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A, substantif masculin.

Publié le 27/09/2015

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 a

A, substantif masculin.  

I.—  1re.  lettre de l'alphabet et 1re.  des 5 voyelles (pour la voyelle, confer phonétique). 

—   Graphies : 

·    A majuscule ou grand A, de forme triangulaire caractéristique. 

·    a minuscule ou petit a. 

·    a romain. 

·    a italique. 

·    â accent circonflexe. 

—   Objet en forme de A : 

Ø 1.... les lettres qui sortent de votre plume ne me sont point étrangères (...) et cet A sort de notre aleph, en tête de boeuf.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Jardin d'Épicure,  1895, page 174. 

Ø 2. Il existe dans l'église de Conques (Aveyron) (...) un objet de forme triangulaire, en bois recouvert de cuivre doré (...). On appelle ce reliquaire l'A de Charlemagne et il passe pour être un présent de ce prince.

PROSPER MÉRIMÉE, Études sur les arts au Moyen Âge,  1870, pages 104-105. 

—   La lettre a s'oppose à la préposition à : 

Ø 3. Comme préposition tient encore la place d'après, poil à poil; d'avec, peindre à l'huile; de pour, bois à brûler; d'environ, cinq à six pieds; d'ou, deux à trois (il vaut mieux dire deux ou trois); de par, on juge à votre mine; de selon ou suivant, un habit à la mode; de vers, il tire à sa fin, etc., etc. Dans toutes ces occasions, et autres semblables, on met un accent grave sur l'a.

ABBÉ CLAUDE-MARIE GATTEL, Nouveau dictionnaire portatif de la langue française,  1797. 

—   Un exemple de a s'opposant à o : 

Ø 4. Pourquoi ne pas admettre que si l'auteur du traité du verbe dit qu'A est noir et qu'O est bleu, c'est parce qu'il le sent (...)?

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie littéraire, tome 2, 1890, page 7. 

—   Expressions : 

·    La panse d'a. Au propre.  La partie arrondie de l'a ayant la forme d'une panse dans l'écriture cursive. Au figuré. N'avoir pas fait une panse d'a. N'avoir rien écrit, rien copié, rien composé. 

·    Ne savoir ni A ni B. Ne pas savoir lire, par extension,   ignorer les éléments d'une science, d'un art, etc. 

·    De A à Z ou depuis A jusqu'à Z. Du début à la fin. 

·    L'ABC (pour cette expression, Confer ABC). 

II.—  A employé comme symbole. 

A.—  1. ALGÈBRE.  a désigne une quantité connue. 

—  ARITHMÉTIQUE.  a, symbole de are. 

—  GÉOMÉTRIE.  \" A indique l'une des parties d'une figure qui sert à quelque démonstration (l'angle A, l'angle B d'un triangle, etc.). \" (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842) : 

Ø 5.... si on constate que sur une ligne le point B est entre les points A et C, on se contentera de cette constatation et on ne s'inquiétera pas de savoir si la ligne ABC est droite ou courbe, ni si la longueur AB est égale à la longueur BC, ou si elle est deux fois plus grande.

HENRI POINCARÉ, La Valeur de la science,  1905, page 66. 

De là, prouver par A + B,   \" démontrer d'une manière rigoureuse, comme en mathématiques. \" (Dictionnaire du français contemporain (JEAN DUBOIS)) : 

Ø 6.... savez-vous à qui je songeais : à Renan, dodelinant sa grosse tête au milieu de politiciens et de salonnards ébahis, expliquant Notre-Seigneur par A et B et vaticinant..

LÉON DAUDET, La Recherche du beau,  1932, page 274. 

2. CHIMIE.  A, symbole de l'azote dans le Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842 (au XXe.  siècle le symbole de l'azote est N);   A, symbole de l'argon. 

—  A, symbole de l'aluminium dans le Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842, a été remplacé au XXe.  siècle par Al. 

3. PHYSIQUE.  A, symbole de l'ampère. 

4. MÉTROLOGIE.   Å, symbole de l'angström et du suffixe -atto : « Atto... = 10-18. » (Dictionnaire des sigles.  pages 17-18 ). 

5. PÉDOLOGIE.  \" A, symbole désignant l'ensemble des horizons du sol pédologique les plus proches de la surface, caractérisés par la forte activité biologique : grande densité de colonisation par les êtres vivants, enrichissement en substances organiques. \" (Dictionnaire des sols (GEORGES PLAISANCE, ANDRÉ CAILLEUX) 1958).  Pour les subdivisions de l'ensemble A, Confer Dictionnaire des sols (Georges Plaisance, André Cailleux) 1958. 

B.—  IMPRIMERIE.  \" A sert à indiquer la première feuille d'un volume, ou le premier renvoi aux notes. \" (Larousse du XXe.  siècle en six volumes). 

C.—  LOGIQUE.  \" A. 1o.  Symbole de la proposition universelle affirmative en Logique, suivant les vers mnémoniques classiques : Asserit A, negat E, verum generaliter ambo;

Asserit I, negat O, sed particulariter ambo.

2o.  Symbole de la proposition modale dans laquelle le mode et le dictum sont affirmés l'un et l'autre. » (VOCABULAIRE TECHNIQUE ET CRITIQUE DE LA PHILOSOPHIE  (ANDRÉ LALANDE) ). 

D.—  MARINE.  \" A, premier pavillon du Code international de signaux. Hissé isolément, signifie : Je suis en train d'effectuer des essais de vitesse. \" (Petit dictionnaire de marine (ROBERT GRUSS) 1952). 

E.—  MÉDECINE.  \" A, aa, ou ana, placé à côté d'une accolade qui embrasse l'indication de plusieurs substances, signifie : de chacune de ces substances. \" (Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie, de l'art vétérinaire (ÉMILE LITTRÉ)). 

F.—  MUSIQUE.  \" Abréviation par laquelle on indique la voix d'Alto, l'Alto, instrument à cordes, et l'Alto, instrument de cuivre. \" (Dictionnaire de musique (ROLAND DE CANDÉ) 1961); « On voit dans certaines partitions d'orchestre le ton de la désigné par la lettre A pour certains instruments transpositeurs : clarinette en (ou in) A; cor en (ou in) A, etc., etc. Les facteurs ont le soin d'indiquer sur les corps de rechange (...) des instruments de cuivre les lettres correspondant à leurs tons : trompette, cor en A, etc. » (Dictionnaire de musique (ROLAND DE CANDÉ)  1961) : 

Ø 7.... suivant la notation anglo-germanique, H équivalant à si, A à la, D à ré —  Y et N correspondant, du fait de l'application (...) à l'échelle diatonique de l'ordre des lettres de l'alphabet, à ré et sol.

ALFRED CORTOT, La Musique française de piano, tome 1, 1930, page 253. 

G.—  NUMISMATIQUE.  A désigne la ville de Paris (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842); il est le \" signe distinctif de toutes les monnaies frappées à Paris. \" (Dictionnaire du commerce et des marchandises (SOUS LA DIRECTION DE M.G.U.G.) 1837). Il désigne aussi l'atelier monétaire de Marseille (Larousse du XXe.  siècle en six volumes), AA celui de Metz (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, Larousse du XXe.  siècle en six volumes, Dictionnaire encyclopédique Quillet), Ae celui d'Aix (Larousse du XXe.  siècle en six volumes).  —  De là, au figuré,  être marqué à l'A : \" Il est marqué à l'A se dit d'un homme de bien, d'honneur et de mérite. \" (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)). 

