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ABCÈS, substantif masculin.

Publié le 27/09/2015

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ABCÈS, substantif masculin.  

A.—  MÉDECINE.   langue commune.  Amas de pus dans une cavité naturelle ou accidentelle du corps : 

Ø 1. Ma femme vient d'être souffrante : dent mal arrangée, périostite, adénite, abcès et commencement de phlegmon dangereux, avec ça quasi-impossibilité d'avaler, d'où faiblesse inquiétante, etc.

ANDRÉ GIDE, P. VALÉRY, Correspondance, lettre de André Gide à Paul Valéry, mars 1897, page 288. 

Ø 2.... j'ai depuis quinze jours, au médius de la main droite, deux panaris qui se refusent à guérir. Ce sont d'abord de presque invisibles poils de velours, que le roseau vous laisse au doigt. Ces dards soyeux, il faut se hâter de les extraire, sous peine de voir se former un petit abcès, qui grossit, suppure, devient mal blanc, panaris,...

ANDRÉ GIDE, Le Retour du Tchad,  1928, page 911. 

Ø 3. Les leucocytes (...) forment dans les régions infectées des abcès, du pus dont les ferments digèrent les microbes. Ces ferments possèdent aussi le pouvoir de dissoudre les tissus vivants. Ils ouvrent à l'abcès une route, soit vers la peau, soit vers un organe creux. Et le pus s'élimine ainsi du corps.

ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu,  1935, page 251. 

Ø 4. Goiran, très déçu. Ai défendu Wilson contre lui et les autres. Wilson : un praticien averti, qui sait où est le foyer d'infection, et qui vide l'abcès avant de commencer son pansement. A propos d'abcès, ce bon géant de Bardot explique fort bien que l'ypérite n'est qu'une cause occasionnelle de l'abcès. Lequel, en fait, relève d'une infection secondaire, déterminée par les microbes envahissant le parenchyme à la faveur des lésions congestives provoquées par le gaz.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, page 1001. 

Remarque : 1. Abcès est en relation avec pus, infection (exemple 3, 4); il est placé en série avec phlegmon (exemple 1), mal blanc (exemple 2), panaris (exemple 2). 2. Syntagmes rencontrés dans la documentation : l'abcès naît, se forme, est formé, grossit, suppure, s'écoule, diminue; élance le malade; avoir, attraper un abcès; provoquer un abcès; débrider, ouvrir, vider, crever un abcès; l'abcès éclate, s'ouvre, crève; abcès vivant, mort, chaud, froid; syntagmes notés par les dictionnaires : poche d'un abcès, abcès du cerveau, du foie, du poumon; de fixation : 

Ø 5. Rieux tenta un abcès de fixation. Sous la brûlure de la térébenthine, le concierge hurla : « Ah! les cochons! »

ALBERT CAMUS, La Peste,  1947, page 1231. 

Remarque : Cette expression est employé au figuré dans les mêmes conditions que l'emploi figuré mentionné sous B (on crée artificiellement une situation intolérable pour mettre rapidement fin à un état de chose indésirable). 

B.—  Au figuré : 

Ø 6. Je me tourmente, je me gratte. Mon roman a du mal à se mettre en train. J'ai des abcès de style et la phrase me démange sans aboutir.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1851, page 326. 

Ø 7. Et les fantômes se précisent mieux, maintenant qu'il dort. Les enlacements lubriques des branches, l'accouplement des essences diverses des bois, les crevasses qui se dilatent, les fourrés qui s'entr'ouvrent disparaissent; les pleurs des feuillages fouettés par la bise, se tarissent; les blancs abcès des nuées se résorbent dans le gris du ciel; et —  dans un grand silence —  ce sont les incubes et les succubes qui passent.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 2, 1891, page 21. 

—  Particulièrement [notamment dans l'expression crever ou vider l'abcès]  Situation (politique, administration, etc.) anormale, devenue intolérable et appelant une intervention rapide et énergique pour y mettre fin : 

Ø 8. Cresteil (rire amer). —  « Ah, oui, tout était beau, c'était du cristal! Et qu'en est-il résulté? Hein? Nous avons crevé l'abcès : nous comptions sur la guérison : et, maintenant, c'est la gangrène! » (...). —  « En avons-nous assez vu!... La gabegie politique, les abus d'autorité, le mercantilisme partout!

ROGER MARTIN DU GARD, Jean Barois,  1913, page 465. 

Ø 9. Le Père Aubry, sachant avec quelle force rejettent sur un sol religieux, les plus profonds instincts que semblaient avoir chassés les prières et l'eau bénite, aurait voulu vider l'abcès! y mettre le fer et le feu. C'était bien l'avis de l'évêque. Nulle transaction avec le diable, pas d'armistice avec l'Enfer!

MAURICE BARRÈS, La Colline inspirée,  1913, page 272. 

Ø 10.... le curetage de l'abcès vichyssois est loin d'être complet, il y aura des retours de purulence...

MARCEL DÉAT, L'Œuvre,  12 février 1941. 

Ø 11. Les abcès administratifs diffèrent des collections purulentes en ce qu'ils ne crèvent pas seuls. Ils ne s'ouvrent pas spontanément, pour l'excellente raison, qu'ils ne sont pas des abcès, mais des... « fromages ».

O. BRIEN, L'Œuvre,  9 mars 1941. 

Ø 12. Puisque le malentendu est une méprise invétérée, le plus expédient est sans doute de ne pas laisser à l'ordre chronique du malentendu le temps de se former; il faut, pour cela, crever l'abcès tout de suite, tuer dans l'oeuf la fausse situation.

VLADIMIR JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, page 183. 

Remarque : Dans ces emplois, abcès fonctionne soit comme sujet (l'abcès se résorbe, exemple 6; l'abcès crève, l'abcès s'ouvre, exemple 10), soit comme objet notamment avec le verbe crever (exemple 7, 11). Le mot associé peut être un substantif du vocabulaire médical curetage de l'abcès (exemple 9). Le contexte est souvent politique, plus rarement psychologique. 

C.—  Argot : 

Ø 13. Abcès, substantif masculin Homme au visage boursouflé, au nez à bubelettes... On a dit cela de Mirabeau, et on le dit tous les jours...

ALFRED DELVAU, Dictionnaire de la langue verte, Argots parisiens comparés, 1866, page 2. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 156. 

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