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ABOI, substantif masculin.

Publié le 27/09/2015

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ABOI, substantif masculin.  

I.—  Cri du chien lorsqu'il aboie. Synonyme : aboiement. 

A.—  Au propre : 

Ø 1.... à peine étendu sur la paille, je m'aperçus, à mon grand déplaisir, que le lieu de réunion où s'étaient rendus les principaux locataires de mon appartement ne pouvait pas être fort éloigné, tant mon oreille fut assourdie d'un mélange confus de hurlements, de jappements, d'abois, de grognements, de grondements, de piaulements, de murmures, pris dans toute l'échelle de la mélopée canine, depuis la base ronflante du mâtin de basse cour jusqu'à l'aigre fausset du roquet, et qui formait certainement le morceau d'ensemble le plus extraordinaire dont il ait jamais été question en musique.

CHARLES NODIER, La Fée aux miettes,  1831, page 106. 

Ø 2. Il n'est pas chose créée qui ne la rappelle à son affreuse condition, et les unes la blessent, les autres la trompent, toutes l'épouvantent, tellement que la contemplation ne manque jamais de la faire hurler à la mort. Elle me fait songer invinciblement à cet aboi insupportable qu'adressent les chiens à la lune;...

PAUL VALÉRY, Variété I,  1924, page 152. 

Ø 3.... on n'y entend plus son pas, ni sa voix, ni son rire; ni le cri du coq à l'aurore, le mugissement du boeuf le soir à l'abreuvoir, l'aboi du chien.

JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, tome 3, 1932, page 231. 

Ø 4. De plus en plus éperonné par le froid, le nourrisson hurle sans trêve, et de sa niche le chien lui répond maintenant par une plainte modulée, qui s'achève en une gamme ascendante d'abois aigus, insupportables.

GEORGES BERNANOS, Nouvelle histoire de Mouchette,  1937, page 1312. 

—  Par extension.  Tout bruit évoquant plus ou moins l'aboiement du chien : 

Ø 5. Après avoir salué, il tourna derrière la bourse. Là, enfin, la clameur lointaine, les abois du jeu cessèrent ne furent plus qu'une rumeur vague, perdue dans le grondement de la place.

ÉMILE ZOLA, L'Argent,  1891, page 24. 

Ø 6. Ils se taisent tous trois. Pluie, éclairs palpitants, abois du vent, sifflement des pins.

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Sept dialogues de bêtes,  1905, page 127. 

Ø 7. Gardien pur d'un or fixe où l'aboi vague insulte!

PAUL CLAUDEL, Poésies, Premiers vers, celui-là seul... 1952, page 9. 

B.—  Au figuré : 

Ø 8. Que j'insulte aux grands noms, et que ma jeune plume. Sur le peuple et les rois frappe avec amertume; Que me font, après tout, les vulgaires abois De tous les charlatans qui donnent de la voix,...

AUGUSTE BARBIER, Ïambes et poèmes, Ïambes, prologue, 1840, page 11. 

Ø 9. Les premières minutes furent consacrées à réduire au silence les abois d'une faim de chasseur, la plus féroce des faims, égale en âpreté à celle que les grégeois nomment boulimie :...

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 66. 

II.—  VÉNERIE.   [Généralement au pluriel] 

A.—  Cris des chiens au moment où la meute met le gibier à la dernière extrémité : 

Ø 10. J'aime de cent chasseurs voir la tourbe effrayante;

La voix rauque des cors tonnant au fond des bois;

Le halé des valets à la meute aboyante;

Puis l'hallali joyeux, les déchirants abois.

PETRUS BOREL, Rhapsodies, Adroit refus, 1832, page 36. 

Ø 11.... —  ô déesse intrépide des bois, Qui te plais aux soupirs des cerfs, aux longs abois. Des lévriers lancés sur la trace odorante;

CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes antiques, Khiron, 1852, page 266. 

Ø 12. C'est son premier aboi, signal d'intervention pour le chasseur, aboi qui tourne au hurlement sourd, comme étranglé, à mesure que le chien approche du solitaire. M. Paul se hâte. Il excite, il encourage son limier : « hou! hou. il est là. perce. perce! » —  Et se penchant, il voit, au bout de la coulée, le sanglier se lever devant le chien. L'ajuster? Le tirer? Il n'y faut pas songer. Il s'agit de l'épouvanter, de le pousser vers l'une des issues le maître et le chien redoublent de cris et d'abois. « Hou! hou! c'est lui! mords! mords! »

JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous, tome 2, 1923, page 9. 

