abaissement ABAISSEMENT, substantif masculin.

abaissement

ABAISSEMENT, substantif masculin.  

I.—  Domaines spatial, physiologique, économique, etc. (Confer abaisser I) 

A.—  Acception générale.  Action d'abaisser ou de s'abaisser; état de ce qui est abaissé : 

Ø 1. Dans les tortues, les muscles de la cuisse produisent les mouvemens propres à nager, c'est-à-dire l'abduction, l'adduction, l'abaissement et l'élévation de la cuisse.

GEORGES CUVIER, Leçons d'anatomie comparée, tome 1, 1805, page 360. 

Ø 2. Ainsi plusieurs animaux à mamelles, tels que la marmotte, le loir, et beaucoup de reptiles, comme les serpens, tombent dans l'engourdissement à certains abaissemens de température, parce qu'ils ont alors leur orgasme très-affoibli, et qu'il en résulte, comme second effet, un ralentissement dans toutes leurs fonctions organiques, et par conséquent dans leur respiration.

JEAN-BAPTISTE LAMARCK, Philosophie zoologique, tome 2, 1809, page 32. 

Ø 3. Chez les petites filles, on peut dire que la respiration est abdominale. A mesure qu'elles se font fillettes, la respiration semble remonter; et le jour où elles sont tout à fait femmes, elle devient cet abaissement et ce soulèvement voluptueux des seins.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  juillet 1879, page 34. 

Ø 4. Je frissonnais, non pas seulement parce que la pièce était froide, mais parce qu'un notable abaissement thermique (...) est causé par certaines larmes qui pleurent de nos yeux, goutte à goutte, comme une pluie fine, pénétrante, glaciale, semblant ne devoir jamais finir.

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Côté de Guermantes, 1921, page 393. 

Ø 5. Bien que l'extraordinaire activité, la libre effervescence de sa pensée l'eût comme enivré, son regard attendait au passage quelques détails familiers, à travers la nuit, la tache d'un buisson, un détour brusque, l'abaissement du talus dans sa course vers le ciel noir, la cabane du cantonnier.

GEORGES BERNANOS, Sous le soleil de Satan,  1926, page 163. 

Ø 6. Ces ensembles sont des moteurs de développement par les activités complémentaires qu'ils suscitent, par les abaissements de coûts et de prix qu'ils autorisent, par l'ensemble des réactions de l'environnement (économies externes) qu'ils provoquent.

FRANÇOIS PERROUX, L'Économie du XXe.  siècle.  1964, page 189. 

Remarque : L'exemple 1 fait apparaître un groupement de synonymes et d'antonymes. À abaissement se rattache abduction, son synonyme en termes d'anatomie, et élévation, son antonyme dans le langage courant, auquel fait pendant le terme savant adduction. 

B.—  Acceptions techniques et domaines d'application particuliers.  [Abaissement, terme général, est utilisé comme abaisser dans la terminologie de nombreuses sciences et techniques : algèbre, géométrie, astronomie, blason, chirurgie, chemins de fer, physique] 

1. GÉOLOGIE.  Abaissement d'axe ou abaissement de charnière. Région plus basse dans la charnière d'un pli (Grand Larousse encyclopédique en dix volumes) (confer abaissé I B 2). 

2. MILITAIRE (ART) : 

Ø 7. L'abaissement est, sur une ordonnée prolongée jusqu'à la ligne de tir, la longueur comprise entre cette ligne et la courbe.

ALFRED LEDIEU, ERNEST CADIAT, Le Nouveau matériel naval, tome 1, 1890, page 16. 

3. MUSIQUE : 

Ø 8. Le rythme de la mélopée grecque était dessiné par l'élévation, arsis, et l'abaissement, thesis, de la main.

BÉNÉDICTINS DE SOLESMES, Paléographie musicale, tome 5, 1889, page 98. 

Remarque : Parmi le grand nombre des syntagmes existants, dont Dictionnaire de l'Académie Française 1835 donne un aperçu (abaissement d'un mur, des eaux, du mercure dans le baromètre, de la voix), qui est complété par les données des autres dictionnaires des XIXe et XXe.  siècle, on citera : abaissements de voix (Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer, 1866, page 225), abaissement des eaux (Jules Verne, Les Enfants du capitaine Grant, tome 1, 1868, page 230), abaissement de température (Jean-Paul Sartre, La Nausée, 1938, page 148), confer ex 2 et 4. La terminologie de l'industrie : taquets à abaissement (Julien-Napoléon Hatonde La Goupillière, Cours d'exploitation des mines, tome 2, 1885, 1, page 211). 

II.—  Domaine moral et au figuré (Confer abaisser II). Action de faire descendre à un niveau inférieur la valeur attachée à une personne (à son activité, aux qualités qu'elle s'attribue, etc.) ou à une chose; action (volontaire ou forcée) de descendre du niveau (moral, intellectuel) auquel on se tient habituellement ou auquel se trouve habituellement une chose; résultat de cette action : 

Ø 9. Il chantait la préface à faire pleurer : il n'allait point comme saint Paul, avec une parole rude; mais avec une parole emmiellée et cet abaissement adorable qui consacrait un Chabot à Dieu, tout de même qu'un simple desservant de paroisse.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 3, 1848, page 365. 

Ø 10. Dans le ménage actuel, la femme est bien certainement le dissolvant qui défait le caractère et l'honorabilité de l'homme. Elle est la conseillère qui pousse à toutes les lâchetés, à toutes les transactions de conscience, à tous les abaissements, à toutes les platitudes.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  mai 1864, page 40. 

Ø 11. Nous nous refusons obstinément à la décadence, à l'abaissement, à l'humiliation, au dépècement de nous-mêmes.

HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime,  10 juin 1866, page 316. 

Ø 12. Les autres n'ont connu que leur propre bassesse. Mais vous avez connu le même abaissement.

CHARLES PÉGUY, Ève,  1913, page 783. 

Ø 13. Elle sert à détourner les exploités de la contemplation périlleuse pour les exploiteurs, de leur dégradation, de leur abaissement.

PAUL NIZAN, Les Chiens de garde,  1932, page 161. 

Remarque : 1. Décadence insiste sur la durée du processus de déchéance, alors que abaissement insiste plutôt sur son terme. Humiliation exprime le sentiment de confusion ou de culpabilité éprouvé par la personne qui se trouve placée dans un état d'infériorité. Dépècement marque la conséquence attendue de cette chute provoquée. Bassesse (exemple 12) traduit une manière d'être permanente et naturelle, abaissement un état accidentel résultant d'une action. À dégradation (exemple 13) est attachée l'idée d'abandon, entaché d'infamie, d'un rang supérieur (confer abaisser, sémantique II B exemple 25). 2. La qualification du substantif par un adjectif valorisant (exemple 9) montre que le substantif peut se prendre en bonne part, notamment dans son emploi religieux. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 469. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 732, b) 785; XXe.  siècle : a) 452, b) 676.