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ABOMINATION, substantif féminin.

Publié le 27/09/2015

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ABOMINATION, substantif féminin.  

I.—  Sens propre.  Horreur quasi sacrée qu'inspire ce qui est impie, maudit, mal ou monstrueux : 

Ø 1. « Dans une certaine occasion, disait-il, (Napoléon) et à la suite d'une longue discussion, Corvisart, désireux de me parler pièce en main, eut l'abomination, la scélératesse de m'apporter à Saint-Cloud, dans son mouchoir de poche, un estomac; et cette horrible vue me fit rendre à l'instant même tout ce que j'avais dans le mien. »

EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 1058. 

Ø 2. « Je donne ainsi au lecteur un léger extrait de mes rêves orientaux, dont le monstrueux théâtre me remplissait toujours d'une telle stupéfaction que l'horreur elle-même y semblait pendant quelque temps absorbée. Mais tôt ou tard se produisait un reflux de sentiments où l'étonnement à son tour était englouti, et qui me livrait non pas tant à la terreur qu'à une sorte de haine et d'abomination pour tout ce que je voyais. »

CHARLES BAUDELAIRE, Les Paradis artificiels, Un Mangeur d'opium, 1860, page 431. 

Ø 3. Enfin il se dit qu'il y avait nécessité, que sa destinée était ainsi faite, qu'il n'était pas maître de déranger les arrangements d'en haut, que dans tous les cas il fallait choisir : ou la vertu au dehors et l'abomination au dedans, ou la sainteté au dedans et l'infamie au dehors.

VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 281. 

Ø 4. Ils [ces criminels] frappent leur patrie pour s'en faire obéir. Mais ils succomberont sous l'animadversion, la vitupération, l'indignation, la fureur, l'exécration et l'abomination publiques.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Île des pingouins,  1908, page 278. 

Remarque : Les groupes associatifs enregistrés par le dictionnaire du Dictionnaire de l'Académie Française 1835 avoir en abomination, être en abomination à, sont présents dans la documentation. 

—  Plus particulier dans la langue religieuse.  [En parlant des idoles, ou des êtres qui leur sont assimilés] :

Ø 5. Je veux avancer; un exorciste me ferme le chemin. Au même moment, les évêques étendent le bras, et lèvent la main contre moi, en détournant la tête; alors le pontife, d'une voix terrible : « Qu'il soit anathème celui qui souille par ses moeurs la pureté du nom chrétien! Qu'il soit anathème celui qui n'approche plus de l'autel du vrai Dieu! Qu'il soit anathème celui qui voit avec indifférence l'abomination de l'idolâtrie! »

« Tous les évêques s'écrient : Anathème! »

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Les Martyrs ou le Triomphe de la religion chrétienne, tome 1, 1810, page 235. 

Ø 6.... cette forêt était pleine de mystère et d'horreur... les habitants... adoraient... une idole... Ayant appris... les abominations du pays Porcin, il les détesta...

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Étui de nacre, Légende des Saintes Oliverie et Liberesse, 1892, page 45. 

·    Et dans l'expression biblique l'abomination de la désolation (confer historique) : 

Ø 7.... au pied de cette roche se tenait un homme que les gens de la caravane insultaient et menaçaient. Les Turcs étaient particulièrement acharnés; les Persans ricanaient et criaient des injures, des Arméniens catholiques levaient les bras au ciel avec des exclamations de douleur et de scandale; plusieurs Juifs branlaient la tête d'un air grave et gémissaient sur la désolation de l'abomination, mais ils ne faisaient pas trop de bruit. Quelques pierres, visant le personnage poursuivi par une animadversion si générale, vinrent rebondir sur la roche.

JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Nouvelles asiatiques, La Vie de voyage, 1876, page 309. 

Ø 8. Ils [les Juifs] accumulèrent pour le désigner [la statue de Jupiter Olympien] les mots les plus sales qu'ils purent; ils l'appelèrent... « la crotte malfaisante », que les Grecs rendirent par bdelygma tês erêmôseôs, « l'abomination de la désolation », selon le latin.

ERNEST RENAN, Histoire du peuple d'Israël, tome 4, 1887-1892, page 313. 

Ø 9.... avec le syndicalisme révolutionnaire, plus de discours à placer sur la justice immanente, plus de régime parlementaire à l'usage des intellectuels; —  c'est l'abomination de la désolation! Aussi ne faut-il pas s'étonner s'ils parlent de la violence avec tant de colère.

GEORGES SOREL, Réflexions sur la violence,  1908, page 29. 

II.—  Action, conduite ou aspect abominable : 

Ø 10. Où conduisent les premiers pas de la sagesse? A être effrayé des vices et des abominations qui innondent la terre. 

LOUIS-CLAUDE DE SAINT-MARTIN, L'Homme de désir,  1790, page 385. 

Ø 11. Cette grande diablesse [Virginie] devait avoir mis sa rancune dans sa poche avec son mouchoir par-dessus.

—  Vous aviez une excuse, continua-t-elle [Gervaise] . On venait de vous faire une saleté, une abomination. Oh! je suis juste, allez! moi, j'aurais pris un couteau.

ÉMILE ZOLA, L'Assommoir,  1877, page 548. 

Ø 12.... elle (grand-mère) a un bonnet; pas un bonnet nuageux et charmant comme celui de bonne maman, mais au contraire un gros bonnet lourd, en dentelle noire avec des noeuds bleus, qui l'écrase et lui fait la tête énorme. Une abomination de bonnet!

SIBYLLE-GABRIELLE-MARIE-ANTOINETTE DE RIQUETTI DE MIRABEAU, COMTESSE DE MARTEL DE JANVILLE, DITE GYP, Souvenirs d'une petite fille, tome 1, 1927, page 16. 

Remarque : 1. Le Dictionnaire de l'Académie Française 1835 et la documentation donnent des types d'association identiques : c'est une abomination; une des plus grandes abominations qu'on puisse imaginer; commettre des abominations. 2. Autres groupes associatifs : exécrable abomination (Gustave Flaubert, La Tentation de Saint Antoine, version 1856, page 519; Maurice Barrès, Mes cahiers, tome 9, 1912); sacrilèges abominations (Léon Bloy, La Femme pauvre, 1897, page 164); rageuses abominations (Émile Zola, Paris, tome 1, 1897, page 276); abominations charmantes (Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine, 1849, page 221); abominations rectangulaires (Charles Baudelaire, Histoires extraordinaires, traduit d'Edgar Poe, 1857, préface XI); abominations mauresques (Julien Green, Journal, 1935, page 41). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 358. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 269, b) 754; XXe.  siècle : a) 1 152, b) 195. 

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