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ABERRATION, substantif féminin.

Publié le 27/09/2015

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ABERRATION, substantif féminin.  

Déviation, écart par rapport à la norme attendue. 

A.—  Sens propre. Dans divers domaines scientifiques : 

1. ASTRONOMIE.  Déviation apparente de la lumière envoyée par un astre, et que divers procédés permettent de corriger : 

Ø 1. Enfin, il y a des circonstances qui peuvent nous donner la certitude que les mouvements relatifs et apparents proviennent du déplacement réel de tel corps et non de tel autre. Ainsi, l'aspect d'un animal nous apprendra par des symptômes non équivoques s'il est effectivement en repos ou en mouvement. Ainsi, pour rentrer dans l'exemple que nous prenions tout à l'heure, les expériences du pendule prouveront le mouvement diurne de la terre; le phénomène de l'aberration de la lumière prouvera le mouvement annuel; et l'hypothèse de Copernic prendra rang parmi les vérités positivement démontrées.

AUGUSTIN COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, 1851, page 5. 

Ø 2.... ce sont les déplacements apparents des planètes sur la sphère céleste, l'aberration des étoiles fixes, la parallaxe de ces mêmes étoiles. Est-ce par hasard que toutes les planètes admettent une inégalité dont la période est d'un an, et que cette période est précisément égale à celle de l'aberration, précisément égale encore à celle de la parallaxe? Adopter le système de Ptolémée, c'est répondre oui; adopter celui de Copernic c'est répondre non;...

HENRI POINCARÉ, La Valeur de la science,  1905, page 273. 

Ø 3.... quand on pourrait le calculer, le déterminisme encore inexpliqué d'une aberration astronomique, ce n'est pas de la métaphysique, mais de la psychasthénie; tout mathématicien peut être démissionnaire à ses heures, et il n'y a rien à conclure de là. Mais le recours au je-ne-sais-quoi peut être aussi une négligence ou un dédain de l'esprit fort. Le logos a ses limites, et il faut bien en tenir compte.

VLADIMIR JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, page 37. 

2. MATHÉMATIQUES.  Aberration de courbure. Angle caractéristique de la courbure formé par la normale en un point d'une courbe avec la droite issue de ce point et partageant en deux parties égales une corde parallèle à la tangente et infiniment voisine. (Grand Larousse encyclopédique en dix volumes). Axe d'aberration. Centre de la conique ayant un contact du quatrième ordre avec la courbe au point considéré. Il est situé sur l'axe d'aberration. (Grand Larousse encyclopédique en dix volumes). 

3. OPTIQUE.  Défaut de l'image d'un objet vu à travers une lentille (aberration de sphéricité, aberration chromatique, aberration de distorsion, aberration d'astigmatisme) : 

Ø 4. On arrive à corriger approximativement toutes ces aberrations en employant plusieurs lentilles de verres différents, accolées ou séparées par des intervalles d'air, et en disposant judicieusement le diaphragme en avant, en arrière ou entre les lentilles.

R. GIACOMINI. Encyclopédie générale Larousse, tome 2, 1968, page 494 ). 

B.—  Par extension. 

—  PATHOLOGIE.  Anomalie, déviation hors de l'état normal, égarement des sens, troubles du cerveau (confer historique B 2) : 

Ø 5. Dans des cas d'hallucination, on croit voir des spectres, des fantômes; et alors ce n'est plus l'état maladif ou anormal de la rétine ou du nerf optique qui vicie les impressions du cerveau, c'est l'état maladif ou anormal du cerveau qui réagit sur les appareils nerveux placés dans sa dépendance, et qui en pervertit les fonctions. De pareilles aberrations de la sensibilité, qui appartiennent en quelque sorte à l'état normal, vu la fréquence et la quasi-périodicité de leur retour, produisent des songes. Tout cela n'est évidemment qu'illusion, fausse apparence, tenant sans doute à des lois manifestes ou cachées qui régissent notre propre sensibilité, mais sans liaison avec aucune réalité extérieure,...

AUGUSTIN COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, 1851, page 9. 

Ø 6.... nul ne savait mieux que lui reproduire avec son matériau les particularités des physionomies ou les aberrations des organes et les détériorations des chairs.

RAYMOND QUENEAU, Pierrot mon ami,  1942, page 64. 

—  PHILOSOPHIE.  Caractère d'un phénomène aberrant, c'est-à-dire qui s'écarte de la règle générale et constitue une exception (Dictionnaire de la langue philosophique (PAUL FOULQUIÉ, RAYMOND SAINT-JEAN) 1962) : 

Ø 7.... cette faculté, appelez-la comme il vous plaira, esprit, raison, pensée, intelligence, entendement. Locke l'appelle entendement. Il suit de là qu'une sage philosophie, au lieu de se servir aveuglément de l'entendement et de l'appliquer à l'aventure, doit l'examiner d'abord, et rechercher quel il est et ce qu'il peut, sans quoi elle s'expose à des mécomptes et à des aberrations sans nombre.

