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ABSINTHE, substantif féminin.

Publié le 28/09/2015

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ABSINTHE, substantif féminin.  

I.—  A.—  Sens propre.  Plante amère et aromatique qui pousse dans les terrains vagues, les sables et les rocailles; la même, comme plante de culture : 

Ø 1.... et leurs graines étaient répandues sur la terre; celles que M. Collignon, notre jardinier, put reconnaître, sont, la grande absinthe, l'absinthe maritime, l'aurone mâle, l'armoise, le thé du Mexique, la verge d'or du Canada, l'aster (oeil de Christ), la mille-feuille, la morelle à fruit noir, la perce-pierre (criste-marine), et la menthe aquatique.

Voyage de la Pérouse autour du monde (MILET DE MUREAU)  tome 2, 1797, page 282. 

Ø 2. Les arbrisseaux sont aussi très-nombreux : on y voit le petit saule, le laurier de plusieurs espèces, le sureau nain, le sureau vénéneux, le génévrier, le petit chêne, la douce fougère, le petit noisetier, le myrthe à cire, l'hiver verd, le buisson à fièvre, le groseillier, le framboisier, le mûrier de haies, le vrai thé, le thé sauvage, l'absynthe, et un grand nombre d'autres sur lesquels je n'ai pas été à même de prendre des notes.

GÉNÉRAL LOUIS-NARCISSE BAUDRY DES LOZIÈRES, Voyage à la Louisiane et sur le continent de l'Amérique septentrionale, Préface 1802, page 172. 

Ø 3. Sa prétention de traiter les gastralgies par des appositions de poudre de rose rouge, de corail et de mastic, d'absinthe et de menthe, de noix muscade et d'anis est pour le moins controuvée;...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 1, 1891, page 160. 

Ø 4. Ce sont les essences d'anis et d'absinthe qui ont produit le plus grand nombre d'anomalies...

FERNAND WIDAL, PIERRE-JEAN TEISSIER, GEORGES-HENRI ROGER, Nouveau traité de médecine,  1920-24, fascicule 6, page 30. 

Remarque : Les définitions tirées des dictionnaires spécialisés mentionnent différentes variétés de la plante : grande -, petite -, -pontique, - maritime, -santonique. Plante médicinale (exemple 3). 

B.—  Emploi figuré.  [Notamment dans Les expressions du type boire, faire boire (de) l'absinthe]  Amertume : 

Ø 5. Oui; je la vois, grands dieux! cette maison cruelle

Que sans trouble jamais n'abordèrent mes pas.

Mais ce trouble était doux, et je ne mourais pas.

Mais elle n'avait point, sans pitié même feinte,

Rassasié mon coeur et de fiel et d'absinthe.

ANDRÉ CHÉNIER, Élégies, Les Amours, Lycoris, 1794, page 60. 

Ø 6. Ma fille, va prier! —  D'abord, surtout pour celle

Qui berça tant de nuits ta couche qui chancelle,

(...)

Et qui te mit au monde, et depuis, tendre mère,

Faisant pour toi deux parts dans cette vie amère,

Toujours a bu l'absinthe et t'a laissé le miel.

VICTOR HUGO, Les Feuilles d'automne,  1831, page 792. 

Ø 7. Femmes qui connaissez enfin comme nous-mêmes

Le paradis perdu de nos bras dénoués

Entendez-vous nos voix qui murmurent je t'aime

Et votre lèvre à l'air donne un baiser troué

Absence abominable absinthe de la guerre 

N'en es-tu pas encore amèrement grisée

...

LOUIS ARAGON, Le Crève-coeur,  1941, page 15. 

II.—  Liqueur alcoolique toxique, de couleur verte, extraite d'une des variétés (grande absinthe) de cette plante : 

Ø 8. J'étais, voici quatre ou cinq ans, en tournée d'inspection à Limoges, attendant l'heure du dîner. Assis devant le grand café de la place du théâtre, je m'ennuyais ferme. Les commerçants s'en venaient, à deux, trois ou quatre, prendre l'absinthe ou le vermouth,...

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, L'Ami patience, 1883, page 1239. 

Ø 9. Et ma foi, je me suis mis à son régime et si, par hasard, nous prenons une absinthe, nous la prenons au laudanum.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  septembre 1885, page 490. 

Ø 10. Minouflet eut l'oubli de sa peine en jouant l'apéritif à la manille chez Maréchal l'aubergiste, avec Neveux et Duvigneaut qui prenaient de l'absinthe gommée, lui, un amer citron.

PIERRE HAMP, Vin de Champagne,  1909, page 119. 

Ø 11. Elle [la bouteille] est à moitié pleine de liqueur verte, avec, au fond, un feutrage d'herbes, de feuilles, de petits grains bruns. C'est de l'absinthe qu'il fait lui-même avec l'armoise de la colline, l'anis qu'il commande au facteur, et son vieux marc.

