ABREUVOIR. substantif masculin.
Publié le 27/09/2015
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ABREUVOIR. substantif masculin.
I.— Point d'eau naturel ou aménagé, généralement d'eau courante, où les animaux vont boire.
A. Point d'eau naturel :
Ø 1. Elle [la maison du commandant] est située sur une place fort irrégulière, à l'angle de laquelle coule un ruisseau, servant d'un côté de fontaine et de l'autre d'abreuvoir.
EUGÈNE FROMENTIN, Un Été dans le Sahara, 1857, page 114.
Ø 2. Le rose de la nature passe au violet, puis au bleu sombre... En bas, dans les cailloux de la rivière, luisait comme un miroir à main une petite flaque d'eau claire. C'était l'abreuvoir des fauves.
ALPHONSE DAUDET, Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon, 1872, page 121.
Remarque : Exemple 2, nuance ironique; abreuvoir n'est généralement employé que pour les animaux domestiques.
B. Bassin ou auge recevant l'eau dont viennent s'abreuver les animaux :
Ø 3. Abreuvoir. Petit vaisseau dans lequel on met l'eau pour faire boire les oiseaux dans les cages; dites, augat, diminutif d'auge.
Gasconismes corrigés. 1823.
Ø 4. Le comte, voyant que les deux époux commençaient à parler par paraboles, prit l'air distrait, et regarda avec l'attention la plus profonde et l'approbation la plus marquée Édouard qui versait de l'encre dans l'abreuvoir des oiseaux.
ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de Monte-Cristo, tome 2, 1846, page 23.
Ø 5.... — aux extrémités des routes centrales, des touffes de palmiers font flotter leurs larges feuilles au-dessus des citernes, abreuvoirs des éléphants.
PHILIPPE AUGUSTE MATHIAS DE VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Contes cruels, Épilogue, l'Annonciateur, 1883, page 374.
Ø 6. Il convenait de profiter de ces loisirs et de cette abondance d'eau coutumière. Restait, en effet, à creuser le fossé-abreuvoir, aussi indispensable aux bêtes que la fontaine aux hommes.
JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, tome 2, 1928. page 147.
Ø 7. On entendait couler l'eau du côté de la grange. C'était un abreuvoir creusé dans un tronc d'arbre. Dans la boue, tout autour, des empreintes d'hommes comme d'un troupeau avaient effacé les empreintes de moutons et de vaches, on n'en voyait plus que quelques-unes vers le pré, à l'endroit sec.
JEAN GIONO, Le Grand troupeau, 1931, page 44.
Ø 8. Devant l'église de Santa Cecilia, une admirable fontaine dresse un fronton triangulaire au-dessus d'une auge d'abreuvoir : rien de plus net ni de plus constructif.
ALBERT T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1933, page 136.
Ø 9.... la plupart des fermiers consacraient les bénéfices exceptionnels du marché noir à l'amélioration de l'outillage mécanique de leur exploitation : écrémeuses électriques, eau courante à l'étable, abreuvoirs automatiques, faucheuses ramasseuses, moissonneuses lieuses.
ROGER VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, page 140.
Remarque : 1. Exemple 3, il s'agit ici du petit récipient dans lequel boivent les oiseaux et non du piège : \" prendre les oiseaux à l'abreuvoir \", (confer DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE (ÉMILE LITTRÉ) ). 2. Les exemples suivants montrent que l'abreuvoir peut accessoirement servir pour la toilette, surtout des hommes :
Ø 10. Enfin, nos salles contenaient encore une pierre immense où restaient en tout temps deux seaux pleins d'eau, espèce d'abreuvoir où nous allions chaque matin nous débarbouiller le visage et nous laver les mains à tour de rôle en présence du maître.
HONORÉ DE BALZAC, Louis Lambert, 1832, page 51.
Ø 11. Les hommes se lavent à l'abreuvoir. Lui, il s'humecte la face, où l'eau sèche instantanément, tant la peau brûle; rafraîchit sa bouche parcheminée, où un peu de salive colle en croûte verdâtre au coin des lèvres.
HENRI DE MONTHERLANT, Le Songe, 1922, page 171.
II.— Par extension. Tout lieu ou source où l'homme s'abreuve (au propre ou au figuré).