VICTOR COUSIN.  Histoire de la philosophie du XVIIIe.  siècle  tome 1, 1829, page 97. 

Ø 8. Longtemps encore après que les modernes se furent créé des moyens d'observation plus parfaits, il resta de nombreuses causes d'aberration, qui défaçonnaient et altéraient de couleurs étrangères les contours des objets.

ERNEST RENAN, L'Avenir de la science,  1890, page 276. 

Ø 9. Le spectacle de ce que furent les religions, et de ce que certaines sont encore, est bien humiliant pour l'intelligence humaine. Quel tissu d'aberrations! L'expérience a beau dire « c'est faux » et le raisonnement « c'est absurde », l'humanité ne s'en cramponne que davantage à l'absurdité et à l'erreur. Encore si elle s'en tenait là!

HENRI BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion, 1932, page 105. 

Ø 10. Mais l'émotivité est aussi à la source de diverses aberrations religieuses. Toutes les exaltations s'y nourrissent, depuis les délires hystériques collectifs, rituels dans quelques sectes, jusqu'aux fièvres malsaines de certaines piétés.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 740. 

C.—  Langage commercial.  Déviation du jugement par rapport au bon sens ou à des habitudes de pensée ou de sentiment prises comme norme; erreur, à la limite absurdité, folie : 

Ø 11. Son cerveau était un milieu particulier : les idées qui le traversaient en sortaient toutes tordues. La réflexion qui provenait de cette réfraction était nécessairement divergente et déviée. De là mille illusions d'optique, mille aberrations de jugement, mille écarts où divaguait sa pensée, tantôt folle, tantôt idiote.

VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris,  1832, page 179. 

Ø 12. Cet amour idéal pour le Christ n'est sans danger que dans l'âge où les passions humaines sont muettes. Plus tard il prête aux aberrations du sentiment et aux chimères de l'imagination troublée. Nos religieuses anglaises n'étaient pas mystiques du tout, heureusement pour elles.

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 3, 1855, page 196. 

Ø 13. Mais, pour l'amour de Dieu, dites-moi par quelle étrange association d'idées, par quelle surnaturelle aberration d'esprit, vous avez été conduit à écrire le nom de la Nouvelle-Zélande pour le nom de l'Australie?

JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 3, 1868, page 198. 

Ø 14.... tel autre jour, pour parler en deuxième et dernier lieu de choses subjectives, son âme présenta au regard investigateur de la psychologie, je ne vais pas jusqu'à dire une aberration de la raison (qui, cependant, n'en serait pas moins curieuse; au contraire, elle le serait davantage), mais, du moins, pour ne pas faire le difficile auprès de certaines personnes froides, qui ne me pardonneraient jamais les élucubrations flagrantes de mon exagération, un état inaccoutumé, assez souvent très grave, qui marque que la limite accordée par le bon sens à l'imagination est quelquefois, malgré le pacte éphémère conclu entre ces deux puissances, malheureusement dépassée...

ISODORE DUCASSE, DIT COMTE DE LAUTRÉAMONT, Les Chants de Maldoror,  1869, page 274. 

Ø 15. Tolstoï parle quelque part de ces « influences épidémiques », qui règnent en religion, en philosophie, en politique, en art et en science, de ces « influences insensées, dont les hommes ne voient la folie que lorsqu'ils en sont débarrassés, mais qui, tant qu'ils y sont soumis, leur paraissent si vraies qu'ils ne croient même pas nécessaire de les discuter ». Ainsi, la passion des tulipes, la croyance aux sorciers, les aberrations des modes littéraires. —  La religion de la raison était une de ces folies.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, page 759. 

Ø 16. J'étais premier. J'aimais la gloire, mais je n'étais pas fait pour elle. Je supportai mal la mienne. Son premier rayon qui me frappait d'une façon si inattendue m'échauffa la tête. Je devins fat; par une aberration monstrueuse de ma raison, je trouvai naturel d'être le premier de ma classe, quand, en réalité, c'était hors de toute règle et de toute prévision.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie en fleur,  1922, page 364. 

Ø 17. Dès l'origine tout ce qu'il y a de représentatif, c'est-à-dire de théâtral, dans la série complète des symboles par lesquels se réalise spirituellement le grand oeuvre, en attendant qu'il se réalise réellement et matériellement, et aussi dans les écarts et errements de l'esprit mal informé, autour de ces opérations et dans le dénombrement on pourrait dire « dialectique » de toutes les aberrations, phantasmes, mirages et hallucinations par lesquels ne peuvent manquer de passer ceux qui tentent ces opérations avec des moyens purement humains.

ANTONIN ARTAUD, Le Théâtre et son double,  1938, page 59. 

Remarque : L'exemple 11 montre le passage de l'emploi A à l'emploi C. 

 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 225. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 224, b) 301; XXe.  siècle : a) 515, b) 293. 

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