III.—  A employé comme sigle. 

A.—  TITRES.  A, abréviation de Altesse dans les sigles S.A.R. (Son Altesse Royale), S.A.S. (Son Altesse Sérénissime), S.A.I. (Son Altesse Impériale.) etc. : \" Dans les nobiliaires, il est mis pour Altesse. \" (Larousse du XXe.  siècle en six volumes). 

B.—  Autres sigles en usage. 

1. COMMERCE.  \" A, pour accepté quand il s'agit d'une lettre de change. \" (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842).  Il y a aussi A.M. pour Assurance Mutuelle (ibidem), S.A. (Société anonyme), etc.  

2. MARINE.  \" A, pour assuré ou assurance. \" (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842ibidem). 

IV.—  Dans l'argot des bagnes : « Les A ou B sont des « internés »; ils vont du dépôt au quai d'embarquement en tête du convoi, avec les punis de cachot. » (ANTOINE-LOUIS DUSSORT, Journal,  janvier 1930, ms colligé par G. Esnault, 1953 ). 

 

 

 

 

 

Forme dérivée du verbe \"avoir\"

 a

AVOIR1, verbe.  

I.—  Emploi transitif.  Être en relation (concrète ou abstraite, permanente ou occasionnelle) avec quelqu'un ou quelque chose. 

A.—  [Le sujet désigne une personne, l'objet désigne soit une chose concrète ou abstraite, soit une personne dont on peut disposer] 

1. [Avec l'idée de pouvoir en tirer profit ou parti, d'en jouir]  Synonyme : posséder. 

a) [L'objet désigne un bien matériel]  Être en possession de... Avoir un compte en banque, une maison, des rentes; avoir beaucoup d'argent : 

Ø 1. Va faire ton paquet, et je te mènerai chez M. de Rênal, où tu seras précepteur des enfants.

—  Qu'aurai-je pour cela?

—  La nourriture, l'habillement et trois cents francs de gages.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Le Rouge et le Noir,  1830, page 19. 

Ø 2. À Londres, nous avons vécu quelque temps au Savoy, où nous prenions nos repas et où nous avions un petit appartement merveilleux avec une vue sur la Tamise...

ANDRÉ GIDE, Si le grain ne meurt,  1924, page 586. 

Ø 3. J'ai un complet en tussor beige. Mais il est d'été et m'enrhume.

JEAN GIRAUDOUX, L'Apollon de Bellac,  1942, 5, page 61. 

—   [Le complément d'objet peut être un pronom ou un nominal] :

Ø 4. —  Écoute, retiens ça... Quand tu n'auras plus rien et qu'ils auront tout, tes enfants te pousseront au ruisseau.

ÉMILE ZOLA, La Terre,  1887, page 40. 

—   [Avec un substantif, attribut de l'objet, précédé des prépositions comme ou pour]  Avoir pour demeure un ancien presbytère. 

—   Locution. Avoir de quoi. Posséder suffisamment d'argent pour parvenir au but recherché (le plus souvent donné par le contexte ou par un infinitif suivent cette locution : avoir de quoi payer, de quoi vivre) : 

Ø 5. Qui sait si vous aurez de quoi vous marier?

EUGÉNIE DE GUÉRIN, Journal intime,  1838, page 221. 

Ø 6. Pour tous, c'est-à-dire pour tous ceux qui avaient de quoi. Dans les ménages, l'ordinaire est souvent maigre.

EDMOND FARAL, La Vie quotidienne au temps de Saint Louis,  1942, page 173. 

Remarque : 1. Le groupe de quoi senti comme un véritable complément d'objet a pu être substantivé : 

Ø 7. Si je ne vous fais rien savoir d'ici vendredi midi, c'est que j'ai pas le temps ou que je n'ai pas de quoi. Je peux pas mieux vous dire.

—  Vous avez bien le temps et le de quoi, marmonnait le vieux.

JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 1, 1933, page 205. 

Remarque : 2. Par extension, la locution avoir de quoi peut s'appliquer à des biens non matériels. Avoir de quoi causer, avoir de quoi écrire : 

Ø 8. De tels propos tombés de la bouche d'un évêque dans l'oreille d'un jeune clerc à peu près inconnu de lui avaient de quoi me remplir de stupeur. 

ANDRÉ BILLY, Introïbo,  1939, page 66. 

—   [Avec une valeur ingressive]  Entrer en possession de, en jouissance de. Synonyme : obtenir. Nous pouvons avoir, nous avons eu ce livre, cette maison... à bon compte, pour une bouchée de pain : 

Ø 9. Il m'a transporté pour Clarisse, et je n'aurai point de repos que je n'aye ce précieux livre;...

GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré,  1797, page 1567. 

·    Par extension.  [L'objet désigne une chose assimilée à un bien matériel]  Avoir une communication téléphonique; avoir la parole; avoir son bac, son train : 

Ø 10. Je ne leur proposerai certainement pas de lire Grotius ou Pufendorf depuis que nous avons le commentaire de Tracy sur Montesquieu.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, De l'Amour,  1822, page 208. 

Ø 11. Au bout de trois semaines, je montai en troisième où j'eus la troisième place.

FÉLIX ANTOINE PHILIBERT DUPANLOUP, Journal intime,  1851-76, page 18. 

Ø 12. —  Vous savez qu'il avait toujours, à l'école, le prix de lecture et de récitation.

GEORGES DUHAMEL, Confession de minuit,  1920, page 174. 

b) [L'objet désigne une personne dont on peut disposer ou avec laquelle se sont créées des relations profanes ou sociales] 

—  Avoir des collaborateurs nombreux; avoir un bon médecin, de bons professeurs : 

Ø 13. Nous avons maintenant des couvreurs sur le toit; le tapotement a succédé à l'infection.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1867, page 314. 

Ø 14. —  Ah! m'écriai-je, je n'avais pas songé le moins du monde que Jeanne eût un tuteur. 

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Crime de Sylvestre Bonnard,  1881, page 400. 

Ø 15. —  Si je dois aller en prison, j'aurai quelques-uns de ces messieurs pour me porter mes valises...

MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14,  1935, page 464. 

·    Dans le langage amoureux.  Posséder, être l'amant (ou la maîtresse) de... Cette femme, il n'a pas été longtemps à l'avoir : 

Ø 16. M. de (...), qui avait vécu avec des princesses d'Allemagne, me disait : « Croyez-vous que M. de L. ait Madame de S.? » Je lui répondis : « Il n'en a pas même la prétention; il se donne pour ce qu'il est, pour un libertin, un homme qui aime les filles par-dessus tout. —  Jeune homme, me répondit-il, n'en soyez pas dupe; c'est avec cela qu'on a des reines. »

NICOLAS-SÉBASTIEN ROCH, DIT DE CHAMFORT, Caractères et anecdotes,  1794, page 102. 

