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ABATTOIR, substantif masculin.

Publié le 27/09/2015

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ABATTOIR, substantif masculin.  

A.—  Sens propre.  Établissement d'abattage des animaux destinés à la consommation. Synonymes : boucherie (vieilli), écorcherie :  

Ø 1. [la féroce peinture] ... d'écorcherie et d'abattoir, qui semble avoir été faite pour des cannibales par un valet de bourreau.

THÉOPHILE GAUTIER, Voyage en Espagne,  1845, page 50. 

Ø 2. Menez deux moutons à la boucherie, deux boeufs à l'abattoir, et faites comprendre à l'un d'eux que son compagnon ne mourra pas, le mouton bêlera de joie, le boeuf mugira de plaisir;...

ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Cristo, tome 1, 1846, page 507. 

Ø 3. Puis, c'est le marché aux bestiaux et l'abattoir de la Villette qui reprennent l'ossature ferronnière des halles...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Art moderne,  1883, page 240. 

Ø 4. « A Rome, l'école des bestiaires était sur le mont Coelius. » Alban se répétait cette phrase lue dans un livre, chaque matin, en allant à l'école des bestiaires, c'est-à-dire à l'abattoir municipal, passé la porte de la viande.

HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires,  1926, page 431. 

Remarque : 1. Encyclopédie \" [Les abattoirs] ont pour but de permettre le contrôle sur la qualité des viandes, de prévenir les dangers de l'abattage des animaux et de garantir la salubrité publique par la concentration en un même lieu des mesures de surveillance et de propreté. Les abattoirs sont publics ou privés. \" (DALLOZ, Nouveau répertoire de droit, 2e.  édition, 1962). 2. Ce mot est naturellement lié aux idées de mort, de souffrance, de cruauté, de peur (confer B) : 

Ø 5. Il y avait des cris singuliers, des intonations d'une détresse profonde qui semblaient dire des mots qu'on aurait presque pu comprendre. En ce moment, j'ai eu l'idée d'une ville terrible, de quelque ville épouvantable et démesurée, comme serait une Babylone ou une Babel de cannibales où il y aurait des abattoirs d'hommes; et j'ai cherché à retrouver quelque chose des agonies humaines dans ces égorgements qui bramaient et sanglotaient.

GUSTAVE FLAUBERT, Par les champs et par les grèves,  1848, page 289. 

Ø 6. Entre Lariboisière et l'abattoir, ces deux souffroirs, je reste rêvant, à respirer un air chaud de viande. Des gémissements, de sourds mugissements viennent jusqu'à moi comme de lointaines musiques.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  mai 1863, page 1279. 

Ø 7. Oserai-je avouer ce qu'était pour moi la Grèce? Une invention des professeurs, une sorte de paradis à leur usage, créé de toutes pièces par les humanistes. Les temples bariolés, les statues chryséléphantines, l'affreuse odeur d'abattoir des hécatombes —  cela me détournait d'être attentif au témoignage de Platon et même des tragiques.

FRANÇOIS MAURIAC, Journal 2,  1937, page 192. 

B.—  Par extension.  [Appliqué à l'homme]  Lieu où sont massacrés des êtres humains (confer exemple 5) : 

Ø 8. Le bois formoit un dernier retranchement, lequel n'eût pourtant servi que d'abattoir et non d'abri aux soudoyers qui s'y seroient retirés, en cas de défaite.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Études historiques, tome 5 ter, 1831, page 79, 80. 

Ø 9. Bientôt la croix tombe, pourrit sur le sol. Le nom du misérable s'efface et n'existe plus que sur un registre de néant. Léopold et Clotilde ont grande pitié de ces oubliés, mais ce qui les navre de charité, c'est la foule des petites tombes. Il faut visiter les vastes nécropoles de la banlieue de Paris pour savoir ce qu'on tue d'enfants dans les abattoirs de la misère.

LÉON BLOY, La Femme pauvre,  1897, page 287. 

Ø 10.... la mort, invisible, bourdonnait aux oreilles de ces hommes affolés, essoufflés, inutiles dans cette lutte affreusement inégale contre de l'artillerie prussienne. Gaspard s'en rendit compte. Il s'arrêta derrière une meule (sa musette le brûlait) et il dit à Burette :

—  C'est l'abattoir?...

RENÉ BENJAMIN, Gaspard,  1915, page 64. 

