'une démarche encore mal assurée, il s'approcha de l'endroit où se tenait l'individu quelques heures plus tôt. Il n'y avait plus personne. Qui sait si le gars n'était pas venu planquer son butin, voire une valise bourrée de biftons ? Raymond entreprit de chercher à tâtons, remuant la terre et les feuilles mortes qui tapissaient le sol. Il se sentit bientôt ridicule. Ça ne donnerait rien. Peut-être même qu'il l'avait rêvé, ce type. Il se releva pour aller soulager sa vessie contre un arbre. Pendant qu'il arrosait abondamment l'écorce, son esprit s'activa de plus belle. S'il avait du matos à mettre au frais, il ne le mettrait pas n'importe où... Il referma sa braguette et repartit fureter tout en se curant les dents avec une aiguille de pin. Un entassement de feuillages sur un talus difficilement praticable attira son attention. Il gratta là tant qu'il put, la terre semblait plus meuble qu'ailleurs. Soudain, ses ongles rencontrèrent une surface lisse. Il crut être tombé sur un sac, et redoubla d'efforts avant de retirer brusquement sa main. Ses doigts venaient de dégager une mâchoire. La surprise le fit tomber à la renverse. Un macchabée... Un putain de macchabée ! À moins que ce soit un animal. Les gens enterrent leur chien et leur chat n'importe où. Il se remit à creuser. C'était bien un cadavre humain, pas encore décomposé. Le visage avait la peau confite, les traits étaient ceux d'une jeune femme. Raymond avait déjà vu des morts, des secs et des bouffis, mais celui-là faisait une drôle de tête. Fébrilement, il s'apprêtait à l'ensevelir à nouveau quand il se rendit compte que la morte avait quelque chose dans la bouche. On lui avait fourré un collier entre les dents. Il essaya de s'en saisir, pas facile, la rigidité cadavérique rendait l'opération délicate. Des scrupules le tenaillaient. Il se comportait comme un charognard. Mais ce collier devait bien valoir son poids de métal. Il descella de force l'orifice buccal et s'empara du bijou, le frotta de la manche. C'était du platine, ça brillait. De toute façon, elle n'en aurait plus besoin là où elle était. « Mille pardons, et repose en paix. » Raymond s'affaira autour du corps en partie découvert pour masquer son passage. Il poussa la terre, balaya le sol en surface et se recula pour juger du résultat. -- J'espère que je ne te dérange pas ? fit une voix dans son dos. * Lancés sur une nouvelle piste, Yvan et Marion avaient renoncé à faire une pause déjeuner. L'un comme l'autre tenaient à continuer le travail en cours, craignant de perdre l'étincelle qui les guidait. Après avoir quitté la galerie François Ier, ils se retrouvèrent dans la bibliothèque de Diane. Le parquet à damier recouvrait une surface de quatre-vingts mètres de longueur sur dix mètres de largeur. Pas moins de seize mille volumes reposaient sur des étagères boisées. Des fresques illustrant des scènes de l'Ancien Testament ornaient le plafond voûté. Un gigantesque globe terrestre trônait à l'entrée de la salle. Quatre pieds scellés dans un socle portaient l'anneau à l'intérieur duquel pouvait évoluer la sphère. La surface patinée délimitait les océans, de couleur kaki, et les continents, d'un ton sable. -- J'ai l'impression qu'une foule de détails importants nous échappe, dit Marion. -- Il est certain que nous ne verrons pas tous les signes. Mais peut-être qu'une partie seulement suffira à nous mettre sur la bonne voie. Ces gens se sont clairement amusés à inventer des codes et des correspondances qui nous déroutent encore aujourd'hui. -- Tu parles d'un casse-tête ! Leur ingéniosité me sidère. C'est à devenir fou ! Marion sortit de son sac les plans du château de Chambord et les croquis sur papier quadrillé qu'elle en avait tirés pour les tendre à Yvan. Ce dernier en prit connaissance tandis qu'elle examinait le globe. Le coup de crayon était net et précis. Yvan accorda son attention à une esquisse du donjon. Celuici s'inscrivait parfaitement dans un carré. Il poursuivit en sectionnant les quatre quartiers à partir de l'escalier à double révolution, cherchant un équilibre et une logique dans ce découpage. Le carré de Polybe... Le fait d'associer Polybe à la codification de l'architecture du château était judicieux. On attribuait à cet historien grec du IIe siècle avant Jésus-Christ le premier procédé de chiffrement par substitution. Des ingénieurs tels que Léonard de Vinci ne pouvaient qu'apprécier son talent, d'autant que l'art du secret hérité des Anciens connaissait lui aussi un regain d'intérêt à la Renaissance. Le carré de Polybe est un damier de vingt-cinq cases. Toutes les lettres de l'alphabet se succèdent dans l'ordre, de gauche à droite. Une particularité s'inscrit dans cette