Ø 17.... la Torpille est infiniment mieux que tout cela : vous avez tous été plus ou moins ses amants, nul de vous ne peut dire qu'elle a été sa maîtresse; elle peut toujours vous avoir, vous ne l'aurez jamais.

HONORÉ DE BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes,  1847, page 22. 

Ø 18. Eh bien! oui, elle va avec tout le monde, elle se moque de vous, jamais vous ne l'aurez, ou bien vous l'aurez comme les autres, une fois, en passant

ÉMILE ZOLA, Au Bonheur des dames,  1883, page 607. 

·    [Avec une idée de réciprocité]  Être l'un avec l'autre, être l'un à l'autre. Synonyme : s'appartenir :  

Ø 19. Adieu ma toute chérie, rêvons-nous cette nuit; nous nous aurons demain. Tu sais comme je t'embrasse.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1846, page 298. 

·    Péjoratif, familier. Avoir quelqu'un..  L'attraper (au propre et au figuré) d'où l'expression se faire avoir : 

Ø 20. —  Les Fridolins? Ils nous auront jusqu'au trognon.

JEAN BRULLER, DIT VERCORS, Le Silence de la mer,  1942, page 12. 

Ø 21. Je me suis dit : si j'arrive jusqu'à une traboule, ils peuvent courir, c'est pas des Lyonnais, c'est des Boches, jamais ils ne m'auront là-dedans! Voilà...

ELSA TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, page 90. 

—   [Avec un substantif, attribut de l'objet, précédé des prépositions comme et pour]  Avoir pour chef M. X, avoir comme secrétaire Mlle Y : 

Ø 22. Pour guide nous avons une vierge au teint pâle

Qui jamais ne reçut le baiser d'or du hâle

Des lèvres du soleil.

THÉOPHILE GAUTIER, La Comédie de la mort,  1838, page 28. 

Ø 23.... nous avions pour professeur de rhétorique M. Collignon à qui ma reconnaissance reste acquise,...

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 4, 1906, page 168. 

Ø 24. À Paris, tout le monde descend. La scène suivante se passe chez Lévy. Mme.  Lévy demande à son mari s'il a fait bon voyage. « Pas mauvais, répond Lévy; mais j'avais pour compagnon de wagon un antisémite... »

ANDRÉ GIDE, Ainsi soit-il, ou Les Jeux sont faits,  1951, page 1189. 

·    Par analogie.  [Avec un substantif désignant une chose abstraite, attribut de l'objet; cet objet est un infinitif introduit par de (ou une proposition introduite par que)]  Avoir pour habitude de prendre ses vacances en août : 

Ø 25. On voit ici quel peut être le rôle du prêtre; il a pour mission de réveiller en nous cette vie palpitante et indivisible.

DICTIONNAIRE DE CULTURE RELIGIEUSE ET CATÉCHISTIQUE  (LOUIS E. MARCEL), Journal métaphysique,  1919, page 199. 

c) [L'objet désigne une valeur quelconque qu'on peut mettre à profit]  Synonymes : rencontrer, bénéficier de. Avoir du beau temps, de la chance, des loisirs : 

Ø 26. J'aurais eu huit jours de plus de bonheur!...

JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Les Pléiades,  1874, page 296. 

Ø 27. Dans quel but veux-tu me cacher que j'ai des droits sur elle et sur son enfant?

MARCEL PAGNOL, Fanny,  1932, III, 6, page 191. 

Ø 28. Il est vrai que, par les antennes de Brazzaville, nous eûmes toujours le moyen de publier ce qui nous parut utile.

CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre,  1954, page 131. 

—  En particulier.  [L'objet désigne un espace de temps dont on peut ou dont on doit tirer parti]  Avoir le temps de..., une semaine pour..., avoir huit jours de libre : 

Ø 29. Le train partait à midi, ils avaient le temps.

ÉMILE ZOLA, Une Page d'amour,  1878, page 1092. 

Ø 30. Un brin de toilette n'était pas de trop. Puisqu'il avait sa soirée libre, tant pis pour la conférence d'internat! On le barbait à la fin.

LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers,  1936, page 369. 

Ø 31. J'aurais aussi bien pu le [Charlie] lancer sur les parfums, les irradiations des poètes; leur température, leur plus ou moins de porosité... Il abondait aussitôt et l'on en avait pour des heures.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1948, page 327. 

Remarque : Dans tous ces cas, la relation peut être négative ou exprimer un excès : avoir du mauvais temps, de la malchance, trop de travail : 

Ø 32.... aussi, lorsqu'ils en sont là, il y a certitude qu'ils ont tout au plus six mois à vivre;...

JEAN-ANTELME BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante,  1825, page 365. 

Ø 33. —  Vous irez coucher, ce soir, à La Force, répondit-il, j'ai un mandat d'amener décerné contre vous.

HONORÉ DE BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes,  1847, page 349. 

Ø 34. Cartier aurait dit que si M. Zola avait cherché à avoir un procès et à se faire condamner, c'était pour éprouver une sensation qu'il ne connaissait pas encore, celle d'être en prison.

MARCEL PROUST, La Prisonnière,  1922, page 41. 

2. [Avec une idée de société occasionnelle]  Recevoir : Avoir des invités, du monde à dîner : 

Ø 35. J'ai ici ma soeur Eugénie et mon frère, car mon père qui ne peut plus voyager a été assez bon pour me les envoyer et se résoudre à rester lui deuxième au Cayla.

MAURICE DE GUÉRIN, Correspondance,  1838, page 367. 

Ø 36. Voilà... Maintenant, vous restez à dîner?

—  Oh! Nous sommes aux regrets... C'est impossible... Nous avons du monde aujourd'hui.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Renée Mauperin,  1864, page 125. 

Ø 37. Je sais que vous avez participé ce matin à un de ces déjeuners d'orgie qu'il a avec une femme qui le déshonore.

MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes 1,  1920, page 278. 

B.—  [Le sujet désigne une personne (ou un animal), l'objet indique une composante caractéristique du sujet ou une manière d'être momentanée ou permanente] 

1. [L'objet désigne une composante caractéristique du sujet] 

a) [Dans le domaine des relations naturelles, électives ou affectives avec d'autres personnes]  Synonyme : compter. Avoir des enfants, de nombreux amis, un amant : 

Ø 38. —  Avez-vous des soeurs?

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 4, 1848, page 387. 

Ø 39. —  Oh! oui, répondit-elle, parlez... Protégez-moi... Défendez-moi... Je n'ai plus que vous en ce monde...

PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 1, L'Héritage mystérieux, 1859, page 35. 

Ø 40. Mon attention éveillée, il ne me fut pas difficile de découvrir que j'avais des ennemis.

ALBERT CAMUS, La Chute,  1956, page 1513. 

Ø 41. Louise habitait avec son mari, le couvreur, une chambre, rue Madame, sous les toits; elle eut un bébé et j'allai la voir avec ma mère.

SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 132. 

—  Par analogie. Avoir une liaison. 

Remarque : Dans ce cas, la construction avoir pour ou avoir comme... est possible. Avoir pour amis M. et Mme.  X (compter au nombre de ses amis M. et Mme.  X) : 

Ø 42. J'ai pour ami d'enfance Andoche Finot, le fils du chapelier de la rue du Coq, le vieux qui m'a lancé dans le voyage pour la chapellerie.

HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau,  1837, page 155. 

Ø 43. J'avais pour amies de jeunes femmes mariées d'une façon plus splendide,...

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 1, 1855, page 44. 

b) [L'objet désigne une caractéristique physique ou morale du sujet]  Avoir une jambe cassée, une grosse tête; avoir de l'esprit, du courage, de la patience : 

Ø 44. De plus j'ai une mobilité nerveuse telle que je change de disposition avec la plus grande promptitude suivant les lieux et les sociétés,...

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1818, page 146. 

Ø 45. Orgueilleux d'être ce proscrit, j'ai l'impertinence de me sentir fier des inimitiés de plume que mon agressive indépendance me suscita.

LÉON BLOY, Journal,  1892, page 42. 

Ø 46. Il avait des manières gracieuses. Un véritable homme du monde comme on en voit sur les images.

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Notaire du Havre, 1933, page 36. 

Ø 47. Un sourire sceptique flotta sur les lèvres du juge qui avait de fines moustaches brunes.

GEORGES SIMENON, Les Vacances de Maigret,  1948, page 115. 

Remarque : Dans ces emplois avoir + complément d'objet peut souvent être remplacé par des adjectifs qualificatifs : avoir de l'esprit « être spirituel », avoir de la patience « être patient », etc. —  [Avec un adjectif attribut de l'objet précisant la caractéristique de celui-ci et précédé d'un prédéterminant (cette construction correspond à une tournure attributive dans laquelle le « substantif-objet » serait sujet : il a les cheveux gris = ses cheveux sont gris)] Avoir l'oreille fine, le ventre creux, le nez crochu, la parole facile... : 

Ø 48. Tous les portiers, (...), regrettaient les spectacles de la place Louis XV, où l'on coupait la tête à des femmes qui, me disait mon propre concierge de la rue de Lille, avaient le cou blanc comme de la chair de poulet.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 2, 1848, page 18. 

Ø 49. Il avait la voix dure, les gestes fous, et les mères du quartier terrifiaient leurs marmots en menaçant de l'envoyer chercher, comme on envoie chercher les gendarmes.

ÉMILE ZOLA, Au Bonheur des dames,  1883, page 567. 

Ø 50. Les aliénés ont le meurtre encore plus facile que les hommes ordinaires.

LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit,  1932, page 529. 

—   [Le complément d'objet est un pronom représentant une personne servant de point de référence et introduit par de] :

Ø 51. J'ai beaucoup d'elle dans l'expression du visage,...

PAUL LÉAUTAUD, In memoriam,  1905, page 188. 

Ø 52. Ces anciens c'étaient des hommes et j'ai de qui tenir, pas vrai, Carminella? Ne rougis pas, ma femme! C'est la vie.

BLAISE CENDRARS, Bourlinguer,  1948, page 150. 

Remarque : 1. L'objet peut être un pronom suivi d'un adjectif introduit par de : avoir quelque chose de triste, n'avoir rien de commun. 2. Un substantif introduit par une préposition peut jouer le rôle d'attribut de l'objet : avoir les cheveux en bataille. 3. Une proposition peut aussi jouer le rôle d'attribut de l'objet : avoir les yeux qui pleurent, le coeur qui saigne.œur qui saigne. 

2. [L'objet désigne une manière d'être momentanée ou permanente] 

a) [La manière d'être est un état général passager dont le sujet est affecté]  Synonymes : éprouver, ressentir. 

—   Sur le plan physique. Avoir des rhumatismes, de la fièvre, des douleurs; avoir le vertige, des visions; qu'avez-vous? : 

Ø 53. Le comte d'Erfeuil suivit Corinne, et pendant huit jours que l'infortunée eut la fièvre et le délire, il ne la quitta point;...

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Corinne ou l'Italie, tome 3, 1807, page 258. 

Ø 54.... j'ai grande peine à marcher, j'éprouve une hésitation, un frémissement, dès que je me trouve debout; la terre semble me manquer, je chancelle, j'ai un léger mal de coeur, et je dois m'appuyer, dans la crainte de tomber; on a des vertiges à la tête, moi je croirais les avoir sous les pieds.

EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 516. 

Ø 55. Il [Chantelouve] était en robe de chambre et il avait la bouche barrée par un porte-plume.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 2, 1891, page 26. 

Ø 56. Moi, j'avais la bouche sèche, j'étais incapable de dire un mot.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, page 814. 

·    [Avec un sens positif]  Bénéficier de. Avoir une bonne santé, de la force, etc. 

·    [Le complément d'objet peut être une proposition] :

Ø 57. —  Ah ça, qu'est-ce que vous avez? reprit-elle, en le regardant —  J'ai... que j'étouffe; l'odeur de ces cassolettes est intolérable!

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 2, 1891, page 159. 

—   Sur un plan intellectuel, moral, social, etc. Avoir des ennuis, des soucis, de l'amertume; avoir le cafard : 

Ø 58.... nous avons une nouvelle affreuse à t'annoncer.

VICTOR HUGO, Correspondance,  1821, page 322. 

Ø 59. Elle avait cette idée fixe que je resterais fille.

FRANÇOIS MAURIAC, Le Noeud de vipères,  1932, page 67. 

Ø 60. Déjà ils avaient cet air d'absence qu'on a pour durer et traverser les catastrophes, quand le destin est le plus fort.

JEAN GUÉHENNO, Journal d'une révolution, été 1937, page 195. 

·    [Avec un sens positif]  Avoir une idée; avoir des compensations : 

Ø 61. En arrivant en Italie, elle eut des émotions charmantes. 

JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Les Pléiades,  1874, page 141. 

Ø 62. —  Je connais des femmes médecins, apôtres, artistes, dit-il. Elles ont de la décision, de l'intelligence, du sang-froid, de fortes et belles qualités.

JACQUES CHARDONNE, L'Épithalame,  1921, page 335. 

Remarque : Les Remarque : citées plus haut (I B 1 b) sont également valables ici. Les hommes avaient (...) des uniformes en guenilles (Maupassant, Contes et nouvelles, tome 2, Boule de suif, 1880, page 114), j'ai (...) les joues qui me brûlent (Colette, Claudine à l'école, 1900, page 59). 

·    LocutionMalgré que j'en aie, plus rarement quoi qu'il en ait, en dépit qu'elle en ait.  Quoi que j' (il, elle) éprouve : 

Ø 63. La pompe de cette cérémonie, cette file noire qui arrêtait la circulation sur son passage (...) tout cela le flattait [Delobelle] , l'exaltait, quoi qu'il en eût.

ALPHONSE DAUDET, Fromont jeune et Risler aîné,  1874, page 273. 

Ø 64. Ferrante devait tuer l'amour, éteindre cette lumière, la logique de son destin l'exigeait; mais il meurt en y croyant, malgré qu'il en ait.

HENRI DE MONTHERLANT, Notes de théâtre,  1954, page 1081. 

b) [L'objet désigne un vêtement]  Synonyme : porter. Aujourd'hui, il a un costume gris  (à distinguer du sens de posséder, confer supra I A 1 a) : 

Ø 65. Mais voyez comme ils sont fins! J'ai des gants et pourtant, ils ont vu mon anneau au travers...