Ø 11. Les mouvements de la foule l'ont repoussé vers le haut, vers le drapeau noir d'où il saisit les paroles volantes de Dumoulin : « Sommes-nous de ceux qui sauront sacrifier notre peau comme ceux de 1871? On en est réduit aujourd'hui d'aller exprimer ses sentiments sur un terrain écarté! Nous sommes donc mûrs pour l'abattoir, et non pas pour la révolution? Les anarchistes ne le pensent pas, et en toutes circonstances ils sauront prendre leurs responsabilités! »

LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers,  1936, page 342. 

Ø 12. Vous vous payez des abattoirs d'hommes —  dix millions de pièces débitées en trois ans —  des révolutions presque aussi coûteuses, sans parler d'autres divertissements, et vous voudriez fermer en même temps les églises et les prisons...

GEORGES BERNANOS, Un Mauvais rêve,  1948, page 943. 

—  Par extension.  Lieu où sont massacrées des opinions, etc. : 

Ø 13. Où se trouve donc le véritable esprit de la France? Est-il représenté... par des censeurs amovibles, assis sur les escabelles de M. de Corbière, dans un abattoir où l'on assomme à huis clos l'opinion?

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Opinion sur le projet de loi relatif à la liberté de la presse,  1818, page 261-262. 

C.—  Emplois argotiques. 

1. (Audience de) tribunal correctionnel où les sentences sont rendues sans véritable débat : 

Ø 14. On veut quelque chose de plus sévère.

Panama, où je ferai voir dans leur naturel ces bêtes mugissantes, qui, le front ouvert, se sont échappées des abattoirs judiciaires.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 1, 1897-1898, page 185. 

(Confer aussi abatteur, exemple 9; il pourrait cependant s'agir dans l'exemple de Barrès d'une création d'auteur, dont la couleur argotique est corrélée par l'épithète judiciaire). 

2. Guillotine : 

Ø 15. Guillotine (la)... l'abattoir. 

Dictionnaire de l'argot, ou la Langue des voleurs dévoilée.  1847, page 181. 

—  Par extension.  Cellule ou cachot des condamnés à mort : 

Ø 16. Abattoir : cachot des condamnés à mort.

ALEXANDRE PIERRE, Argot et jargon (1re.  et seule édition de l'argot et jargon des filous qui n'est intelligible qu'entre eux), 1848, page 1. 

Ø 17. Abattoir. Cellule à la prison de la Roquette, occupée par les condamnés à mort, d'où ils ne sortent que pour être abattus.

Dictionnaire de la langue verte (HECTOR FRANCE)  1907. 

3. Atelier ou usine, où les ouvriers sont surveillés comme dans une cellule de condamnés à mort : 

Ø 18. Si la surveillance y est active [dans votre usine] et que la loupe [fainéantise] soit surveillée, c'est un abattoir.

DENIS POULOT.  Le Sublime, ou le Travailleur comme il est en 1870 et ce qu'il peut être.  1872, page 70. 

Ø 19. Abattoir. Ateliers malsains où les ouvriers sont maltraités et qui, par le fait, sont de véritables abattoirs d'hommes.

Dictionnaire de la langue verte (HECTOR FRANCE)  1907. 

4. Lieu de rendez-vous suspects : 

Ø 20. Apprenez encore ceci : les cabarets des chiffonniers s'appellent bibines; les plus célèbres sont la casserole et l'abattoir. Donc, ô guinguettes, goguettes, bouchons, caboulots, bouibouis, mastroquets, bastringues, manezingues, bibines des chiffonniers, caravansérails des califes,...

VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 796. 

Ø 21. [Un hôtel garni de Paris, fréquenté par la crapule, a pour sobriquet] l'abattoir.

LUCIEN RIGAUD, Dictionnaire de l'argot moderne,  1881, page 191. 

Ø 22. Abattoir. —  Cercle de jeu. On y immole en effet force pigeons (= « dupes »).

GUSTAVE FUSTIER, Supplément au Dictionnaire de la langue verte d'Alfred Delvau,  1883. 

Ø 23. Marché aux veaux : le promenoir des Folies-Bergères [nommé] aussi la halle à la viande... [et] l'abattoir (Argot des filles)... N [ouveau] .

CHARLES VIRMAÎTRE, Dictionnaire d'argot fin-de-siècle, Supplément, 1899, page 135. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 172. 

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