répartition : les lettres I et J logent dans la même case. Ces lettres, souvent confondues, sont donc réunies. Yvan visualisa immédiatement les lettres dans chacune des cases recouvrant le donjon. Les lignes et les colonnes étant numérotées de 1 à 5, chaque lettre représentait un chiffre. En posant prestement ses affaires sur le sol, Yvan provoqua un écho qui se propagea instantanément dans la galerie et alerta Marion. Yvan s'était assis sur le parquet, indifférent à ce qui l'entourait, et peaufinait son dessin. Il avait mis le doigt sur un élément clé. Marion, qui l'avait rejoint, le vit encercler des lettres et recouvrir la feuille de mots. Elle comprit aussitôt. -- Quelle cruche ! Comment ai-je pu passer à côté ? -- Polybe était une source d'inspiration pour les initiés. -- C = 13 et F = 21 sur le quadrillage, dit Marion à voix basse. -- Oui, mais il est bien dommage de ne pas trouver un 8, enchaîna Yvan en écrasant sa gomme. -- Ces chiffres, ils me parlent... 13, 21, 13, 21, 13... Bon sang, je l'ai au bout de la langue ! Attends... Ça y est, j'y suis... La suite de Fibonacci ! s'exclama-t-elle. -- Fibonacci, oui, pas mal du tout, répliqua Yvan. Il arracha la feuille du bloc pour entamer une page vierge avec son nouveau sujet d'étude. Cette suite, découverte au XIIIe siècle par le mathématicien italien Leonardo Fibonacci, était basée sur un système d'équations déclinant de façon croissante une suite de nombres. -- La suite de Fibonacci a forcément un lien avec ce code, lança Yvan en inscrivant les premiers termes sur sa feuille. 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21... -- Le 8 précède le 13. Intéressant, nota Marion. -- On a également un autre lien avec ce chiffre, car le 21 est le huitième terme de la suite ! -- Alors on peut ajouter que le 13 fait apparaître le 7 en tant que septième terme. Le 7 est le chiffre de l'Apocalypse, de même qu'un proche symétrique du F retourné. Yvan émit un petit sifflement admiratif. -- Ta proposition est d'autant plus recevable que le 13 désigne la lettre C dans le carré de Polybe, soit le C de Chambord, et que ce C est positionné sur le plan à l'endroit exact du caisson de pierre représentant physiquement un F inversé. Cette somme de coïncidences ne devait plus rien au hasard et confortait les thèses les plus audacieuses qui naissaient dans leur esprit. Le niveau de codage et les ramifications que découvraient Marion et Yvan les rendaient euphoriques. La mise en oeuvre d'un ouvrage aussi ingénieux et complexe ne pouvait que les conduire à une découverte phénoménale. La science avait toujours été en lutte avec la religion. Le codage et la cabale étaient des moyens d'expression et de partage d'informations entre initiés qui souhaitaient se soustraire à la censure de l'Inquisition. Les souverains d'alors pouvaient être tentés d'asseoir leur autorité en invoquant l'ordre divin, mais aussi en contrôlant les sciences occultes et ésotériques et en s'assurant du concours de leurs adeptes. -- On ne met pas en place un tel système pour distraire les érudits, dit Yvan. -- Combien d'oeuvres, de trésors religieux, de reliques restent encore introuvables, comme l'Arche d'alliance ! -- Il n'y a pas que cela, Marion. Les explications concernant certains travaux n'ont toujours pas livré leur secret. Prends Léonard de Vinci. La plupart de ses inventions dont on a les croquis ou les maquettes ne fonctionnent pas ou ne sont pas abouties. Pourtant, elles fourmillent de détails étonnants d'ingéniosité. Aurait-il hérité de savoirs techniques oubliés ? Le mythe de l'Âge d'or a toujours hanté les peuples, sans parler de celui de l'Atlantide. Or de nombreuses recherches géologiques et scientifiques tendent à prouver qu'il a bien existé un « avant ». Je ne sais pas vers quoi nous allons, mais ce qui est certain, c'est que ceux qui ont créé ce labyrinthe n'avaient pas envie de laisser leur secret mourir avec eux. -- À nous de répondre à leur attente ! Yvan reprit ses esquisses. -- Quel axe nous désigne le château de Chambord depuis le début de notre enquête ? demanda Marion d'un air malicieux. -- L'axe nord-est, répondit Yvan en relevant la tête. -- Alors, si tu entourais les lettres désignant l'axe nord-est du carré de Polybe que tu as représenté... Yvan observa le carré et lut d'un ton triomphal : -- « REIMS ». Ou « REINS ». -- Les deux orthographes les plus courantes à l'époque pour nommer cette ville, renchérit Marion. Cette configuration, codée par les bâtisseurs, les confortaient dans leurs hypothèses. Yvan prit Marion dans ses bras. Tout leur souriait aujourd'hui. Elle lui vola un baiser au coin des lèvres avant de s'échapper. Sans quoi, elle aurait fondu sur place.