B.—  Figuré. Aux abois. (Réduit) à la dernière extrémité. 

1. [En parlant de pers] :

Ø 13. « Une cour voluptueuse et dissipatrice, réduite aux abois par ses dilapidations, imagine de vendre les offices de magistrature, et crée ainsi » (ce qu'elle n'aurait jamais fait librement et avec connaissance de cause),...

JOSEPH, COMTE DE MAISTRE, Des Constitutions politiques et des autres institutions humaines,  1810, préfixe, page 77. 

Ø 14.... la crise devenait des plus sombres; la police était aux abois, et ne pouvait rien obtenir.

EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 376. 

Ø 15. Quiconque eût vu cet intérieur de famille aurait eu de la peine à croire que le père était aux abois, la mère au désespoir, le fils au dernier degré de l'inquiétude sur l'avenir de son père, et la fille occupée à voler un amoureux à sa cousine.

HONORÉ DE BALZAC, La Cousine Bette,  1847, page 47. 

Ø 16. Tous finissent par former un tableau d'un aspect bouffon et poétique.

Ils mettront la critique aux abois. 

Quoiqu'ils soient si jolis, ils ne sont pas de bois!

Voyez! c'est arlequin avec sa colombine,

Ce joli couple en qui le poête combine

L'âme avec le bonheur se cherchant tour à tour,

Et l'idéal avide, en quête de l'amour!

THÉODORE DE BANVILLE, Odes funambulesques,  1859, page 141. 

Ø 17. Tout de même ils riaient sans malice parce qu'ils n'entendaient pas à côté d'eux gémir cet homme —  gibier forcé et aux abois.

FRANÇOIS MAURIAC, Génitrix,  1923, page 332. 

Ø 18. La faim régnait, une faim désespérée, résignée, sans rage, ni fureur, ni révolte. On se sentait dans les mains, d'un ennemi trop fort. Surtout, on le sentait affamé traqué, aux abois comme soi-même. Pas une maison, pas un foyer où ne régnât cette famine, ce vide abrutissant des ventres et des cervelles, une souffrance morne indéfiniment prolongée sans espoir.

MAXENCE VAN DER MEERSCH, L'Invasion 14,  1935, page 332. 

Ø 19. En effet, le général De Lattre, tout en saisissant sur le Neckar et sur le Danube les objectifs que je lui ai fixés, ne veut pas laisser derrière lui des forces ennemies encore redoutables. D'ailleurs, le général Guisan, commandant en chef helvétique, qui craint de voir les Allemands aux abois pénétrer en territoire suisse pour y chercher passage ou refuge, a beaucoup insisté auprès du commandant de la 1re.  armée pour que des troupes françaises viennent border la frontière le long du Rhin depuis Bâle jusqu'au lac de Constance.

CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, Le Salut, 1959, page 332. 

2. Par extension.  [En parlant du comportement humain] :

Ø 20. Ces grandes expressions de l'audace dans la friponnerie, de la ruse aux abois, du stratagème renaissant de ses ficelles coupées, sont quelque chose de médiocre en comparaison de ce colosse d'esprit et de misère.

HONORÉ DE BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes,  1848, page 126. 

Ø 21. Laure était criblée de dettes et ne songeait plus qu'à trouver un bon jeune homme qui voulût bien l'enlever et la conduire à Londres. Saccard, de son côté, sentait le sol s'écrouler sous lui; son imagination aux abois cherchait un expédient qui le montrât au public vautré sur un lit d'or et de billets de banque.

ÉMILE ZOLA, La Curée,  1872, page 465. 

Ø 22. L'atelier n'était malheureusement pas fait pour raffermir son courage à bout de force, pour relever sa vertu aux abois.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Marthe, histoire d'une fille,  1876, page 24. 

—   Syntagmes stylistiques : la misère aux abois (Honoré de Balzac, La Cousine Bette, 1847, page 403); l'égoïsme aux abois (Jules San, Mademoiselle de La Seiglière, 1848, page 235); la théologie aux abois (Ernest Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, Le Séminaire d'Issy, 1881, page 219); des ombres aux abois (Jean Moréas, Poèmes et Sylves, 1896, page 73). 

 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 296. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 294, b) 579; XXe.  siècle : a) 544, b) 370. 

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