JEAN GIONO, Colline,  1929, page 20. 

Remarque : Absinthe, comme tous les noms d'alcools qui se débitent dans les bars, etc., est fréquemment employé par métonymie dans le sens de verre d'absinthe (exemple 8, 9). On trouve aussi un emploi de absinthe comme adjectif de couleur : 

Ø 12. —  Les gens qui ont l'air de savoir quelque chose appellent ça des bombes au calcium. C'est vert, absinthe exactement.

ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir,  1937, page 720. 

Expressions et locutions. 

—  Faire son absinthe, sens propre : verser l'eau sur l'absinthe : 

Ø 13. Il y a plusieurs manières de faire son absinthe (...) : la hussarde (...), la purée (...), l'amazone (...), la vichy (...), la bourgeoise (appelée aussi panachée)... (Almanach du hanneton, 1867).

Les excentricités du langage français (LORÉDAN LARCHEY)  1872, page 24. 

Ø 14. Il avançait la tête, pris d'une méfiance. Soudain :

—  Ah ça! Mais, tonnerre de Dieu, est-ce qu'il ne fait pas mon absinthe!

GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Le Train de 8 h 47,  1888, page 42. 

Ø 15. absinthe (faire son)... Signifie aussi cracher en parlant (...) « X... demande son absinthe (...) il parle art ou politique pendant un quart d'heure —  et son absinthe est faite. »

ALFRED DELVAU, Dictionnaire de la langue verte, Argots parisiens comparés, 1866, page 3. 

Faire l'absinthe,   au figuré : projeter, en parlant, de petits jets de salive : 

Ø 16. Absinthe en parlant (faire l'). Lancer, en parlant, de petits jets de salive (...). « Et, avec cela, quand elle ouvrait la bouche pour jaser, elle faisait l'absinthe! » (Huysmans, les soeurs Vatard).

LUCIEN RIGAUD, Dictionnaire du jargon parisien, l'argot ancien et moderne,  1878, page 3. 

—  Avaler son absinthe (figuré) : 

Ø 17. Avaler son absinthe. Faire contre mauvaise fortune bon visage, endurer avec résignation quelque désagrément.

LUCIEN RIGAUD, Dictionnaire du jargon parisien, l'argot ancien et moderne,  1878 page 20. 

—  Renverser son absinthe (figuré) : 

Ø 18. mourir (...) Renverser son absinthe.

ARISTIDE BRUANT, L'Argot au XXe.  siècle, Dictionnaire français-argot, 1901, page 325. 

—  L'absinthe ne vaut rien après le déjeuner (figuré) : 

Ø 19. L'absinthe ne vaut rien après déjeuner. Locution peu usitée (...) [=] Il est désagréable, en revenant de prendre son repas, de trouver sur sa casse de la correction à exécuter. (Absinthe dit Amertume.)

EUGÈNE BOUTMY, Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883, page 82. 

Ø 20. Mon cher Marras, Par suite de la nuit je ne pourrai vous donner l'argent que demain à trois heures ici, au café, ou à votre bureau, égal, tenez : à l'heure de l'abs (inthe).

PHILIPPE AUGUSTE MATHIAS DE VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Correspondance générale, tome 1, 1863, page 64. 

Ø 21. Absinthe de minuit, celle que l'on fait avec du vin blanc.

GEORGES DELESALLE, Dictionnaire argot-français et français-argot,  1896, page 3. 

—  Absinthe du vidangeur  : 

Ø 22. Verre de vin. Absinthe de vidangeur.

ARISTIDE BRUANT, L'Argot au XXe.  siècle, Dictionnaire français-argot, 1901, page 439. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 293. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 209, b) 706; XXe.  siècle : a) 614, b) 319. 

 

Forme dérivée du verbe \"absinther\"

 absinther

ABSINTHER, verbe transitif.  

A.—  Emploi transitif.  Mélanger de l'absinthe. Confer étymologie. 

B.—  Emploi pronominal.  S'adonner à l'absinthe, faire sa boisson favorite de ce poison (Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte, Argots parisiens comparés, 1866, page 4) : 

Ø 1. absinther (s')... Se dit aussi des vieux buveurs... Que devient X? —  Il s'absinthe.

LES EXCENTRICITÉS DU LANGAGE FRANÇAIS  (LORÉDAN LARCHEY) Supplément.  1880, page 2. 

Ø 2. Puis vinrent tout de suite les indiscrétions et des anonymes écrivirent à ma mère pour lui signaler « le monstre vert », inspiratrice, assuraient-ils, de Fanny Legrand et qui, paraît-il, s'absinthait.

LÉON DAUDET, Quand vivait mon père,  1940, page 167. 

 

 

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