« comme l’autretenaient àcontinuer letravail encours, craignant deperdre l’étincelle quilesguidait.

Après avoir quitté lagalerie François I er , ils se retrouvèrent danslabibliothèque deDiane.

Leparquet àdamier recouvrait unesurface dequatre-vingts mètresdelongueur surdixmètres delargeur.

Pasmoins de seize millevolumes reposaient surdes étagères boisées.Desfresques illustrantdesscènes del’Ancien Testament ornaientleplafond voûté.Ungigantesque globeterrestre trônaitàl’entrée delasalle.

Quatre pieds scellés dansunsocle portaient l’anneauàl’intérieur duquelpouvait évoluer lasphère.

Lasurface patinée délimitait lesocéans, decouleur kaki,etles continents, d’untonsable. — J’ai l’impression qu’unefoulededétails importants nouséchappe, ditMarion. — Il estcertain quenous neverrons pastous lessignes.

Maispeut-être qu’unepartieseulement suffira ànous mettre surlabonne voie.Cesgens sesont clairement amusésàinventer descodes etdes correspondances quinous déroutent encoreaujourd’hui. — Tu parles d’uncasse-tête ! Leuringéniosité mesidère.

C’estàdevenir fou ! Marion sortitdeson saclesplans duchâteau deChambord etles croquis surpapier quadrillé qu’elle enavait tiréspour lestendre àYvan.

Cedernier enprit connaissance tandisqu’elle examinait le globe.

Lecoup decrayon étaitnetetprécis.

Yvanaccorda sonattention àune esquisse dudonjon.

Celui- ci s’inscrivait parfaitement dansuncarré.

Ilpoursuivit ensectionnant lesquatre quartiers àpartir de l’escalier àdouble révolution, cherchantunéquilibre etune logique danscedécoupage. Le carré dePolybe… Le fait d’associer Polybeàla codification del’architecture duchâteau étaitjudicieux.

Onattribuait à cet historien grecduIIe  siècle avantJésus-Christ lepremier procédé dechiffrement parsubstitution.

Des ingénieurs telsque Léonard deVinci nepouvaient qu’apprécier sontalent, d’autant quel’artdusecret hérité desAnciens connaissait luiaussi unregain d’intérêt àla Renaissance.

Lecarré dePolybe estun damier devingt-cinq cases.Toutes leslettres del’alphabet sesuccèdent dansl’ordre, degauche à droite.

Uneparticularité s’inscritdanscetterépartition : leslettres Iet Jlogent danslamême case.Ces lettres, souvent confondues, sontdonc réunies.

Yvanvisualisa immédiatement leslettres danschacune des cases recouvrant ledonjon.

Leslignes etles colonnes étantnumérotées de1à5, chaque lettre représentait unchiffre.

En posant prestement sesaffaires surlesol, Yvan provoqua unécho quisepropagea instantanément danslagalerie etalerta Marion.

Yvans’était assissurleparquet, indifférent àce qui l’entourait, etpeaufinait sondessin.

Ilavait misledoigt surunélément clé.Marion, quil’avait rejoint, levit encercler deslettres etrecouvrir lafeuille demots.

Ellecomprit aussitôt. — Quelle cruche !Comment ai-jepupasser àcôté ? — Polybe étaitunesource d’inspiration pourlesinitiés. — C =13 etF=21 sur lequadrillage, ditMarion àvoix basse. — Oui, maisilest bien dommage denepas trouver un8,enchaîna Yvanenécrasant sagomme. — Ces chiffres, ilsme parlent… 13,21,13,21, 13… Bonsang, jel’ai aubout delalangue ! Attends… Çayest, j’ysuis… Lasuite deFibonacci ! s’exclama-t-elle. — Fibonacci, oui,pasmaldutout, répliqua Yvan. Il arracha lafeuille dubloc pour entamer unepage vierge avecsonnouveau sujetd’étude.

Cette suite, découverte auXIIIe  siècle parlemathématicien italienLeonardo Fibonacci, étaitbasée surun système d’équations déclinantdefaçon croissante unesuite denombres. — La suitedeFibonacci aforcément unlien avec cecode, lançaYvaneninscrivant lespremiers termes sursafeuille. 0, 1,1,2,3,5,8, 13, 21… — Le 8précède le13.

Intéressant, notaMarion. — On aégalement unautre lienavec cechiffre, carle21 est lehuitième termedelasuite ! — Alors onpeut ajouter quele13 fait apparaître le7en tant que septième terme.Le7est lechiffre. »

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