ALBERT CAMUS, Les Esprits, adapté de Pierre de Larivey, 1953, II, 2, page 480. 

Ø 66. Presque nu, et non plus revêtu de la longue robe qu'il avait auparavant, les reins ceints du périzonium, il est sur la croix et expose sa chair martyrisée;

RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible,  1955, page 361. 

c) [L'objet désigne une manifestation passagère du sujet]  Avoir un cri, un soupir. 

d) [L'objet est numériquement déterminé]  Avoir quinze ans; avoir dix printemps : 

Ø 67.... elle a reçu une excellente éducation, et quoiqu'elle n'ait que quatorze ans, elle a des talents et de l'instruction.

GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré,  1797, page 1663. 

Remarque : Dans cet emploi, l'âge ne pouvant toujours être déterminé avec précision, le complément est souvent précédé de dans les qui signifie « environ » : 

Ø 68. Elle devait avoir dans les vingt ans la petite amie de Robinson,...

LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit,  1932, page 474. 

3. [L'objet désigne une manière d'être du sujet en relation avec d'autres êtres, et, plus rarement, avec des choses] 

a) [L'objet désigne une chose concrète]  Avoir un geste de sympathie, une parole aimable pour chacun; avoir un entretien avec quelqu'un : 

Ø 69. WANDA. —  Moi non plus. (Elle hésite, approche un siège et s'assied). Je viens d'avoir avec lui une étrange conversation... sur l'amour!

ROGER MARTIN DU GARD, Un Taciturne,  1932, II, 9, page 1296. 

—  Absolument. Avoir un mot malheureux, un geste désabusé. 

b) [L'objet désigne une chose abstraite]  Avoir de la sympathie, du goût, une passion pour quelqu'un ou quelque chose : 

Ø 70.... ce que j'assure et soutiens du fond de mon âme, c'est que je n'ai pour lui que la plus tendre amitié.

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Lettres de jeunesse,  1787, page 164. 

Ø 71. Ces deux hommes excellents n'avaient qu'une passion, celle de diriger la vie d'un fils et neveu unique.

ALFRED DE VIGNY, Le Journal d'un poète,  1842, page 1176. 

Ø 72. Là, dans cette gare, Augustin eut, de revoir Anne une grande soif soudaine, douce et déchirante, une agonie de désir qui balaya tout le paysage qu'il avait sous les yeux, et l'envoya souffrir là-bas, dans celui où il n'était pas.

JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 235. 

c) Locution. En avoir contre quelqu'un. Lui en vouloir, ressentir à son égard certains griefs : 

Ø 73. Oui, c'est contre toi qu'il en a, il m'a dit que le coron était empoisonné...

ÉMILE ZOLA, Germinal,  1885, page 1290. 

Ø 74. —  Mais, ajoute-t-il, c'est surtout après l'officier boche que j'en ai.

HENRI BARBUSSE, Le Feu,  1916, page 38. 

C.—  [Le sujet et l'objet désignent une chose] 

1. [L'objet désigne une (ou plusieurs) des composantes du sujet]  Cette maison a 5 pièces; Paris a de beaux musées : 

Ø 75. La chambre à coucher avait un grand lit, une commode à ventre, des fauteuils;...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 1, 1891, page 122. 

Ø 76. Les haies n'ont plus que leurs pointes et leurs épines.

JULES RENARD, Journal,  1903, page 867. 

2. [L'objet désigne une (ou plusieurs) des caractéristiques du sujet]  Cette pièce a 3 m de long, cette peinture a une grande valeur, ce travail a le mérite de... : 

Ø 77.... il se proposait tout bonnement d'utiliser la propriété qu'ont les filaments de laine, quand on les presse en tous sens, de s'enchevêtrer et de constituer, par leur simple entrecroisement, cette étoffe qu'on appelle feutre.

JULES VERNE, L'Île mystérieuse,  1874, page 311. 

Ø 78.... vous êtes le représentant du roi, mais la patience a des limites...

PAUL CLAUDEL, Le Livre de Christophe Colomb,  1929, page 1169. 

3. [L'objet désigne un état momentané du sujet]  Qu'est-ce qu'a cette voiture? : 

Ø 79. Le ciel avait un éclat, l'air avait une tendresse, qu'ils ne connaissaient pas.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Le Matin, 1904, page 201. 

Ø 80.... c'était le silence, assez sinistre, du canot à pétrole, en mer, quand le moteur a une panne.

HENRI DE MONTHERLANT, Les Célibataires,  1934, page 882. 

Remarque générale : Avoir comme + adjectif (ou participe passé) ou substantif. Cette construction permet d'énoncer un sentiment, une idée en lui donnant une nuance d'imprécision à l'aide du comparatif comme. Synonyme : pour ainsi dire : 

Ø 81. J'avais comme un mauvais pressentiment.

PHILIPPE AUGUSTE MATHIAS DE VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Contes cruels, Sombre récit, 1883, page 278. 

Ø 82. Il y eut comme un sursaut gigantesque dans cette file de deux milliers d'hommes.

RENÉ BENJAMIN, Gaspard,  1915, page 55. 

Ø 83. —  Je ne sais pas, dit Karelina. J'ai comme senti que c'était vous.

MAXENCE VAN DER MEERSCH, L'Empreinte du dieu,  1936, page 16. 

II.—  Verbe copule de locution verbales.  Le verbe avoir représente l'élément verbal d'une locution exprimant une manière d'être momentanée, occasionnelle ou permanente. 

A.—  Avoir + substantif (absence de prédéterminant). 

1. [Non suivi d'un complément prépositionnel]  Avoir confiance, chaud, cours, faim, froid, honte, mal, nom, peur, pied, pitié, raison, soif, sommeil, tort; n'avoir ni queue ni tête. 

2. [Suivi d'un complément prépositionnel (substantif ou infinitif)] 

a) [Introduit par la préposition à]  Avoir accès à, affaire à, chaud à, droit à, froid à, intérêt à, mal à, part à, peine à, profit à, recours à, etc.; avoir maille à partir, avoir voix au chapitre.  Marine Avoir voile à gré. \" Porter bien la voile, être bon voilier \" (Vocabulaire technique et critique de la philosophie (ANDRÉ LALANDE) 1848). 

b) [Introduit par la préposition de]  Avoir besoin de, conscience de, connaissance de, coutume de, dessein de, envie de, espoir de, garde de, hâte de, honte de, horreur de, idée de, licence de, lieu de, ordre de, peur de, pitié de, raison de, regret de, soin de, sujet de, tort de, vent de, etc.; au figuré, avoir faim de, avoir soif de, etc.; avoir charge d'âmes, avoir force de loi, avoir gain de cause, etc.; n'avoir cure. 

Remarque : Un adverbe peut s'intercaler entre avoir et le substantif qui le suit, avoir tout lieu de, avoir si peur de. 

c) [Introduit par d'autres préposition]  Avoir foi en, avoir barre sur, avoir commerce avec, avoir rang parmi, etc. 

