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ABLUTION, substantif féminin.

Publié le 27/09/2015

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ABLUTION, substantif féminin.  

Action de laver, d'abluer. 

A.—  Action de se laver le corps ou une partie du corps par mesure d'hygiène : 

Ø 1.... des domestiques, vers la fin du dessert, distribuent aux convives des bowls pleins d'eau froide, au milieu desquels se trouve un gobelet d'eau chaude. Là, en présence les uns des autres, on plonge les doigts dans l'eau froide, pour avoir l'air de les laver, et on avale l'eau chaude, dont on se gargarise avec bruit, et qu'on vomit dans le gobelet ou dans le bowl.

(...)

Je ne suis pas le seul qui se soit élevé contre cette innovation, également inutile, indécente et dégoûtante.

(...)

Indécente; car il est de principe généralement reconnu que toute ablution doit se cacher dans le secret de la toilette.

JEAN-ANTELME BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante,  1825, page 324. 

Ø 2. Elle sortit du lit et fit les deux ablutions de l'âme et du corps, sa prière et sa toilette.

VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 446. 

Ø 3. Ce défaut d'hygiène, (...) n'indiquait pas une répugnance de l'eau et du savon, car il arrivait à Mme.  Haudouin de se laver les pieds et toujours avec satisfaction; il était simplement la conséquence d'une modestie chrétienne, (...) le curé ne défendait pas expressément aux femmes de se laver où bon leur semblait, mais il cernait habilement la question en les rappelant à chaque instant à la pudeur, et évitait avec un grand soin de commenter tel passage des écritures qui pût faire soupçonner l'excellence des ablutions.

MARCEL AYMÉ, La Jument verte,  1933, page 24. 

Ø 4. Laurent, demeuré seul, commença par enlever sa blouse et par déboutonner sa chemise. Puis il se tint la tête sous un robinet d'eau froide et s'offrit une longue ablution pour mettre en fuite jusqu'aux dernières vapeurs de la colère. Enfin il éprouva le besoin de rire et de crier.

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Combat contre les ombres, 1939, page 173. 

Remarque : 1. Acception renouvelée directement du latin ou dérivée de l'emploi B à l'époque moderne, par opposition à lavage réservé au linge et à lavement pris dans des emplois médicaux ou religieux très particuliers (confer ces mots); le contexte est plus ou moins savant ou technique. 2. Dans l'exemple-limite (exemple 2) se mêlent étroitement la simple mesure d'hygiène (toilette), la pratique religieuse (ablution du corps) et l'emploi figuré (ablution de l'âme-prière). L'opposition paradigmatique ablutions de l'âme et du corps/prière et toilette exprime les principales valeurs sémantiques dont peut se charger ablution. La transition entre les acceptions A et B est déjà sensible dans l'exemple 4. 

—  Emploi particulier, dans la langue médicale : 

Ø 5. Hugo fait un cours d'hydrothérapie. Il nous entretient de l'ablution qu'il prend chaque matin, ablution qu'il enrichit de quelques carafes d'eau glacée qu'il se verse lentement sur la nuque, dans le cours de la journée, -vantant fort ce réconfortant pour les travaux de l'intelligence et autres.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  1873, page 940. 

B.—  Action de se laver le corps ou une partie du corps à des fins de purification religieuse. (Pour la purification des objets, il semble que la langue moderne préfère le mot lustration, à la différence de la langue classique) : 

Ø 6. Le nombre trois (...) est écrit (...) dans toutes les cérémonies religieuses, antiques ou modernes, légitimes ou illégitimes, aspersions, ablutions, invocations, exorcismes, charmes, sortilèges, magie noire ou blanche;...

JOSEPH, COMTE DE MAISTRE, Les Soirées de Saint-Pétersbourg,  1821, page 130. 

a) En particulier dans la liturgie catholique romaine : usage de l'eau bénite au baptême et au lavement de pieds du jeudi saint; à la messe, rite du prêtre se lavant les doigts : 

Ø 7. Dans l'axe de l'atrium (des monastères) s'élevait originairement une fontaine... destinée aux ablutions... Les bassins d'ablution furent portés ensuite sous le porche, et plus tard dans l'église, où ils furent remplacés par les bénitiers.

ALBERT LENOIR, L'Architecture monastique.  1856, pages 99-100. 