A. Emplois concrets.
— Familier. Partie d'un ménage :
Ø 12. Les fortifications d'acier poli élevées autour d'une femme anglaise, encagée dans son ménage par des fils d'or, mais où sa mangeoire et son abreuvoir, où ses bâtons et sa pâture sont des merveilles, lui prêtent d'irrésistibles attraits.
HONORÉ DE BALZAC, Le Lys dans la vallée, 1836, page 227.
— Argot et familier. Cabaret :
Ø 13. Savez-vous ce qui est trivial, hommes difficiles, gens de goût? C'est de ramasser dans les égouts des répertoires et les ordures des almanachs des idées mortes de vieillesse, de traîner sur les tréteaux des guenilles qui ont servi à tout le monde, et d'aller comme les bestiaux désaltérer votre soif de gloire et d'argent dans les abreuvoirs publics.
ALFRED DE MUSSET, Articles publiés dans le journal \" Le Temps \", 17 mai 1831, page 141.
Ø 14. Abreuvoir. Cabaret. On dit aussi et avec plus juste raison Assommoir. C'était primitivement le nom d'un cabaret de Belleville.
Dictionnaire de la langue verte (HECTOR FRANCE) 1907.
Ø 15. Il semble que, désormais, en réaction contre un Freud et un Proust, ceux qui s'aiment ne souhaitent plus que de courber sous le même joug leurs têtes rapprochées, de les pencher en même temps vers l'abreuvoir qui est un bar de nickel et d'acajou.
FRANÇOIS MAURIAC, Journal, 1937, page 179.
Remarque : Exemple 13, 15, noter l'environnement stylistique : trivial, bestiaux, joug.
B. Emplois abstrait :
Ø 16. Pourquoi a-t-elle refusé de boire aux eaux troubles, aux eaux lourdes de la passion, seul abreuvoir de la déplorable humanité?
JOSÉPHIN PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, page 61.
Ø 17. Tu t'enivres [pauvre siècle!]
À l'abreuvoir banal des journaux et des livres
Qui te gonflent avec l'espoir empoisonneur
QUE TU VIVRAS DEMAIN DANS LE PARFAIT BONHEUR, JEAN RICHEPIN, Les Blasphèmes, 1884, page 308.
Ø 18. Seule assise au foyer,
Au coin du feu,
Sur un banc de noyer,
Voûtée un peu.
Coeur tant de fois lavé
À l'abreuvoir,
Tant de fois abreuvé
Au dépotoir.
CHARLES PÉGUY, Quatrains, 1914, page 558.
Ø 19. La dernière fois que nous nous étions ainsi penchés de front, âmes à l'abreuvoir, sur le même volume, il se trouvait que c'était sur un texte allemand, sur Schopenhauer.
JEAN GIRAUDOUX, Siegfried et le Limousin, 1922, page 116.
III.— Par analogie. Abreuvoir désigne diverses réalités concrètes rappelant la forme d'un abreuvoir en auge.
— Argot. Abreuvoir à mouche. Balafre sur le visage ou au cou (confer historique) :
Ø 20. « Oui, dit Cornu [condamné à mort] , tout cela serait bel et bon, s'il ne s'agissait pas de la coloquinte (tête), mais... ce n'est pas déjà si réjouissant d'aller faire des abreuvoirs à mouches.
FRANÇOIS VIDOCQ, Mémoires de Vidocq, chef de la police de sûreté jusqu'en 1827, tome 1, 1829, page 384.
Ø 21. — Eh bien, moi, dit Carmen, je te ferai des abreuvoirs à mouches sur la joue, et je veux y peindre un damier. — Là-dessus, vli-vlan! elle commence, avec le couteau dont elle coupait le bout des cigares, à lui dessiner des croix de Saint-André sur la figure.
PROSPER MÉRIMÉE, Carmen, 1847, page 33.
— Emplois techniques.
· BÂTIMENT, CONSTRUCTION:
Ø 22.... en creusant dans les joints verticaux des abreuvoirs, c'est-à-dire des canaux obtenus en creusant symétriquement les deux faces du joint, qu'on remplit en mortier mou de ciment Portland, [on évite la chute des avant-becs d'un viaduc]
CHARLES BRICKA, Cours de chemin de fer, tome 1 1894, page 178.
· FORESTERIE. Gélivure, gouttière.
STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 120.
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