3. [Le substantif est qualifié par un adjectif]  Avoir beau jeu, bon coeur, bon dos, bon espoir, bon goût, bonne grâce, bonne mémoire, mauvaise grâce; avoir carte blanche, etc. 

B.—  Avoir + prédéterminant figé + substantif. 

1. [Avec l'article défini] 

a) Avoir le bourdon, le cafard, l'oeil, le pas, le trac (et tous les substituts de peur : avoir les foies, la frousse, la pétoche, la trouille, etc.). 

b) [Le substantif peut être qualifié par un adjectif]  Avoir le beau rôle, le bras long, le coeur gros, le coeur bien accroché, la gorge serrée, la main heureuse, la partie belle, etc. 

2. [Avec l'adjectif possessif]  Avoir ses aises, ses entrées, ses raisons, avoir sa tête, etc.; n'avoir pas son pareil. 

3. [Avec l'article défini ou l'adjectif possessif précédé de de]  Avoir de la chance, du goût, du tact, etc. (et tous les substituts de chance : avoir du bol, du nez, du pot, etc.); avoir de ses nouvelles; avoir du bon. Avoir du chien \" Faire montre d'entrain ou avoir ce qu'on appelle le feu sacré \" (Dictionnaire de l'argot moderne (GÉO SANDRY, MARCEL CARRÈRE), argot du théâtre 1963). Avoir des planches. \" Avoir du métier \" (Dictionnaire de l'argot moderne (GÉO SANDRY, MARCEL CARRÈRE), argot du théâtre 1963). 

C.—  Avoir + prédéterminant figé + substantif + préposition. 

1. [La préposition introduit un complément qui joue le rôle d'un adjectif (confer supra II B 1 b)]  Avoir la mort dans l'âme, le coeur sur la main, du pain sur la planche, les larmes aux yeux; avoir la tête à ce qu'on fait; avoir sa tête à soi; avoir les yeux dans sa poche; avoir une femme, un homme dans la peau; avoir les nerfs en pelote, à vif; avoir du vague à l'âme, du plomb dans l'aile. 

2. [Les prépositions de et plus rarement à introduisent un infinitif]  Avoir l'avantage de, la bonté de, le courage de, le devoir de, le droit de, la bonne fortune de, le front de, l'habitude de, l'honneur de, l'idée de, l'intention de, la liberté de, le loisir de, l'obligeance de, le plaisir de, le temps de, le tort de; avoir son mot à dire, avoir le coeur à rire, avoir du mal à, avoir d'autres chats à fouetter. 

Remarque : Le rôle d'une proposition infinitive introduite par de peut être tenu par une proposition subordonnée introduite par que. 

D.—  Avoir + adjectif + infinitif.  Cette construction ne se rencontre que lorsque beau tient le rôle d'adjectif mais avec valeur adverbiale. Avoir beau dire, faire, penser; a beau mentir qui vient de loin. 

E.—  Avoir + préposition + substantif (déterminé ou non). 

1. À. Avoir à coeur, à mépris, à merci; avoir à la bonne, à l'oeil. 

Remarque : Le tour à mépris est un archaïsme, Syntaxe française du XVIIe.  siècle (A. Haase), 1914 le cite en le faisant précéder du commentaire suivant : \" à précède un substantif attributif, construction très fréquente dans l'ancienne langue et qui subsiste encore dans quelques tours \". 

2. En. Avoir en chantier, en horreur, en main, en tête, en vue. 

3. Dans. Avoir dans le nez, dans le ventre. 

4. Sous. Avoir sous la main. 

5. Sur. Avoir sur le coeur. 

F.—  Locutions diverses. 

1. L'avoir sec*. 

2. L'avoir échappé belle. 

3. En avoir. Outre le sens de avoir reçu des coups ou avoir subi une disgrâce, et le sens argotique de en avoir. \" Être un homme complet \" (Dictionnaire de l'argot moderne (GÉO SANDRY, MARCEL CARRÈRE) 1963) d'où être audacieux, cette locution entre dans de nombreuses constructions. En avoir le coeur net, en avoir gros sur le coeur, en avoir dans l'aile, en avoir assez (et les tours familier en avoir marre, plein le dos, plein les pattes, par-dessus la tête, ras le bol), en avoir de bonnes, sans en avoir l'air. 

—  En avoir pour + indication de durée. Avoir besoin de l'espace de temps donné pour faire une chose (exprimée par en). 

G.—  N'avoir que faire. N'avoir pas besoin de quelqu'un ou de quelque chose, ne pas se soucier : 

Ø 84. Nous n'avons que faire de l'érudition sans amour, quand il s'agit de Maurice.

FRANÇOIS MAURIAC, Journal 1,  1934, page 90. 

Ø 85.... j'ai l'impression d'écouter malgré moi à une porte et de recueillir des confidences dont je n'ai que faire. 

JULIEN GREEN, Journal,  1945, page 240. 

—  Par analogie. N'avoir que répondre. N'avoir rien à répondre, rien qui permette de répondre : 

Ø 86. À ça Arsule n'avait que répondre, sauf à tirer sa petite moue.

JEAN GIONO, Regain,  1930, page 171. 

Remarque : 1. Quelques-unes de ces locutions sont susceptibles de connaître des transformations, par exemple avoir faim, où faim peut être précisé par un adjectif : avoir grand faim ou par un complément de nom, faim étant alors précédé de l'article figé une : avoir une faim de loup. 2. Des locutions telles que avoir faim, avoir soif peuvent être remplacées par le tour attributif correspondant : être affamé, être assoiffé. 

III.—  Emploi d'auxiliaire. 

A.—  [Auxiliaire de mode] 

1. Avoir à + infinitif impliquant une idée, plus ou moins nette, d'obligation..  Être contraint de. J'ai une lettre à écrire   \" je dois écrire une lettre \" : 

Ø 87.... et pour quelques moments brillants de sagesse et de gloire qu'ils [les peuples] pourraient espérer, ils ont toujours à craindre des siècles de désordres et de calamité.

JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, Supplément de l'Offrande à la Patrie, 1789, page 44. 

Ø 88. J'ai maintenant à vous expliquer pourquoi je vous écris de Tours et non de Tocqueville où je devrais et voudrais être.

ALEXIS DE TOCQUEVILLE, Correspondanceavec Arthur de Gobineau (1843-1859), 1853, page 200. 

Ø 89. Puis il fallait voir les chemins dont Chargnat avait fait état : qui voudrait exploiter aurait à se lever de bonne heure.

HENRI POURRAT, Gaspard des montagnes, À la belle bergère, 1925, page 9. 

Ø 90. —  Alors, tout de même, est-ce qu'on ne pourrait pas me fiche la paix? J'ai à travailler, moi, j'ai à gagner ma vie. 

HENRI DE MONTHERLANT, Les Célibataires,  1934, page 849. 

Ø 91. Alors, vous aurez d'abord à réunir un conseil de famille.

MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 2, 1948, page 184. 

—   Locution. Avoir fort à faire où fort équivaut à beaucoup. 

2. N'avoir qu'à + infinitif.  Il suffit de... : 

Ø 92. Je vis. Je souffre encor. Battu de cent naufrages,

Tremblant, j'affronte encor la mer et les orages,

Quand je n'ai qu'à vouloir pour atteindre le portugais

ANDRÉ CHÉNIER, Élégies, Angleterre, nouvelles souffrances, 1794, page 163. 