Ø 8. La Teuse, (...) passant les burettes à Vincent pour les ablutions, se tourna, dit à haute voix :

—  Taisez-vous donc, Mademoiselle Désirée! (...) Désirée resta un instant debout, (...) regardant Vincent verser le vin de la purification, regardant son frère boire ce vin, pour que rien des saintes espèces ne restât dans sa bouche. Et elle était encore là, lorsqu'il revint, tenant le calice à deux mains, afin de recevoir sur le pouce et sur l'index le vin et l'eau de l'ablution, qu'il but également.

ÉMILE ZOLA, La Faute de l'Abbé Mouret,  1875, page 1225. 

Remarque : Noter les association syntagmatique : fontaine aux ablutions, bassin d' (ou des) ablution(s) (exemple 7), le vin et l'eau de l'ablution (exemple 8). 

b) Dans les religions anciennes et chez les Orientaux (musulmans); l'emploi peut s'étendre à des choses (confer exemple 12, 14) : 

Ø 9. Le contact ou le simple aspect d'un cadavre, chez les anciens, imprimait une souillure que force ablutions lustrales et autres expiations pouvaient à peine effacer.

PETRUS BOREL, Champvert, les contes immoraux,  1833, page 77. 

Ø 10. Il me donna sur les ablutions des détails très circonstanciés; il ne sera peut-être pas sans intérêt pour toi de les connaître et de savoir les oraisons particulières attachées à cette cérémonie préparatoire et indispensable de toute prière. En s'approchant de la fontaine... le mahométan dit : « Louange à Dieu qui nous a faits musulmans et qui nous a donné cette eau bienfaisante pour que nous puissions nous purifier de nos péchés! » Puis il... prend de l'eau dans sa main, s'en rince trois fois la bouche (chaque ablution partielle se fait toujours trois fois)... il lave ses narines..., le bras droit... se lave depuis l'extrémité du médium jusqu'au coude... Le bras gauche est lavé de la même façon... un musulman fait l'ablution de la tête de différente manière... Les maléhites... baignent d'eau le sommet seul de la tête à l'endroit où pousse la mèche... que doit porter tout croyant L'iman Malek, chef de cette secte, prétend que là finit le cerveau, et que la fraîcheur de l'eau, en y pénétrant, éteint les péchés et les pensées coupables... Trois fois on lave les oreilles... En voyage, lorsque l'eau est rare, les ablutions doivent être faites avec du sable. A la suite de certains actes corporels, l'ablution générale et complète est de rigueur...

MAXIME DU CAMP, Le Nil, Égypte et Nubie,  1854, page 31, 32, 33. 

Ø 11. Le malade qui venait chercher du soulagement dans les asclepions était d'abord soumis à quelques préliminaires qui, sous un appareil religieux, l'obligeaient à des jeûnes prolongés, à des purifications, à des ablutions, à des onctions de toutes sortes.

CLAUDE BERNARD, Principes de médecine expérimentale,  1878, page 39. 

Ø 12. On fait l'ablution du temple, dont on arrose et dérouille les chaînes.

Les gonds et les verrous, pour les fêtes prochaines.

(...)

Les Lévites portiers lavent la triple enceinte

Et s'arrêtent parfois pour baiser les pavés,...

VICTOR HUGO, La Fin de Satan,  1885, page 825. 

Remarque : Association syntagmatique : ablutions lustrales (exemple 9), ablution générale et complète, ablution partielle, ablution de la tête (exemple 10). Ablution se trouve fréquemment en association avec faire : faire l' (ou les) ablution(s) de (exemple 5, 10, 12), faire des ablutions (exemple 10). Le pluriel s'explique sans doute par la suite des ablutions partielles dont se compose la cérémonie de l'ablution chez les Musulmans (exemple 10). —  Les association paradigmatique purifications / ablutions / onctions (exemple 11) opposent une lustration par l'eau (ablutions) à une lustration par l'huile (onctions); elles situent ablutions et onctions dans le cadre plus généralement des purifications. 

c) Emploi figuré.  Purification (confer exemple 4) : 

Ø 13.... les larmes sont des ablutions saintes; elles contiennent le sel qui empêche la corruption de l'homme.

JOSÉPHIN PÉLADAN, Le Vice suprême,  1884, page 127. 

Ø 14. Coeur tant de fois lavé

D'ablutions, 

Terrain mal emblavé

D'alluvions. 

Vase mal délavé 

D'ablutions Terrain mal emblavé 

D'alluvions.

CHARLES PÉGUY, Quatrains,  1914, page 617. 

Remarque : Dans ces strophes finales des Quatrains, ablution reprend, en les résumant, toutes les formes d'expiation et de purification précédemment évoquées. Noter un élargissement de l'emploi de ablution à des objets (vase). 

 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 100. 

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