Ø 93.... mais l'amour-propre bientôt lui dit à l'oreille qu'il n'aurait qu'à paraître pour triompher comme César.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 203. 

Ø 94. DON CAMILLE. —  Parlez! Vous n'avez qu'un mot à dire. Deux fois déjà vous l'avez appelée. Je sens qu'elle n'attend que votre troisième appel : « Prouhèze, viens! »; elle est là, vous n'avez que son nom à prononcer. 

PAUL CLAUDEL, Le Soulier de satin,  1929, 2e.  journée, 2, page 758. 

—  Ironique ou pour voiler une menace. Tu n'as qu'à te tenir tranquille (sous-entendu sinon...) 

—  N'avoir plus qu'à. Il ne reste qu'à... : 

Ø 95. Ainsi, je dis zut! aux romans. Je n'aurai plus qu'à patauger dans mes épreuves des Petits bourgeois et du Programme.

HONORÉ DE BALZAC, Correspondance,  1844, page 671. 

·    Plus est sous-entendu : 

Ø 96. « Mais, si elle aime un jeune homme, les vieux n'ont qu'à plier bagage, » ajouta-t-il tristement.

LOUIS-ÉMILE-EDMOND DURANTY, Le Malheur d'Henriette Gérard,  1860, page 189. 

B.—  [Auxiliaire de temps ou d'aspect] 

1. [Servant à former les temps composés] 

a) [Des verbes transitifs y compris le verbe avoir] :

Ø 97. Que de chagrins vous eussiez épargnés à toute la famille, si cette amitié avait toujours subsisté entre vous!

JEAN-HENRI-FERDINAND LA MARTELIÈRE, Robert, chef de brigands,  1793, I, 1, page 3. 

Ø 98. On lui doit, à coup sûr, d'avoir eu plus tôt le Racine parfait, et de l'avoir eu, dans sa perfection même, plus continuellement ferme et plus inaltérable.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 5, 1859, page 475. 

Ø 99. Une association humaine de l'ordre de celle qui permit au Surréalisme de s'édifier —  telle qu'on n'en avait plus connu [sic] d'aussi ambitieuse et d'aussi passionnée au moins depuis le Saint-Simonisme —  ne laisse pas d'obéir à certaines lois de fluctuation...

ANDRÉ BRETON, Les Manifestes du Surréalisme,  1930, page 80. 

Ø 100. Pas une plainte. Pas un cri. Mais le son le plus pur qu'ait jamais formé le désespoir.

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Vol de nuit,  1931, page 127. 

Remarque : Le participe passé s'accorde en genre et en nombre avec le complément d'objet du verbe si celui-ci précède le verbe. À l'époque classique et dans certains cas, le participe passé était invariable. 

b) [Des verbes intransitifs imperfectifs (c'est-à-dire n'aboutissant pas à un état résultant)]  Marcher/avoir marché (par opposition à arriver/être arrivé) : 

Ø 101. Elle mentait, Monsieur, elle a toujours menti. Je ne sais pas si dans sa vie cette fille-là a jamais dit un mot de vérité;...

PROSPER MÉRIMÉE, Carmen,  1847, page 35. 

Ø 102. Viens-tu? Viens-tu? Le coq a chanté, le cheval a henni, la voile est prête.

GUSTAVE FLAUBERT, La Tentation de Saint Antoine,  1849, page 306. 

Remarque : Le participe passé demeure invariable. 

c) [De certains verbes intransitifs admettant par ailleurs l'auxiliaire être, leur sens variant selon l'auxiliaire utilisé]  Changer/avoir changé/être changé; convenir/avoir convenu/être convenu; demeurer/avoir demeuré/être demeuré et aussi augmenter, baisser, crever, croître, dégeler dégénérer, diminuer, disparaître, échouer, embellir, empirer, enlaidir, grandir, grossir, maigrir, paraître, prendre, pourrir, rajeunir, vieillir, etc. : 

Ø 103. Il est, de tous les sophistes, le plus nuisible qui ait jamais paru,... 

CHARLES FOURIER, Le Nouveau monde industriel ou l'Agriculture combiné,  1830, page 30. 

Ø 104. On dit que pendant longtemps la ville sentit la mort; et je ne suis pas bien sûr que l'odeur ait entièrement disparu. 

EUGÈNE FROMENTIN, Un Été dans le Sahara,  1857, page 135. 

Remarque : 1. Avec avoir, le changement est saisi en tant que tel, avec être il l'est dans son résultat. 2. Dans l'usage, une certaine liberté s'est établie, la Grammaire du français classique et moderne de WAGNER-PINCHON 1962, § 314, cite le cas du verbe passer (traverser un endroit) qui s'emploie avec l'auxiliaire avoir ou avec l'auxiliaire être sans différence de sens et donne l'exemple suivant : Laon? J'y ai passé en 1940 (ou J'y suis passé en 1940). 3. Là encore, le participe passé demeure invariable. 

d) [De l'auxiliaire être] :

Ø 105. Cette soirée doit me laisser quelques souvenirs. C'est la seule bonne et où j'aie été moi depuis longtemps.

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1818, page 115. 

Ø 106. Milan a été pour moi de 1800 à 1821 le lieu où j'ai constamment désiré d'habiter.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Vie de Henry Brulard, tome 2, 1836, page 497. 

Remarque : On trouve, quelquefois, la forme avoir été pour signifier être allé, voir être : 

Ø 107. Je suis sorti; j'ai été dans une église et j'ai longtemps prié.

MAXIME DU CAMP, Mémoires d'un suicidé,  1853, page 285. 

2. [Servant à former les temps composés du passif] :

Ø 108. Il peut paraître surprenant que de telles leçons m'ayent été données par un magistrat;...

GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré,  1797, page 1578. 

Ø 109.... il ressemblait comme il n'a jamais été ressemblé à un petit Allemand, bon, naïf et fidèle,...

JEAN GIRAUDOUX, Siegfried et le Limousin,  1922, page 32. 

Ø 110. Ma dette envers le Louvre est immense. J'ai l'impression d'avoir été nourri et élevé par lui.

JULIEN GREEN, Journal,  1931, page 68. 

Ø 111. Il a été descendu par les avions de Balbo, évidemment : il avait un appareil de tourisme. Il a été condamné à six ans, puis il s'est évadé des Lipari.

ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir,  1937, pages 497-98. 

Remarque : Avoir lui-même ne connaît pas la tournure passive. 

3. [Servant à former les temps surcomposés (double auxiliaire)]  Dès qu'il a eu fini..., dès qu'il a été sorti... : 

Ø 112. LE VICE-ROI. —  Dès qu'il m'a eu atteint j'ai tout quitté et je suis là.

PAUL CLAUDEL, Le Soulier de satin,  1929, 3e.  journée, 13, page 835. 

Ø 113. Non, c'est trop naturel, je suis venu tout de suite, dès que le petit m'a eu dit... 

LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers,  1936, page 132. 

Remarque : 1. Bien que l'auxiliaire de la voix pronominale soit être, les formes surcomposées s'obtiennent à l'aide de s'être eu : quand il s'est eu blessé; \" ... le groupe s'est devient le signe obligé du pronominal composé, de telle sorte que la forme surcomposée, au lieu de procéder à un décalage dans le passé à l'aide de l'auxiliaire être lui-même auxilié par avoir (...), maintient le groupe s'est qui signifie à la fois état résultant et activité antérieure, et c'est cette idée d'une activité que le sujet a exercée sur lui-même, qui subit le décalage d'antériorité \" (ROGER MARTIN, Temps et aspect, Paris, Klincksieck, 1971, page 66, note 154). 2. Sous la forme du participe passé, avoir entre dans la locution eu égard*. 

IV.—  Verbe impersonnel. Il y a. 

A.—  Morphème de présentation. 

1. Il y a + substantif (ou pronom prédicatif). Il y a est un présentatif pur comme voici* et voilà*, il peut être suivi d'un substantif précédé d'un article ou d'un adjectif indéfini, d'un adjectif possessif, d'un adjectif démonstratif, ou encore de l'article défini. Il y a opère un choix parmi tous les possibles :  il y a le facteur qui passe  (parmi tout ce qui peut passer le facteur est distingué) : 

Ø 114. Nous avons dit que Regnier n'était point un Juvénal; il y en eut un pourtant au XVIe.  siècle,...

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Tableau historique et critique de la poésie et du théâtre français au XVIe.  siècle,  1828, page 144. 

Ø 115. Ce qu'il y a eu de jouissances et de poésie dans cette vie de troubadour, nul ne le saura jamais.

CHARLES BAUDELAIRE, Les Paradis artificiels,  1860, page 331. 

Ø 116. —  Au catéchisme, dit Poucette, il y a une petite fille qui est drôle, elle a les yeux pleins de larmes quand elle parle de Notre-Seigneur.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 11, 1914-17, page 144. 

Ø 117. Il y avait gros temps au large, un ciel bas et gris, de fortes lames plombées qui cataractaient sur la plage.

JULIEN GRACQ, Un Beau ténébreux,  1945, page 13. 

—  Il y a de quoi + infinitif.  [Cet infinitif peut être explicite ou implicite]  Il y a des raisons pour... : 

Ø 118. Je crois que mes notes et ma lettre ont été dictées par le bon sens le plus grossier qui ait jamais arrangé des mots et, au risque de te blesser (il y avait de quoi), j'ai cru faire mon devoir de toutes façons, en te déclarant ces choses.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1854, page 6. 

Ø 119. C'est venu sur moi noir et lourd... Y avait pas de quoi rire, et puis ça m'a plus lâché.

LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit,  1932, page 300. 

2. Il n'y a qu'à + infinitif.  En alliance avec le tour exceptif ne... que, il y a présente ce qu'il faut faire et le pose comme suffisant Synonyme : il suffit de... :  

Ø 120. Il n'y a qu'à se faire tout petit.

PAUL CLAUDEL, Un Poète regarde la Croix,  1938, page 38. 

3. Locution. Il y a gros à parier : 

Ø 121. Il y a gros à parier que, dans un semblable milieu, le mysticisme de Gilles s'est exalté;...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 1, 1891, page 73. 

—  Populaire. 

·    Tout ce qu'il y a de... : 

Ø 122. Une belle galère, ma foi, je l'avoue, haute de bords, bien ramée, couronnée de jolies voiles pourpres, un gaillard tout doré, un bateau tout ce qu'il y avait de capitonné aux endroits pour les officiers, avec en proue un superbe tableau à l'huile de foie de morue représentant « L'Infanta Combitta » en costume de polo.

LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit,  1932, page 228. 

·    C'est... comme il n'y a pas. Signifiant que quelqu'un ou quelque chose est comme il n'est pas possible d'être : 

Ø 123. Un cerveau, c'est tyran comme y a pas. 

LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit,  1932 page 300. 

B.—  [Jouant le rôle d'une préposition introduisant un complément de temps]  Il y a sert alors à fixer un point du passé séparé du présent par le délai qu'indique le complément temporel : il y a huit jours vise un point du temps situé dans le passé huit jours avant le présent. Il y a s'oppose donc d'une part à dans* qui marque symétriquement un point dans l'avenir à telle ou telle distance du présent et d'autre part à depuis* qui indique un laps de temps écoulé à partir du moment repéré et qui comporte toujours une idée de limite initiale : 

Ø 124. J'étais alors à peu près instruit des assauts que cette jeune personne avait essuyés; je ne doutais pas qu'il n'y eût longtemps qu'elle avait perdu cette fleur précieuse, qui ne renaît jamais.

NICOLAS-EDME RESTIF, DIT RESTIF DE LA BRETONNE, Monsieur Nicolas,  1796, page 53. 

Ø 125. Il y a à peu près deux mois que je me trouvai à dîner chez Madame d'Olmène.

THÉODORE LECLERCQ, Proverbes dramatiques, La Répétition d'un proverbe ou Il ne faut pas dire : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau, 1835, 2, page 369. 

Ø 126. Je me trouvai assis près de Mme.  Récamier. Il y avait douze ans que je ne l'avais rencontrée, et encore ne l'avais-je aperçue qu'un moment.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 3, 1848, page 388. 

Ø 127. L'ensemble avait dû être de forte et splendide élégance, il y a quelque vingt ans,...

LÉON-PAUL FARGUE, Le Piéton de Paris,  1939, page 249. 

—   Le temps du verbe avoir peut varier; il y avait situe un procès par antériorité au moment visé par l'imparfait avait. En revanche, avec le futur ou le passé composé qui ne fournissent pas, à l'encontre de l'imparfait et du présent, de limite interne à partir de laquelle on peut évaluer le laps de temps écoulé, on ajoute obligatoirement une indication de temps qui précise l'espace du verbe avoir (il y aura demain..., il y a eu hier...). Mais on constate une tendance à l'invariabilité de il y a dans ses emplois après le tour présentatif c'est (c'était, ce fut, etc.), après la préposition de et après la locution prépositive jusqu'à : 

Ø 128. Mon instinct d'il y a trente-six ans ne me trompait pas.

PAUL VALÉRY, Correspondance [avec André Gide] , 1929, page 508. 

Remarque : Le pronom sujet il est souvent omis dans le langage populaire. 

C.—  Substituts de il y a, morphème de présentation..  Le verbe avoir précédé d'un pronom personnel sujet peut présenter lui aussi une phrase du discours et être remplacé sans grande variation de sens par il y a (surtout lorsque les pronoms personnels sont nous ou vous avec valeur indéfinie). Vous avez des professeurs qui... Il y a des professeurs qui... Peut-être peut-on sentir une légère nuance qui donne aux tours avec nous et vous un aspect plus personnel en faisant intervenir la personne de celui qui parle ou la personne de celui à qui l'on parle. C'est pourquoi les tours avec je ou tu présentent eux aussi une phase du discours mais dans laquelle le sujet est directement concerné. J'ai mon frère qui est malade/Il y a mon frère qui est malade. 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 237 605. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 1 773 315, b) 1 767 131; XXe.  siècle : a) 1 756 713, b) 1 746 879. 

 

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